mercredi, mars 28, 2007

* «Quel président je serai…» Nicolas SARKOZY


*** Propos recueillis par Christophe Barbier, Corinne Lhaïk, et Eric Mandonnet
Le candidat de l'UMP expose sa conception de la fonction, développe ses priorités et formule de nouvelles propositions. Interview exclusive :

** En quoi une présidence Sarkozy serait-elle différente d'une présidence Chirac?
La question n'est pas tant la différence avec une présidence Chirac qu'une rupture avec la manière de faire de la politique depuis 1981. Je veux que la campagne électorale soit un moment de liberté - liberté de penser, de parler et de réfléchir. Je dis aux Français: «Pensez librement! N'ayez pas de tabous!» Et ma rupture, ce sera celle des promesses tenues, des engagements pris, de la confiance retrouvée entre le peuple et la parole publique. Ma vie, ma passion, c'est l'action. Je mettrai donc en œuvre rigoureusement, scrupuleusement, totalement tout ce que j'aurai annoncé.

Jusqu'à quel point le président doit-il être un chef de la majorité, jusqu'à quel point doit-il rester un arbitre?
A mes yeux, le président, c'est un animateur d'équipe, celui qui préside la première institution et fait fonctionner l'ensemble des institutions du pays, mais, avant toute chose, c'est un leader qui assume ses responsabilités. Il dit ce qu'il pense, fait ce qu'il dit, s'engage sur des résultats, par exemple le plein-emploi. Le président, ce n'est pas un arbitre, c'est un responsable. Il doit aussi rassembler le pays et non le diviser, au service d'un projet. La reine d'Angleterre est un arbitre! Celui qui est élu au suffrage universel doit entraîner le pays. Ce faisant, je reviens à l'esprit de la Ve République. Je ne serai pas le président qui dira, le 14 Juillet: «J'ai demandé à mon Premier ministre de lutter contre le chômage.» J'assumerai mes choix politiques et demanderai aux Français d'être juges des résultats.

Quel sens donnez-vous à l'expression «président de tous les Français»?
C'est parce qu'il a gagné que le président doit ouvrir sa majorité. Je ne suis pas l'homme d'un clan, d'une secte, je ne serai pas l'homme d'un parti. Je veux être l'homme du rassemblement et de l'unité!

Mitterrand disait que la principale qualité d'un président, c'était l' «indifférence» et qu'il fallait «donner du temps au temps».
J'ai du respect pour François Mitterrand, mais, contrairement à lui, je n'ai pas de cynisme. Les Français n'ont pas le temps d'attendre. Ils ont des problèmes qui doivent être résolus maintenant.

Jacques Chirac fait l'éloge de la «mesure» qu'il faut pour gouverner la France. Or vous êtes perçu comme un homme de confrontation et de clivage...
Je suis celui, parmi les candidats, qui a la plus grande expérience politique. On n'a jamais pu mettre en cause ma mesure, mais la mesure ne signifie pas l'immobilisme. Cela fait trop longtemps que la France le choisit, ou plutôt le subit.

Reprenez-vous à votre compte le travail contre les extrémismes dont Jacques Chirac a fait l'un des piliers de la mission présidentielle?
En trente ans de vie politique, je n'ai jamais été pris en défaut de lutte contre les extrémismes. Mais diaboliser les électeurs du Front national est une stratégie qui n'a pas réussi. Aujourd'hui, je veux faire revenir dans le camp de la République ceux qui s'en sont éloignés.

En quoi modifieriez-vous la communication du chef de l'Etat?
Je ferai régulièrement des conférences de presse. Il faut un contact régulier entre le chef de l'exécutif et le peuple. Il ne s'agit pas d'une question de communication, mais d'assumer ses responsabilités. Quand on s'engage sur un projet, il faut s'expliquer.

Un président doit-il surveiller davantage son langage qu'un ministre de l'Intérieur?
Le ministre de l'Intérieur que j'ai été a toujours surveillé son langage. Le président que je serai si je suis élu le fera. Le terme «racaille» n'était pas un dérapage. Un président n'est pas illégitime à dire qu'un voyou est un voyou. Il est même recommandé qu'un président de la République se fasse comprendre des citoyens qu'il entend représenter.

Pour lutter contre le syndrome de la tour d'ivoire, le chef de l'Etat doit-il habiter ailleurs qu'à l'Elysée?
Le président doit être en sécurité, il doit être informé. Il y a des institutions, on s'y installe. Le syndrome de l'enfermement, je crois qu'on le combat en limitant à deux le nombre de mandats successifs. Ajoutons une pratique plus républicaine et moins monarchique… C'est une question de tempérament.

C'est-à-dire?
Je sais que je ne finirai pas ma vie dans la politique. J'ai 52 ans, donc je suis beaucoup plus décontracté sur le syndrome de la tour d'ivoire.

Comment doit être rythmé le quinquennat? Un seul Premier ministre pour toute la période, afin qu'il dispose de la durée?
Non. Le quinquennat doit pouvoir respirer. Je le conçois en trois phases: deux ans pour mettre en place les réformes, deux ans pour piloter ces réformes, évaluer puis modifier ce sur quoi on s'est trompé, un an pour réfléchir à une éventuelle nouvelle candidature.

Vous avez envisagé de nombreux aménagements constitutionnels depuis un an. Lesquels retenez-vous?
La révision constitutionnelle aura lieu à l'automne. Je propose de limiter, donc, à deux le nombre de mandats présidentiels, d'avoir un président qui peut s'exprimer devant les députés et un Parlement qui puisse davantage contrôler, avec un organisme d'audit à sa dispo-sition, et qui ratifie les nominations les plus importantes. Le reste, c'est un changement d'état d'esprit et de pratique.

Faut-il accorder aux citoyens le droit de saisir le Conseil constitutionnel?
Spontanément, ma réponse est oui, car c'est un droit nouveau. Mais j'hésite, car l'avocat que je suis redoute une judiciarisation croissante de la société française.

Inscririez-vous dans la Constitution l'interdiction de financer les dépenses de fonctionnement par le déficit?
Je veux introduire cette règle, pas forcément dans la Constitution. La question, c'est: quand? En fin de quinquennat. Cela dit, il faut bien distinguer entre les dépenses. Investir pour mettre le TGV à Strasbourg, c'est une dépense nécessaire, c'est même invraisemblable qu'on ne l'ait pas fait plus tôt.

Etes-vous sûr que l'exonération d'impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires, que vous proposez, n'est pas anticonstitutionnelle?
Beaucoup d'exonérations sont déjà prévues, je ne vois pas pourquoi celle-ci ne serait pas acceptable.

Que devient la fonction de Premier ministre?
Il faut un Premier ministre dans un pays de 64 millions d'habitants, et c'est une erreur de considérer qu'il ne doit s'occuper que du national, tandis que le chef de l'Etat ne s'occuperait que de l'international. Le Premier ministre aide et soulage le président. Il anime le travail des 15 ministres, qui ne doivent pas être des collaborateurs, mais de vrais responsables politiques qui dirigent leur administration, assument leurs succès comme leurs échecs. C'est une équipe! Avec des secrétaires d'Etat qui apprennent leur métier et qui puissent retrouver leur siège de parlementaire directement, sans passer par des élections partielles.

Quels redécoupages ministériels, autres que celui concernant «l'immigration et l'identité nationale», envisagez-vous pour renforcer l'efficacité de l'action gouvernementale?
Je veux rassembler le ministère de la Culture et celui de l'Education nationale dans un même ensemble, notamment pour favoriser les enseignements artistiques. Si le ministre de la Culture n'est pas en position de diriger l'Education nationale, il perdra toujours ses arbitrages. Je veux également un ministère des Sports, mais il faut une articulation avec le ministère de la Santé: sinon, comment combattre le dopage?Prenez le développement durable. Il faut, en plus du ministère de l'Ecologie traditionnel, un ministère du Développement durable, chargé de la politique de l'eau, des transports, de l'énergie. Je m'interroge enfin sur un ministère des Comptes, de tous les comptes et pas seulement du budget de l'Etat, au côté d'un ministère de l'Economie ou de la Stratégie économique.

Les administrations sont-elles prêtes à accompagner ces changements?
Je veux m'affranchir de la logique des corps et je créerai une centaine de contrats individuels pour les postes de directeurs: cela fait trente ans que les meilleurs du secteur public partent dans le privé, je voudrais que les meilleurs du privé reviennent dans les administrations. Ce n'est pas absurde d'avoir un directeur du Trésor qui ait eu une expérience de l'entreprise, un directeur des grâces qui ait celle des tribunaux. Je n'ai pas fait l'ENA, je ne me sens prisonnier d'aucun corps.

Quel usage aurez-vous du référendum, si vous êtes élu?
Modeste. Le quinquennat a beaucoup changé les choses. Il y a la présidentielle, puis les législatives, se profilent ensuite les municipales, les cantonales et les régionales. Croyez-vous que, si je suis élu, je vais aussitôt dire aux Français: «Excusez-moi, j'ai besoin de vous demander votre avis sur un autre sujet»?

Imaginez-vous le 14 Juillet très différent de ce qu'il est aujourd'hui?
Oui. Je prendrai une initiative européenne: cela aurait un certain sens d'inviter un contingent des 26 autres pays européens pour le défilé du 14 Juillet. La France qui a dit non à la Constitution européenne montrerait ainsi qu'elle veut faire redémarrer l'Europe. Ce serait un beau message de paix.

Il y a aussi le symbole de la garden-party…
Elle appartient à ces traditions qui doivent être poursuivies, mais nous pourrions profiter de cette date pour organiser un rassemblement des jeunes de toute l'Europe, place de la Concorde, à Paris, autour de la culture européenne.

Que ferait le tout premier gouvernement?
Lui et moi aurons une double mission: préparer tout de suite les projets de loi pour la session extraordinaire et déclencher immédiatement une politique européenne et internationale qui dise au monde: «Voilà, la France prend ses responsabilités.» Dès la première semaine, je me rendrai à Berlin et à Bruxelles pour tenter de débloquer la situation européenne. J'irai également très vite en Afrique, pour poser les bases d'une nouvelle politique de l'immigration.

LEXPRESS.fr du 27/03/2007

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