**** Un regard conservateur et misogyne sur l'élection présidentielle en France, publié dans Asharq Al-Awsat, un quotidien panarabe de Londres qui se veut pourtant libéral.
La France est un pays important pour les Arabes, notamment parce que sa politique proarabe peut entraîner ses partenaires de l'Union européenne. Le président Jacques Chirac est considéré comme le maestro de la politique internationale. Il lui reste un mois pour décider s'il veut se représenter ou non pour un nouveau mandat. Il a contre lui son âge (74 ans) et les sondages, mais il faut bien admettre que son départ de l'Elysée sera une lourde perte pour les Arabes. Car, depuis Napoléon, la France n'a pas eu de chef d'Etat qui se préoccupe autant que lui des questions arabes, se montre aussi sensible à leurs souffrances et fasse preuve d'autant de compréhension pour leurs causes, au point qu'on peut le qualifier non seulement d'ami des Arabes, mais également de conseiller de leurs dirigeants. On n'aurait pu en dire autant même de Charles de Gaulle, qui avait été moins irréprochable avant l'éveil de sa conscience arabe, au moment de la défaite contre Israël en 1967.
Cherchez donc l'Arabe dans Ségolène ou Sarkozy ! Vous ne trouverez rien. Tous deux ont visité Israël, aucun des deux n'a visité une des capitales arabes qui comptent sur la scène moyen-orientale, telles que Riyad ou Le Caire. Il faut dire qu'en Europe on ne s'intéresse pas beaucoup à la politique étrangère. Le débat public tourne autour des questions fiscales. Les électeurs se préoccupent de leur portefeuille, des problèmes économiques, de l'inflation, du prix des logements et de leur bien-être. Aucun des deux principaux candidats ne se rend compte que les Arabes constituent une source considérable de puissance et d'influence pour la France en Europe et dans le monde.
A la limite, les Arabes pourraient recevoir Sarkozy. Mais ils seraient bien embarrassés de recevoir Ségolène. Déjà, ils ont reçu Condoleezza Rice sans savoir si elle était vierge. Mais Ségolène, qui est la compagne du chef de son parti, François Hollande, a carrément mis au monde quatre enfants hors mariage. Les Arabes pourraient-ils accepter une femme comme présidente ? En Egypte, un mufti a jugé licite qu'une femme devienne présidente, et les musulmans du Pakistan, du Bangladesh, d'Indonésie et de Turquie ont porté des femmes au pouvoir.
Mais les Arabes ne semblent pas vraiment disposés à accepter cette éventualité. A une époque où les valeurs religieuses de pudeur sont de nouveau d'actualité, il sera tout de même difficile de recevoir une femme qui est mère sans être mariée. La famille est la base de la société musulmane, et le mariage en est une institution sacrée. Tel n'est pas le cas chez les Français puisque à Paris la moitié des habitants vivent seuls, qu'ils soient célibataires ou divorcés. Et la proportion d'enfants nés hors mariage atteint des niveaux invraisemblables pour une société catholique.
Le chef du Parti socialiste est à la fois le point fort et le point faible de Ségolène. Hollande est un homme politique aguerri, cultivé, pondéré. Il aime sa compagne au point d'avoir sacrifié ses propres chances de parvenir à la présidence. Moi, à sa place, je n'en aurais pas fait autant. Les femmes de pouvoir me font peur. Ce sont toutes des tigresses qui essaient de vous faire oublier leurs griffes. La Turque Tansu Ciller a participé à la corruption de la vie politique turque, l'Indienne Indira Gandhi a suspendu temporairement la démocratie indienne et a émasculé des hommes afin de limiter la démographie de son pays. Quant à l'Américaine Hillary Clinton, elle veut dicter leur vote aux femmes blanches afin d'empêcher un homme noir d'arriver à la Maison-Blanche.
Depuis la fin des différences idéologiques entre la gauche et la droite, rien ne les distingue plus au niveau politique. Ségolène et Sarkozy parlent grosso mode le même langage, et la seule différence est que l'une est une jolie femme, l'autre un homme sérieux. Les Français passent plus de temps à fumer qu'à travailler, aiment discuter de la nécessité des réformes sans jamais les réaliser et se mettent en grève dès que l'Etat touche à leurs acquis syndicaux. Alors que la France avait connu la prospérité dans les années 1950 et 1960, elle ploie aujourd'hui sous les impôts, les restrictions aux lois du marché, une Sécurité sociale qui épuise les caisses de l'Etat et un taux de chômage élevé. Pour arriver à la présidence française, il faut faire un parcours long et difficile puisqu'il n'y a ni héritage ni transmission.
Ghassan Al-Imam, Asharq Al-Awsat, Londres
13 févr. 2007
Courrier International
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