***A cause d'un différend frontalier qui traîne depuis des années, la Slovénie a opposé son veto à la poursuite des négociations sur l'adhésion de la Croatie. Ce n'est qu'un avant-goût de ce qui attend l'UE si elle intègre les pays des Balkans occidentaux, s'alarme Vreme de Belgrade.
Après le veto slovène, le 17 décembre, à la poursuite des négociations de l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne (UE), Bruxelles a tiré la sonnette d'alarme. Et cela pour plusieurs raisons. Primo, personne ne s'attendait que la Slovénie aille au bout et bloque l'intégration de la Croatie pour faire pression sur Zagreb à propos du différend qui oppose les deux pays sur la frontière maritime dans la baie de Piran. Secundo, il ne s'agit pas uniquement d'un différend local, mais d'un conflit qui remet en question l'agenda de l'UE en 2009, l'année des élections pour le Parlement européen. Enfin, si les Slovènes, "les bons élèves de l'Europe", et les Croates, des "civilisés" qui ont déjà un pied dans l'UE, se disputent si violemment au sujet d'un problème territorial aussi anodin, qu'en sera-t-il des pays des Balkans occidentaux s'ils entraient dans l'UE avant de régler leurs différends territoriaux ?
A Bruxelles, les Slovènes ont fait une démonstration éclatante de patriotisme local au détriment des intérêts communs de l'UE, sans que personne puisse contester. La Slovénie, membre de plein droit de l'UE, dispose du droit de veto. Cette "petite guerre balkanique à Bruxelles", comme l'a appelé un journal autrichien, a mis en pleine lumière les faiblesses du fonctionnement de l'Union fondé sur le consensus. On peut donc se demander s'il faut aussi conditionner l'adhésion des pays désirant entrer à l'UE au règlement préalable de leurs différends mutuels afin d'éviter ce genre de situation.
Certes, le conflit slovéno-croate sera résolu, car la pression de Bruxelles sur Ljubljana et Zagreb est d'autant plus grande que l'adhésion de la Croatie est techniquement liée à l'organisation du second référendum en Irlande sur la ratification du Traité de Lisbonne. Certes, après le compromis avec la Slovénie, la Croatie entrera dans l'UE en traînant le boulet de ses différends frontaliers avec la Serbie et la Bosnie-Herzégovine et disposera des mêmes moyens de pression que la Slovénie a aujourd'hui à son égard. Or il est peu probable qu'après tout ce cirque et qu'avec tous leurs conflits territoriaux gelés la Bosnie-Herzégovine et la Serbie puissent un jour rentrer dans l'UE. Car, pour citer la députée slovène au Parlement européen, Ljudmila Novak, après l'adhésion de la Croatie à l'UE, leurs problèmes ne seront plus des problèmes bilatéraux, mais concerneront les futures frontières de l'UE.
La Serbie, qui a un différend frontalier avec la Croatie sur la démarcation de la frontière sur le Danube et considère toujours le Kosovo comme une province administrative, est particulièrement concernée. Il est hors de question que l'administration européenne, fatiguée par ses propres problèmes, laisse les "petites guerres balkaniques" s'installer à Bruxelles. Elle ne permettra pas non plus que la Serbie, avec ou sans Kosovo, la rejoigne avant de régler ses différends territoriaux de manière bilatérale. On en parle peu en Serbie, par peur de ne pas donner un coup de frein à l'enthousiasme européen, qui est loin d'être unanime. L'adhésion de la Serbie – avec ou sans le Kosovo –, de la Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine, du Monténégro et de l'Albanie, avec leurs intérêts régionaux diamétralement opposés, leurs prétentions territoriales et leur politique traditionnelle du dépit, hérissent les fonctionnaires de Bruxelles. Sans parler du fiasco du principe selon lequel l'entrée dans l'UE exige que les intérêts communs l'emportent sur les intérêts locaux. La Slovénie et la Croatie viennent de faire une démonstration inquiétante du contraire.
Andej Ivanji
Vreme
5 janv. 2009
Courrier International
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