***Le président français se rend aujourd'hui à Dublin pour chercher une solution après le non irlandais au traité de Lisbonne. Mais, pour réussir, il devra établir un vrai dialogue avec ses hôtes, prévient l'Irish Independent.Nicolas Sarkozy est le bienvenu en Irlande en tant que président de la France et du Conseil européen. Nous avons depuis longtemps des liens étroits avec son pays et nous avons besoin d'établir un dialogue amical sur les événements récents qui ont provoqué une quasi-crise pour l'Union européenne (UE), et en tout cas une crise pour l'Irlande.
Le député du Fianna Fáil [centre droit, au pouvoir] qui a affirmé que Sarkozy n'avait pas à "se mêler" du résultat du référendum sur le traité de Lisbonne aurait mieux fait de se taire. Mais l'on se doit de dire, fermement, que Sarkozy a lui-même contribué plus que tout autre au-delà de nos côtes à l'atmosphère menaçante qui règne et a rendu plus difficile la solution à notre dilemme. Aujourd'hui, à Dublin, il va devoir, avec tous ceux qu'il va rencontrer, se concentrer sur la recherche de solutions.
En temps normal, sa visite aurait été marquée par des célébrations qui plaisent tant à nos deux pays. Malheureusement, dans l'état actuel des choses, ces dernières seraient déplacées. Sarkozy va devoir se montrer à la fois déterminé et conciliant. Il a fait une grave erreur quand il a déclaré sans détour que l'Irlande devrait revoter au sujet du traité de Lisbonne. Doté d'une très haute opinion de lui-même, Sarkozy est manifestement passé à côté de deux paradoxes.
Premièrement, il ne serait pas démocratique que la France, ou n'importe quel autre pays de l'UE, ignore le non irlandais. Il ne serait pas non plus démocratique que l'Irlande exige des autres pays européens qu'ils suspendent la ratification du traité. Pourtant, il y a seulement trois ans, les Français et les Néerlandais ont voté contre la constitution de l'UE, un document qui ressemble étrangement au traité. Gardons-nous de toute comparaison hâtive, mais Sarkozy n'est pas très bien placé pour nous dire que ce qui vaut pour la France ne vaut pas pour l'Irlande.
Deuxièmement, il a montré que sa réputation d'arrogance n'était pas usurpée. Or c'est précisément ce genre d'attitude que les adversaires du traité de Lisbonne reprochaient au gouvernement irlandais et aux partisans de la ratification. En réalité, les intimidations et les "mensonges notoires" tant décriés venaient essentiellement de leur côté. Mais, maintenant, le président français semble leur apporter des arguments postélectoraux.
En pareille circonstance, il n'est pas possible de présenter ces questions sous leur habituel vernis diplomatique. Le problème est bien trop sérieux et l'atmosphère à Dublin bien trop tendue. Le désordre entourant manifestement la visite de Sarkozy à Dublin n'arrange rien à la situation. A Paris, la position officielle consiste à dire que le président considère ce voyage comme une enquête de terrain. Voilà qui est parfait s'il ne débarque pas avec trop d'idées préconçues. Néanmoins, il a plus de chances d'entendre des paroles creuses que de découvrir des faits réels lors des rencontres prévues avec plusieurs groupes d'opposants au traité, dont les intérêts sont aussi divergents que personnels.
Il devrait avoir plus de succès avec le Taoiseach [Premier ministre de la république d'Irlande, Brian Cowen] et les représentants des principaux partis. Reste toutefois à découvrir un terrain d'entente suffisamment solide pour déterminer la procédure à suivre. Le cas échéant, il ne s'agira probablement que d'une ébauche d'accord à approfondir.
Il existe toutefois une nette différence entre l'appel du président français à un nouveau vote et l'état d'esprit des opinions française et irlandaise. Cette dernière a été sollicitée dans l'espoir d'éviter un deuxième référendum. Il a notamment été question de maintenir l'existence d'un commissaire européen par Etat membre et d'une déclaration du Conseil des ministres sur des questions relevant de l'intérêt particulier de l'Irlande, comme la défense ou l'avortement.
On peut comprendre que des dirigeants politiques, quelle que soit leur nationalité, pensent qu'une partie de ces craintes sont spécieuses. Mais tous les hommes politiques, quelle que soit leur nationalité, doivent tenir compte de leurs électeurs. Nous traversons une crise. Nous ne nous en sortirons qu'au prix de grandes difficultés, mais celles-ci pourront avoir du bon si elles permettent à Nicolas Sarkozy, à Brian Cowen et à toute l'élite politique européenne de constater qu'ils se sont coupés de leur population. Ils doivent recréer un lien avec elle.
The Independent
Courrier International
21 juil. 2008
*Irish Independent
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