jeudi, février 26, 2009

***Barnier, champion du Salon de l'agriculture...***


***Le ministre de l'Agriculture, désigné tête de liste UMP pour les européennes en Ile-de-France, quittera le gouvernement début mai.

Et si Michel Barnier devenait tendance ? Aussi improbable que cela paraisse, le ministre de l'Agriculture, qui fait un tabac ces jours-ci au Salon du même nom, est en train de connaître un regain de faveur, y compris à l'Élysée - mercredi au Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy a salué avec chaleur le travail accompli par le ministre. «Quand la crise dure, ce sont les marques fiables, les personnalités discrètes, les hommes de dossiers, bosseurs et réguliers, qui rassurent», se réjouit déjà un proche de Michel Barnier. Nommé par l'UMP animateur national de la campagne pour les européennes et tête de liste en Ile-de-France, ce grand Savoyard sportif est desservi par une voix blanche et monotone. Jacques Chirac le surnommait «le prof de ski», et il n'a jamais été un proche de Nicolas Sarkozy, qui n'avait pas d'enthousiasme pour ce «bonnet de nuit». Mais il connaît l'Europe. Ses copains à lui s'appellent Mario Monti, Romano Prodi, Hans-Gert Pöttering, José Manuel Barroso et même Angela Merkel, qui fut ministre de l'Environnement en même temps que lui.

C'est sa compétence et sa légitimité qui ont permis au peu charismatique Michel Barnier de devancer Rachida Dati dans le sondage confidentiel réalisé par l'UMP pour déterminer s'il devait rester candidat dans la grande région Sud-Est, ou prendre la tête de liste en Ile-de-France, face à des européens chevronnés, comme Daniel Cohn-Bendit, Marielle de Sarnez ou Harlem Désir. En fait, Barnier, c'est l'anti-Dati. Mais, avant de mener la campagne européenne à plein-temps, début mai, Michel Barnier peut goûter le plaisir d'être dans un ministère qui lui va bien au teint.

Cette semaine, c'est au Salon de la Porte de Versailles que Barnier récolte les fruits de deux années discrètes de travail de terrain. Certains le surnomment déjà «le Robin des Bois des agriculteurs». En prenant une partie des aides européennes aux céréaliers - c'est-à-dire à ceux dont le revenu est deux fois plus élevé que la moyenne - pour les redistribuer aux éleveurs, qui gagnent quatre fois moins que les premiers, il a fait ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait osé faire. «Vous n'imaginez pas les pressions et les menaces que j'ai reçues, finit-il par avouer. Mais cela est nécessaire pour donner une légitimité à la PAC aux yeux des agriculteurs et de l'opinion publique. J'en suis convaincu.»

Et il est tellement convaincu de ce qu'il fait qu'il n'hésite pas à aller au contact des personnes qui l'invectivent. En marge d'un sommet européen sur l'élevage ovin, il va, contre toute attente, au-devant des manifestants des militants de la Confédération paysanne. Ces derniers, qui ont bravé les barrages des forces de l'ordre, baissent d'un ton en le voyant venir et sont impressionnés par sa connaissance des dossiers. D'autant plus qu'il leur promet qu'il ne les abandonnera pas dans les réaménagements des aides. C'est chose faite. « Les aides au secteur ovin sont réellement au rendez-vous», dira plus tard Régis Hochart, porte-parole de la Confédération paysanne, à la présentation de la réforme des aides.

C'est avec la même foi en une agriculture économiquement viable et écologiquement responsable qu'il prend son bâton de pèlerin pour aller défendre son plan «bananes durables», début décembre, en Martinique et en Guadeloupe, au risque, là encore, d'affronter les barrages de manifestants. Le président PS de la région, Victorin Lurel, saluera officiellement en public «son courage et sa ténacité». Une politique que Michel Barnier assume totalement.

Cet enfant de la vallée d'Albertville, qui a été transformée par l'organisation des Jeux olympiques d'hiver en 1992, n'a jamais dévié de ses deux sujets de prédilection : l'Europe et l'environnement. Récupéré in extremis dans le gouvernement Fillon au ministère de l'Agriculture, parce que Gérard Larcher et Pierre Méhaignerie avaient décliné l'offre, Michel Barnier n'a pas raté cette occasion de rebondir. Rénovant les bureaux du ministère, plus chic et plus contemporain, il a voulu «déringardiser» l'agriculture et la mettre au diapason du développement durable.

«C'est un fervent défenseur des territoires dans un contexte national et européen. C'est en gérant les trois à la fois qu'on aboutit à quelque chose», explique Erik Orsenna, à qui Michel Barnier a demandé d'être président des premiers trophées de l'agriculture durable qui, au Salon, récompensent les exploitations et structures innovantes dans leur environnement. «Je connais Michel Barnier depuis vingt ans et suis frappé par la profondeur de cet homme, toujours chercheur de sens et d'équilibre, la vraie tradition chrétienne, j'ai été élevé là-dedans et je sais de quoi je parle», ajoute l'écrivain et académicien, ex-conseiller de François Mitterrand.

Le secret de cette mesure dont il ne se départ jamais : sa mère croit au Ciel, son père n'y croyait pas. Et le secret de sa bonne forme : le sport. «Trois fois par semaine, je prends le temps de faire de l'exercice physique, c'est très important. Le week-end, je cours, et en semaine je vais à la piscine et aussi à la salle de sport.» Et quand il est en déplacement ministériel, il n'hésite pas à se réveiller une heure plus tôt pour faire des longueurs dans la piscine de l'hôtel.

Si Michel Barnier se prépare à rejoindre Strasbourg - mais son ambition réelle est de redevenir Commissaire européen-, on ne connaît pas encore le nom de son successeur. Déjà les candidatures affluent. Christine Boutin est venue repérer les lieux. On évoque aussi les noms des secrétaires d'État Luc Chatel et Laurent Wauquiez, et on susurre aussi le nom du sénateur centriste Michel Mercier et du député-maire de Nice, Christian Estrosi.

Éric de La Chesnais et Charles Jaigu
Le Figaro
26/02/2009

*Photo : Récupéré in extremis dans le gouvernement Fillon, le ministre de l'Agriculture, Michel Barnier, a su rebondir. (AFP/FOLLIOT)

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