mercredi, mars 18, 2009

*Commission européenne : pour Michel Barnier, il faut "faire confiance à M. Barroso"*


***Isa : Quand quitterez-vous le gouvernement pour vous occuper pleinement de la campagne européenne ?

Michel Barnier : Mon choix, en accord avec le président de la République et le premier ministre, est en effet d'être totalement disponible pour la campagne européenne dans les dernières semaines. Je quitterai donc le gouvernement au plus tard début mai.

Kate : N'y a-t-il pas un risque pour la majorité, compte tenu du contexte actuel – climat social – de "subir" un vote sanction comme on a déjà pu le voir par le passé ?

Michel Barnier : C'est toujours une élection difficile en France que cette élection européenne. Pour tous les grands partis, et naturellement pour ceux qui dirigent le pays. Personne n'a cependant à gagner dans la seule protestation ou la seule contestation. Il faut se prononcer sur les projets et sur une nouvelle action européenne contre la crise. C'est ce que nous faisons derrière le président de la République.

Bouba : En dessous de quel score considérerez-vous que l'UMP a échoué aux élections européennes ? Au-dessus de quel score considérerez-vous qu'elles ont été un succès ?

Michel Barnier : Le premier succès qui intéresse tous les partis, c'est de faire reculer l'abstention, qui était de 59 % en 2004 ! Pour l'UMP, nous avons fait un score très modeste en 2004, avec 16,5 % des voix... Ma réponse est que nous voulons faire une vraie campagne d'explication et de conviction pour obtenir le plus grand nombre possible de voix.

CF : Les décisions que vous avez prises récemment concernant le bilan de santé de la PAC ne risquent-elles pas de peser sur le score de l'UMP en Ile-de-France, un syndicat agricole ayant récemment diffusé une publicité dans la presse professionnelle avec un slogan "Michel Barnier, anticéréalier systémique"? Certains estiment que l'Ile-de-France compte 13 000 céréaliers.

Michel Barnier : Le gouvernement a pris des mesures justes pour réorienter une partie des aides de la PAC et au total donner plus de légitimité à cette grande politique européenne chez nous, tout simplement pour avoir de meilleures chances de la préserver après 2013. Cela intéresse tous les exploitants agricoles, et évidemment les producteurs céréaliers, à qui nous demandons un effort de solidarité.

Pour le reste, chaque citoyen est libre de son vote. Mais en conscience, j'ai proposé des mesures qui nous donnent une meilleure chance de continuer à soutenir les productions agricoles durablement.

LBS : Beaucoup disent que Nicolas Sarkozy pilote directement la campagne de l'UMP (choix des candidats, choix de placer M. Hénin, ancien de la communication de l'Elysée, à l'UMP). De quelle marge de manœuvre disposez-vous réellement pour mener cette campagne?

Michel Barnier : Evidemment, le président de la République est engagé. Il est venu lui-même le 24 janvier au conseil national de l'UMP pour engager ce débat. Il a besoin de nous et d'un grand nombre de députés au Parlement européen pour continuer à changer l'Europe, dans la ligne de ce que nous avons fait pour la présidence française.

LBS : Confirmez-vous que votre colistière Rachida Dati, comme l'affirme le site bakchich.info, brigue en ce moment la présidence de l'Institut du monde arabe? Si c'est le cas, quel impact cette candidature peut-elle avoir sur votre campagne?

Michel Barnier : Franchement, je n'ai jamais entendu parler de cette candidature. Rachida est avec moi totalement engagée. Nous nous entendons bien. C'est une femme courageuse et de caractère. Je trouve très bien que des femmes de son tempérament choisissent l'action européenne.

jericho_kane : La composition des listes de l'UMP patine, vous avez repoussé le meeting de lancement de campagne qui devait avoir lieu à Marseille. Finalement, vous avez les mêmes problèmes que Martine Aubry ?

Michel Barnier : C'est toujours un équilibre sensible et difficile à construire que de préparer des listes dans ses huit circonscriptions en tenant compte de chaque région, des différentes sensibilités de la majorité. Nous avons besoin, pour réussir cet équilibre, de quelques semaines encore, et nous présenterons nos listes courant avril.

joel : Les députés iront-ils tous jusqu'au terme de leurs mandats ? Les candidats UMP prendront-ils des engagements en ce sens ?

Michel Barnier : Nos candidats s'engageront clairement dans l'action européenne pour les cinq ans qui viennent.

jack : Quel est votre premier adversaire dans ces élections européennes, le Parti socialiste ou l'extrême gauche ?

Michel Barnier : Notre premier adversaire, c'est l'abstention. Nous répondrons par ailleurs aux attaques et aux critiques, voire à la démagogie habituelle de l'extrême gauche et de l'extrême droite contre l'Union européenne.

Mais je n'ai pas l'intention en ce moment de passer trop de temps dans les polémiques. On a besoin de construire, on a besoin de projets, on a besoin de débats.

Jak_ : L'UMP a-t-elle un message clair à propos de l'Europe ? Que voulez-vous faire ?

Michel Barnier : Contre la crise, nous avons besoin d'être ensemble. C'est une crise mondiale. Il y a de très grands pays qui n'ont besoin de personne pour compter. Nous nous ferons entendre et respecter si nous parlons d'une seule voix. Par exemple à la prochaine réunion du G20 pour moraliser et rénover le système financier mondial.

Et puis il faut remettre la volonté politique à la première place dans la construction européenne. C'est possible, nous l'avons fait pendant les six mois de la présidence française. Enfin, on ne peut pas sortir de cette crise sans parler de la crise écologique comme on y est entré. C'est le moment de bâtir un nouveau modèle de croissance durable, d'écocroissance.

Rose : Comment allez-vous convaincre les Français que l'Europe et notamment le Parlement européen sert à quelque chose alors que l'on a vu – et l'on voit – que face à la crise le niveau européen n'a pas été capable de grand-chose et que les décisions prises – plan de soutien et de relance – l'ont été au plan national ?

Michel Barnier : D'abord, le rôle du député européen est au moins aussi important que celui du député national. La moitié des lois et des règlements qui concernent notre vie quotidienne, nous les élaborons, nous les votons non plus seuls à Paris, mais avec les autres à Strasbourg.

Franchement, on voit bien aussi dans la crise que l'Europe et l'euro nous protègent. Regardez ce qui se passe en Islande ou en Norvège, et même dans des pays européens qui n'ont pas l'euro.

Mais il faut tirer des leçons. Le nouveau Parlement devra voter sur le nouveau budget européen et les nouvelles politiques 2013-2020. C'est le moment de renforcer notre coordination économique, c'est le moment de lancer une nouvelle politique industrielle pour l'énergie, les transports, y compris urbains dans les grandes agglomérations, la recherche.

oim75018 : Quel genre de projets européens de grande ampleur voudriez-vous proposer au sein de l'Union ?

Michel Barnier : C'est le moment de bâtir, pour sortir plus forts de cette crise économique et écologique, un nouveau modèle de croissance durable et de "mettre le paquet" sur la recherche et l'investissement dans tout ce qui touche au développement durable, les nouvelles énergies, les transports propres. Il y a beaucoup de nouveaux emplois dans ces secteurs, et le réchauffement climatique qui s'accélère est une raison supplémentaire. C'est au niveau européen que nous devons bâtir ce modèle.

Nous devons aussi proposer de nouvelles politiques industrielles pour sauvegarder les secteurs stratégiques (énergie, transports, agroalimentaire) comme nous l'avons fait pour l'agriculture. Nous proposerons, dans l'esprit du Grenelle, un grand rendez-vous européen, pourquoi pas un "Stockholm" de l'environnement.

Et puis l'Europe doit continuer à s'affirmer dans le monde, à défendre ses valeurs et les droits de l'homme. Je pense aussi à un projet précis auquel j'avais travaillé après le tsunami : celui d'une force européenne de protection civile.

Jak_ : Parmi les projets européens, ne pourrait-il pas y avoir un projet de liaisons entre les différentes grandes villes européennes affiché comme projet européen...

Michel Barnier : Oui, la Commission, avec Jacques Barrot notamment, a déjà travaillé à un schéma de liaisons ferroviaires, fluviales et autoroutières. Je pense qu'il faut aller plus loin en soutenant les transports collectifs propres dans les grandes agglomérations comme l'Ile-de-France où la fiabilité, la régularité, la sécurité des transports sont les principales préoccupations. C'est le cas aussi à Amsterdam ou à Londres.

L'Europe serait fondée aussi à soutenir un programme d'infrastructures pour le développement de la voiture électrique. Et enfin, pour réduire le nombre d'avions de fret, nous soutiendrons également les liaisons ferroviaires TGV fret à partir des grands aéroports comme Roissy.

oim75018 : Que comptez-vous faire au sujet des paradis fiscaux européens ?

Michel Barnier : Le président Sarkozy et la chancelière Angela Merkel en ont fait un point principal des résultats que nous attendons du G20 début avril. Pas seulement d'ailleurs pour les paradis fiscaux en Europe, mais dans le reste du monde aussi. Il faut y mettre fin par la transparence et le contrôle.

Sisyphe_74 : Quelles doivent être les mesures à prendre pour relancer le processus institutionnel européen ?

Michel Barnier : Ce processus a été relancé après l'échec de la Constitution et du référendum en en tenant compte, d'ailleurs. Le traité de Lisbonne n'a repris que la partie fonctionnelle de la Constitution, la "boîte à outils" pour être capable de travailler et de décider à 27.

Ce traité est en cours de ratification en Pologne, en République tchèque et évidemment en Irlande, où il y aura un nouveau référendum à l'automne. J'espère que nous aurons ce traité, mais pour moi, l'Europe doit être davantage celle des projets que celle des traités à l'avenir.

Channecy : Pensez -vous que l'intégration complète de la France dans l'OTAN puisse déboucher sur la constitution d'une politique européenne de défense ?

Michel Barnier : Les deux démarches vont ensemble. Le président de la République l'a clairement dit. C'est d'ailleurs l'intérêt également des Etats-Unis que de pouvoir compter sur des alliés forts et capables.

Je vous rappelle que l'Europe de la défense a été relancée il y a dix ans par Tony Blair et Jacques Chirac à Saint-Malo, dans une déclaration où ils ont appelé à une défense européenne "autonome et solidaire".

Philippe H. : L'UMP a soutenu le renouvellement de M. Barroso dans son poste de président de la commission. Pourtant, notamment en France, son action pour un marché sans dispositif de contrôle a été jugée très négative. Soutiendrez-vous encore M. Barroso et ses idées ?

Michel Barnier : Franchement, ne caricaturons pas l'action de la Commission. Je vous rappelle qu'au-delà du président Barroso, elle est constituée de 26 autres membres, dont beaucoup sont des personnalités socialistes en charge d'ailleurs de quasiment tous les portefeuilles économiques (monnaie, commerce, industrie...).

La Commission propose, ses positions sont collégiales. Ensuite, ce sont les gouvernements et le Parlement européen qui décident. Dans cette campagne, nous allons nous battre et après pour préserver la gouvernance européenne et les régulations dont nous avons besoin.

Titem : Vous n'avez pas répondu si vous souteniez oui ou non une nouvelle candidature de l'actuel président de la Commission européenne, Barroso.

Michel Barnier : C'est José Manuel Barroso, dont je pense personnellement qu'il a été un bon président de la Commission, et qui, je le rappelle, préside un collège solidaire où toutes les sensibilités sont représentées, qui dira s'il souhaite un nouveau mandat.

Personnellement, je pense que le Parti populaire européen, dont l'UMP fait partie, doit lui faire confiance. J'ajoute qu'il sera sans doute soutenu également par des leaders de gauche, Gordon Brown vient de l'annoncer.

LBS : Votre nom est souvent évoqué comme celui du prochain commissaire français. Etes-vous candidat à ce poste ? Souhaiteriez-vous être le prochain commissaire français à Bruxelles ?

Michel Barnier : La seule chose dont il est question pour moi aujourd'hui, c'est l'élection des députés européens. La constitution de la nouvelle Commission viendra après cette élection et en tenant compte du vote des citoyens.

Respectons ce temps. Le choix du commissaire français sera à ce moment-là celui du président de la République. Pour ma part, mon engagement est clair : il est de me consacrer dans les cinq ans qui viennent à l'action européenne.

Roccu : Comment réagissez-vous à la décision de M. Cameron, le chef des tories (conservateurs) britanniques de retirer son parti de l'alliance des droites européennes lors de la future législature européenne, sachant qu'il serait suivi de la droite tchèque et d'un ou deux autres partis de la droite conservatrice.
Michel Barnier : Je la regrette. Il y a peut-être des explications de politique interne au Royaume-Uni. Et puis, il faut de la sincérité et de la cohérence idéologique dans un grand parti. Si certains n'approuvent pas la ligne qui est celle du PPE pour le renforcement de la construction européenne et ne voient l'Union que comme une grande zone de libre-échange, ils en tirent les conséquences.

Titem : Allez-vous mener une campagne commune avec les autres partis membres du Parti populaire européen, vous mettre d'accord sur une plate-forme de propositions ?

Michel Barnier : Oui, nous nous réunissons d'ailleurs à Varsovie les 29 et 30 avril avec tous les responsables du Parti populaire européen, dont je suis un des vice-présidents. Nous aurons une plate-forme commune et nous ferons la campagne les uns avec les autres dans nos différents pays.

Delph : Il y a actuellement une polémique à Bruxelles sur le vin rosé "coupé" et le vin rosé "traditionnel", un nouveau règlement européen devant autoriser le mélange de vin rouge et de vin blanc pour produire du rosé de table. Quelle est votre position sur le sujet ? Et par ailleurs pensez-vous que ce genre de "polémique" soit à la hauteur de ce que l'on pourrait attendre de la constrcution européenne ?

Michel Barnier : Dans un même marché, il est normal d'avoir des règles communes, surtout quand il s'agit de produits qui circulent, qui sont exportés, pour la consommation et la sécurité alimentaire. Cela peut toucher de grands sujets ou des sujets de vie quotidienne ! Je me bats, hier encore à Bruxelles, pour faire modifier les propositions de la Commission sur les vins de coupage. Il ne faut pas que les efforts des vignobles vers la qualité, notamment les producteurs de vins rosés traditionnels, soient découragés. Les consommateurs doivent savoir clairement ce qu'ils boivent.

Philippe Le Coeur
LEMONDE
18.03.09

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