vendredi, mai 01, 2009

*Pour l’Islande, la route de Bruxelles est encore longue*


***Le nouveau gouvernement social-démocrate voudrait engager le processus d’adhésion à l’UE. Mais l’épineux dossier de la pêche risque de compliquer les négociations.

Depuis des années, chaque fois que l’on demande aux citoyens de l’Union européenne quels autres pays ils souhaiteraient voir adhérer à leur club, ils en placent invariablement trois en tête : la Suisse, la Norvège et l’Islande. L’ennui, c’est qu’aucun des trois ne s’est jamais montré très disposé à accepter l’invitation. Perdue dans l’océan Atlantique, l’Islande a toujours été une île d’agriculteurs et de pêcheurs, indépendante et très attachée à son industrie de la pêche. Dans les années 1950 et 1970, les Islandais ont livré trois “guerres de la morue” contre les chalutiers britanniques, en étendant unilatéralement leur zone de pêche pour protéger leurs stocks.

La perspective d’avoir à partager ses eaux territoriales avec toutes les flottes de pêche européennes était un motif largement suffisant pour que l’Islande n’envisage pas sérieusement d’adhérer à l’Union européenne (UE). Mais, aujourd’hui, après la crise mondiale du crédit, qui l’a conduite au bord de la faillite [voir CI n° 937, du 16 octobre 2008], les électeurs islandais semblent avoir changé d’avis. Le 25 avril, ils ont porté les sociaux-démocrates au pouvoir, un parti favorable à l’adhésion à l’UE. Cette dernière n’est plus perçue comme une menace pour les moyens d’existence traditionnels, mais comme un refuge économique, l’euro venant remplacer une couronne islandaise largement dépréciée. Politiquement et économiquement, adhérer à l’UE ne serait pas très compliqué, hormis la question de la pêche. L’Islande est déjà membre de l’Espace économique européen (EEE) et doit donc obéir aux règles du marché interne de l’UE – sauf en ce qui concerne l’agriculture et la pêche.

L’Islande contribue aux subventions européennes à destination des pays les plus pauvres de l’Union. Ses citoyens peuvent vivre et travailler dans tous les pays de l’UE, et vice-versa. Mais, bien que son appartenance à l’EEE implique qu’elle a adhéré aux deux tiers environ de la législation européenne, des différends sur la pêche et l’agriculture pourraient se révéler fatals. Johanna Sigurdardottir, leader du Parti social-démocrate et nouveau Premier ministre, a laissé entendre pendant la campagne qu’elle pourrait entamer des négociations avec Bruxelles dès le mois de juin. Mais il est clair qu’elle n’a pas réussi à s’entendre avec son partenaire gouvernemental – le mouvement Gauche-Verts, qui défend farouchement les pêcheurs – sur la manière de procéder. Un compromis devrait cependant être trouvé avec la tenue d’un, voire de deux référendums : le premier pour lancer les pourparlers d’adhésion et le second pour en sanctionner les résultats.

Les sondages laissent penser que ce que les Islandais veulent réellement, c’est adhérer à la monnaie unique, mais pas devenir membres à part entière de l’UE. Or la Commission européenne et la Banque centrale européenne ont bien précisé qu’un pays ne pouvait adopter l’euro sans être membre à part entière de l’Union. L’adhésion à la zone euro serait un processus long et pénible. L’Islande devrait répondre aux critères de Maastricht. Cela ne constituerait pas une alternative à l’actuelle politique d’austérité. Reste à savoir si les Islandais sont prêts à partager leurs poissons contre une monnaie solide. Ce secteur est moins florissant que naguère. L’aluminium a remplacé le poisson comme premier produit d’exportation, mais la pêche reste une composante essentielle de l’identité nationale islandaise. L’adhésion à l’UE est une bonne garantie en temps de crise, mais, lorsqu’ils songeront aux conditions à remplir, les Islandais pourraient bien reculer devant le prix à payer.

Quentin Peel 
Financial Times

Courrier International
30.04.2009 

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