mardi, juillet 22, 2008

***Le plan B : mettre Dublin dos au mur***


***Lorsque tous les autres Etats auront ratifié le traité, les Irlandais seront bien obligés de céder, prévoit un éditorialiste du Financial Times.

Que va-t-il se passer après le non irlandais ? Je pense que l’Union européenne (UE) va trouver un moyen d’appliquer le traité de Lisbonne, et de laisser ainsi l’Irlande potentiellement isolée au sein de l’UE. Je pense également qu’il y aura un autre référendum en Irlande, probablement dans la première moitié de l’année prochaine. Contrairement à ce qui se dit, les dirigeants européens ont bien un plan B. Ce n’est pas un joli plan. Frank-Walter Steinmeier, le ministre des Affaires étrangères allemand, a laissé entendre que l’un des moyens de mettre le traité en application, c’était que l’Irlande se retire temporairement du processus d’intégration européen. Je ne savais pas qu’on pouvait se retirer temporairement de l’UE puis revenir plus tard.

Ce que Steinmeier dit, en fait, c’est que l’Irlande devrait quitter l’UE. Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes français, a évoqué un “arrangement juridique” avec les Irlandais. J’ai l’impression que la France et l’Allemagne ont cogité pour chasser les Irlandais de l’UE s’ils ne reviennent pas sur leur non.

La condition la plus importante pour ce plan B, c’est que vingt-six pays sur vingt-sept ratifient le traité. Ce résultat est loin d’être assuré, ce qui explique pourquoi Bruxelles, Berlin et Paris mettent tant d’énergie pour que le cirque de la ratification continue. Dix-huit pays ont déjà ratifié le traité, huit doivent encore se prononcer. Lorsque les vingt-six membres l’auront ratifié, le traité de Lisbonne aura été approuvé par des pays représentant plus de 99 % de la population de l’UE. L’Irlande subira alors une pression insupportable.

La situation serait complètement différente si ce processus était interrompu. C’est une grève de la ratification qui a coulé le Traité constitutionnel. Toutefois, rien n’indique que cela se produira. Même le Royaume-Uni a déclaré qu’il poursuivrait le processus. Le gouvernement tchèque, eurosceptique, risque d’être tenté de suivre l’exemple irlandais, et tenir la ratification suédoise pour acquise serait une erreur. Mais, en fin de compte, je pense que le traité sera ratifié par vingt-six pays contre un à la fin de l’année. Que se passera-t-il alors ? L’Irlande pourrait organiser un second réfé­­rendum.

Première possibilité, reposer la même question, mais on voit mal comment on obtiendrait un résultat différent. Deuxième possibilité, re­formuler la question. Par exemple : “Souhaitez-vous rester dans l’UE sur la base du traité de Lisbonne ?” Bien sûr, cela lie deux questions auxquelles nombre de personnes souhaiteraient répondre séparément – oui pour rester dans l’UE, non pour le traité de Lisbonne, mais il est politiquement plus honnête de regrouper les deux questions en une seule, parce que, dans la réalité, c’est le seul choix qui s’offre à l’Irlande.
Et si le gouvernement irlandais refusait d’organiser un second référendum ? Il y aurait à mon avis un débat frénétique sur la façon d’appliquer le traité de Lisbonne sans les Irlandais. Je sais que c’est apparemment en contradiction avec le droit européen mais, si les vingt-six membres le veulent vraiment, ils trouveront un moyen juridique d’y parvenir.

Le traité de Lisbonne entrera donc en vigueur d’une façon ou d’une autre, mais uniquement si les vingt-six autres membres le ratifient. Sinon, impossible de dire ce qui va se passer. La stratégie qui a le plus de chances de réussir du point de vue du reste de l’UE, c’est donc d’employer la manière forte. C’est ça le plan B.

Wolfgang Münchau
Financial Times

Courrier International
19 juin 2008

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