mardi, novembre 06, 2007

***Ce que Bush et Sarkozy se sont (presque) dit...***


*** Nicolas Sarkozy devait être reçu pour la première fois à la Maison-Blanche le 6 novembre. Voici comment le chroniqueur du New York Times Roger Cohen imagine son entretien avec le président américain.

Bush Yo, Sarko !

Sarkozy Bonjour George !

B. J'étais en train de penser – oui, ça m'arrive – que tu es mon meilleur ami en Europe, à présent. Berlusconi est fini. Je ne sais pas où est passé Blair. Et quant à cet ancien coco polonais, je n'ai jamais réussi à me souvenir de son nom [l'ancien président Aleksander Kwasniewski]. Je vais peut-être devoir apprendre le français !

S. Doucement, George.

B. (Rires.) T'as raison, amigo, je devrais peut-être laisser ça à Giuliani. Comment dit-on 9/11 en français ? Ça a un air de déjà-vu, non ? Comme je l'ai dit à Kennebunkport, nous avons eu de vrais différends sur l'Irak mais je n'ai jamais laissé un différend m'empêcher de travailler avec quelqu'un. Ou pas.

S. (Perplexe.) Quel philosophe éclairé !

B. Ah, ne me traite pas d'intello !

S. Non, non ! Ce qui compte, c'est que nous sommes une famille. L'Irak, c'est de l'histoire ancienne. Entre vieux alliés, on peut pas divorcer.

B. (Etonné.) Divorcer ?

S. Quand mari et femme se séparent.

B. Tu sais, c'est pas que je lui en veuille, mais la façon dont elle a refusé mes hamburgers et mes myrtilles [lorsque Cécilia Sarkozy a prétexté une angine blanche pour ne pas aller chez les Bush en août dernier]…

S. (L'interrompant.) A propos d'histoire, j'ai décidé de décorer de la Légion d'honneur six vétérans américains de la Seconde Guerre mondiale.

B. Excellent ! Ecoute, toi et moi, on est des beaux parleurs qui ont leur franc-parler. En Amérique, on considère toujours les Français comme des lâches et des ingrats qui croient avoir gagné la guerre, alors que nous sommes persuadés que c'est nous qui l'avons gagnée pour eux. Cette distribution de légions est une bonne chose.

S. Merci, George. Je suis déterminé à changer l'image de la France. Tu sais, on a créé plus de 200 000 nouvelles entreprises l'année dernière en France.

B. Pas étonnant, mon pote. Depuis que je suis à la Maison-Blanche, j'ai appris qu'"entrepreneur" se disait "entrepreneur" en français. Et, depuis que tu es président, j'ai appris qu'en français "week-end" ne se disait pas "long week-end".

S. Les Français veulent travailler et gagner plus. A l'américaine ! C'est pour ça que je viens de m'augmenter de 200 000 dollars [240 000 euros brut par an, contre 101 000 jusqu'à présent]. Avant, les hommes politiques étaient frileux, mais je pense que nous pouvons être aussi cupides que les Anglo-Saxons !

B. Tu gagnes toujours 150 000 dollars de moins que moi, et 17 millions de dollars de moins que Stan O'Neal [ex-PDG de Merrill Lynch]. T'as eu raison. Mais ta façon d'emboîter le pas à cet imbécile de pseudo-prophète d'Al Gore ! On dit ici que vous allez bientôt arrêter de construire des routes !

S. Oui, oui, nous allons instaurer une écotaxe sur les voitures les plus polluantes, et doubler la capacité de notre réseau TGV. Les Européens s'excitent pour un rien là-dessus. Demande à Angela Merkel !

B. (Chantonnant le refrain des Rolling Stones.) Angie, Annn-gie, ain't it good to be alive ?

S. (Inquiet.) Monsieur le président, êtes-vous...

B. (L'interrompant) J'ai jamais compris les Européens. Plus de routes ! Essayez voir de faire ça au Texas ! En plus, vous êtes contre la peine de mort. Vous êtes vraiment laxistes.

S. Il faut regarder vers l'avenir. Quoi de neuf, M. le président ?

B. Voyons voir, qu'est-ce que tu penses de notre conférence de paix sur le Moyen-Orient ?

S. Pas grand-chose. Tu as passé sept ans à ne rien faire et maintenant tu organises un grand sommet ? Bizarre. Mais, comme je dis toujours, mieux vaut avoir l'air d'être actif que d'être actif sans le montrer.

B. Joue pas au Parisien rive gauche, Sarko ! Mon plan est simple : faire plaisir à Tony [Blair, émissaire spécial du Quartette au Moyen-Orient] ! Il me manque, le bougre. Brown me rappelle la différence qu'il y a entre un Ecossais renfrogné et un rayon de soleil.

S. Pas de commentaire, George.

B. L'Iran est notre priorité. S'ils ont la bombe nucléaire, ils pourraient proliférer. Ils pourraient perpétuer, euh persécuter, non perpétrer, des attaques contre la marche en avant de la liberté. Les démocrates ne reconnaîtraient pas Hitler s'ils l'avaient à déjeuner.

S. Doucement, George. Comme je l'ai déjà dit, on a le choix entre la bombe iranienne et les bombes sur l'Iran. La diplomatie vise à éviter ça. Tu veux avoir trois guerres dans des pays musulmans ?

B. D'accord, ça fait beaucoup, mais Dick [Cheney, le vice-président] en réclame toujours davantage !

S. En tout cas, il ne faut pas le moindre nuage entre nous, c'est mon credo !

B. Paris by night, c'est le mien ! Un pour tous !

S. Je dois m'adresser au Congrès. Qu'est-ce que je dois leur dire ?

B. Que ce sont tous des losers adorateurs de l'ONU, des francophones mangeurs d'ail et de fromages puants !

S. Quoi ? What ?

B. Désolé. J'ai d'horribles flashbacks. Dieu bénisse la France !

S. Et Vive l'Amérique !


Roger Cohen
The New York Times

Courrier International

6 nov. 2007

*Photo : Nicolas Sarkozy et son homologue américain, 11 août 2007
AFP

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