*** Les deux principaux candidats à la présidence considèrent Ankara avec méfiance. Cela n’a pas toujours été le cas, relève Hürriyet, qui raconte une histoire vieille de douze ans :
“C’est un coup d’Etat ou quoi ? La police est en train d’encercler le Parlement.” Cette phrase fut en son temps prononcée par Ségolène Royal.
C’était le 2 mars 1994 et la police turque s’apprêtait à pénétrer dans l’Assemblée nationale turque à Ankara. Ce jour-là, le Parlement venait de lever l’immunité des députés du DEP [Parti de la démocratie, formation prokurde accusée de séparatisme et qui sera par la suite interdite]. Une autre scène reste également gravée dans les mémoires : Orhan Dogan et Hatip Dicle, deux des députés de ce parti privés d’immunité parlementaire, sont poussés dans les escaliers du Parlement à coups de pied et de poing et embarqués manu militari dans une voiture de police. Ils seront ensuite condamnés et ne sortiront de prison que dix ans plus tard. Mais à l’intérieur du Parlement demeurent quatre autres députés déchus : Leyla Zana, Ahmet Türk, Sirri Sakik et Mahmut Alinak. Pour protester contre le sort qui leur est fait, ils décident de camper deux jours et deux nuits à l’intérieur du Parlement. La femme qui reste deux nuits à leurs côtés n’est autre que Ségolène Royal. C’est au nom “du droit, de la démocratie et de la solidarité” qu’elle décide à l’époque d’accompagner les quatre députés du DEP. Peu de temps avant ces événements, Leyla Zana, Ahmet Türk et Sirri Sakik avaient été reçus à l’Elysée par François Mitterrand. Celui-ci s’était montré généreux et compatissant : “Les portes de la France vous sont ouvertes à jamais.” Finalement, les députés du DEP décident de rentrer en Turquie. Au même moment, à Paris, le groupe socialiste se réunit. La décision de marquer la solidarité du PS français est prise. Ségolène Royal prend la parole : “Je suis juriste. Il serait judicieux que ce soit moi qui aille en Turquie.” Elle débarque ainsi à Ankara et suit les événements. Et, lorsque les policiers de la cellule antiterroriste investissent l’Assemblée nationale, ils observent cette mère de quatre enfants, qui n’est pas mariée et qui vit depuis vingt ans avec le même homme. Tous pensent : “Mais que fait donc cette bonne femme ici ?” Un an et demi plus tard, Sirri Sakik, un des députés du DEP qui était resté dans le Parlement et qui avait été emprisonné, est libéré [Leyla Zana restera, quant à elle, en prison jusqu’en juin 2004]. Ségolène Royal revient dans la capitale turque pour le congratuler. A cette époque, Royal était proche de ce qui se passait en Turquie, alors qu’aujourd’hui elle semble si loin. Lorsqu’on l’interroge sur les rapports entre la Turquie et l’Union européenne, elle élude la question en expliquant que sa position “sera celle du peuple français”. Dans la foulée de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale française sanctionnant la négation du génocide arménien, elle n’a pas hésité à déclarer que, “si la Turquie [voulait] entrer dans l’Union européenne, elle [devait] reconnaître le génocide arménien”. Par ailleurs, la perception de la Turquie de Nicolas Sarkozy n’est pas beaucoup plus brillante. Voilà donc les candidats qui s’affronteront en avril en France et décideront de l’avenir des relations franco-turques.
Hier les démocrates turcs l’ont applaudie… et demain ?
Ségolène Royal, qui il y a douze ans semblait avoir tout compris de la politique intérieure turque, s’est donc aujourd’hui bien éloignée de notre pays. D’aucuns pourraient penser qu’à cette époque, déjà, en choisissant de défendre le DEP (aux orientations prokurdes), elle n’était finalement pas si proche de la Turquie. A ce moment-là, elle était venue à Ankara pour défendre la démocratie et la justice. Ceux qui défendaient la prééminence de la justice et qui croyaient en la démocratie l’avaient alors applaudie. Dans un avenir pas très lointain, sa route croisera certainement à nouveau celle de la Turquie. Toutefois, si elle campe sur ses dernières positions, je crains qu’il n’y ait plus personne ici pour venir l’applaudir.
Yalçin DoganHürriyet
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Courriel International
7 déc. 2006
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