***A écouter les députés européens, réunis en session plénière au Parlement de Strasbourg, mardi 16 décembre, la présidence française de l'Union européenne fut un vrai conte de fées. Et Nicolas Sarkozy, ce prince charmant qui arrêta la guerre dans le Caucase, prit à bras le corps la crise financière et redonna de l'élan à l'Europe.
A la conclusion de sa présidence, débutée en juillet, M. Sarkozy s'est rendu une dernière fois devant les eurodéputés que jamais un chef de l'Etat français n'avait autant cajolés. A droite, comme à gauche, des quatre coins de l'Union, tout le monde ou presque y va de son compliment. "On peut faire un bilan positif de la présidence française. Le paquet climat est un grand succès", commence le socialiste allemand Martin Schulz. "Les qualités de cette présidence, c'est une légende, enchaîne le libéral britannique Graham Watson, plus ironique : celle d'un beau prince qui a mené les cavaliers européens sauver la Géorgie." Dans l'hémicycle, chacun sait gré à M. Sarkozy d'avoir incarné une Europe réactive, proche des citoyens. A gauche, il a le mérite d'avoir redonné du lustre à l'intervention publique face à la crise. Même le socialiste français Bernard Poignant ne réussit pas à le critiquer : "Ce serait abusif de trouver votre présidence parfaite, mais malhonnête de la trouver ratée." Quand à Marielle de Sarnez, du MoDem, elle juge que la présidence a été "à la hauteur de l'enjeu".
"A GENOUX"
Au premier rang de l'hémicycle, M. Sarkozy et son ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, approuvent de la tête. Hormis l'extrême-droite et la gauche radicale, l'eurodéputé vert Dany Cohn-Bendit est le seul à oser hausser le ton. Il reproche à M. Sarkozy de s'être mis "à genoux" sur les droits de l'homme. Il critique un accord "au rabais" sur le climat, pour avoir voulu à tout prix l'unanimité des Etats sans laisser le Parlement jouer son rôle. "Vous avez fait de l'égoïsme national des uns et des autres un compromis !"
Entre le vert et le président, le sketch est rôdé. "C'est toujours étrange avec vous, rétorque M. Sarkozy : vous êtes une personne courtoise, tolérante, sympathique. Mais dès qu'il y a une caméra de télévision, on a l'impression que vous devenez comme fou."
M. Sarkozy lui même se montre consensuel, comme pour prendre date sans préciser ses intentions. Se gardant de fixer le moindre calendrier, il continue discrètement de plaider pour un rôle plus grand de l'Eurogroupe, dont il avait réuni les chefs d'Etat et de gouvernement en octobre pour voler au secours du système bancaire. "L'Europe entre dans une crise économique très grave et ce serait une grande erreur que de ne plus parler d'économie", lancera-t-il aux journalistes.
M. Sarkozy insiste à plusieurs reprises sur le rôle des "grands pays", qui "n'ont pas davantage de droits, mais davantage de responsabilités". Une manière de relancer l'idée d'un directoire pour contourner la présidence tchèque, à partir du 1er janvier ? Le chef de l'Etat se contente de promettre que la France "aidera" les Tchèques. Et n'entend pas s'imposer le moindre devoir de réserve dans les semaines à venir : "Lorsque l'on a exercé la présidence pendant six mois, cette notion n'existe pas (...) La France reste la France, elle figure parmi les très grands pays de l'Europe."
Le président français tente d'apaiser ses relations avec la chancelière allemande avec qui il n'a cessé de croiser le fer sur la crise financière ou le paquet climat. "On ne va pas reprocher à Mme Merkel de défendre les intérêts allemands. Moi aussi j'ai été élu pour cela en France", a-t-il expliqué, en précisant : "L'axe franco-allemand est un devoir absolu, mais il ne peut plus être de même nature que dans une Europe des six, des neuf, ou des douze."
M. Sarkozy veut aussi rassurer le président de la Commission, José Manuel Barroso, dont il a cantonné le rôle, dans des remarques récentes, à celui de gardien des traités au service des Etats membres. "Jamais la Commission n'a été aussi présente, nous avons fait exister l'Europe car on a travaillé main dans la main." Le bonheur est dans le pré.
STRASBOURG ENVOYÉS SPÉCIAUX
Henri de Bresson, Philippe Ricard, Marion Van Renterghem
18.12.08.
Le Monde
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