jeudi, mai 01, 2008

***Le modèle suédois n'est pas exportable tel quel...***


***Que peut apporter la Suède à l'Europe ?

*Cecilia Malmström, ministre des Affaires européennes du gouvernement conservateur suédois, explique le rapport de son pays à l'Europe. Mais, pour la plupart des Français, elle reste probablement plus connue comme l'eurodéputée qui a initié une pétition en ligne pour que le Parlement européen cesse de siéger à Strasbourg.

Courrier international : Comment définissez-vous le modèle suédois ?
Cecilia Malmström : Par modèle suédois, nous entendons le fait de résoudre les conflits sur le marché du travail par des négociations entre partenaires sociaux. C'est également un modèle par lequel nous sommes tous assurés de bénéficier d'un régime de protection sociale, grâce à des impôts élevés. L'Alliance [la coalition qui rassemble libéraux, conservateurs et chrétiens-démocrates, au gouvernement depuis septembre 2006] entend préserver ce modèle tout en le modifiant. Il faut qu'il soit plus intéressant de travailler que de recevoir des allocations.

Pensez-vous que le modèle suédois puisse apporter quelque chose à la France ?
Je ne pense pas qu'il soit possible d'exporter une manière de négocier propre à un pays vers un autre dont les traditions sont très différentes dans ce domaine. D'autant que notre modèle est le résultat d'un long processus historique et qu'il s'est adapté aux conditions spécifiques de notre pays. En revanche, je pense que la France aurait tout à gagner d'une déréglementation de son économie, à l'exemple de la Suède, et qu'elle ne doit pas avoir si peur du libre-échange.

Quelle est la différence entre la politique européenne de l'Alliance et celle de vos prédécesseurs sociaux-démocrates ?
En fait, nous sommes d'accord sur les grandes questions importantes, comme le besoin de réformer la politique agricole. Nous sommes également tous les deux en faveur d'une future adhésion de la Turquie, à condition que cette dernière remplisse les critères exigés pour devenir membre. Les différences entre nous se situent par exemple sur le plan de la politique sociale. Contrairement aux sociaux-démocrates, nous ne voulons pas que cette dernière soit réglée au niveau européen.
Je pense qu'il est bon pour la Suède que nous soyons d'accord sur les grandes lignes, cela nous aide à agir en Europe avec une voix forte. Mais il faut reconnaître que cela rend également la tâche difficile pour les électeurs suédois, lorsqu'ils doivent se forger une opinion pour voter aux élections européennes – ils sont presque obligés de comparer nos programmes avec une loupe…

Envisagez-vous un nouveau référendum en Suède sur l'adhésion à la monnaie unique ?
L'opinion publique ne demande pas de référendum. Il faudrait d'abord remettre la question à l'ordre du jour, une tâche qui nous revient, à nous, les politiciens. Lors de mes voyages en Suède pour parler du travail de l'Union européenne, la question de l'adhésion à la monnaie unique n'est jamais évoquée. Les Suédois ont pu constater que l'économie du pays se porte très bien, et ils en déduisent peut-être que c'est parce que nous sommes restés en dehors de la zone euro. Et, à leurs yeux, les économies de certains pays qui participent à l'Union économique et monétaire, comme l'Italie ou la Grèce, n'incitent guère à y entrer…

Vous évoquez souvent le rôle important de l'Union européenne dans la promotion des droits de l'homme. Pourtant, les droits des femmes, notamment en matière de procréation, régressent dans plusieurs pays européens. Quelle est la position du gouvernement suédois sur ce sujet ?
Nous abordons régulièrement cette question de manière bilatérale, mais c'est malheureusement un sujet très délicat dans certains pays. Le gouvernement suédois n'a pas l'intention d'agir pour une harmonisation des lois sur l'avortement en Europe, car cela risquerait d'entraîner une régression pour les Etats, comme le nôtre, où la législation est plus libérale. Nous soutenons aussi le droit des femmes à un avortement légal et sûr par le biais de notre politique d'aide et de développement.

Qu'est-ce qui vous a poussée à demander la fin de la navette du Parlement européen entre Bruxelles et Strasbourg ? Pensez-vous que votre pétition, qui a obtenu plus d'un million de signatures, obtiendra un jour gain de cause ?
En tant que grande europhile, j'ai réagi depuis longtemps au fait que l'Union européenne et son Parlement, où les députés font un excellent travail et s'investissent beaucoup, souffrent d'une mauvaise image à cause de cette navette entre Bruxelles et Strasbourg. C'est coûteux, mauvais pour l'environnement, et cela expose le Parlement au ridicule. En tant que députée européenne, j'ai aussi subi les aspects pratiques pénibles de ce déménagement – les liaisons pour se rendre à Strasbourg sont mauvaises. L'idée de la pétition m'est venue quand la commissaire [suédoise] chargée des Relations institutionnelles et de la Stratégie de communication Margot Wallström cherchait à développer les initiatives citoyennes. C'est un type de question qui engage fortement les citoyens d'Europe, et la pétition a été signée dans tous les pays de l'Union. Des politiciens de la majorité des pays européens la soutiennent et j'ai reçu beaucoup d'encouragements. Et, même si la question est délicate en France, des politiciens de ce pays me soutiennent aussi. Pour amender le traité qui établit cette règle de la navette du Parlement, l'unanimité est nécessaire, mais je pense que, petit à petit, on verra un changement – ne serait-ce que parce que Strasbourg n'aura bientôt plus la capacité de recevoir tout le monde. Je pense aussi qu'il est important pour celles et ceux d'entre nous qui défendons l'Union européenne d'avoir le courage de critiquer les éléments les plus bêtes de la collaboration européenne.

Propos recueillis par Kristina Rönnqvist
30 avr. 2008

Courrier International

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