***Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le désintérêt des Français pour les européennes n'est pas une exception dans l'Union. Partout, ou presque, une forte abstention est attendue.
Les enjeux du scrutin sont mal compris, souvent très mal expliqués. Quand ils ne sont pas purement occultés par des considérations domestiques. En Angleterre, Gordon Brown se débat dans le scandale des notes de frais ; en Italie, Silvio Berlusconi est sommé de s'expliquer sur ses fêtes galantes ; en Allemagne, Angela Merkel assure un service minimum de campagne, réservant son énergie pour les législatives de septembre. Même les pays dits de la nouvelle Europe, dont on pourrait espérer davantage d'engouement, brillent par leur indifférence. Un record d'abstention est annoncé en Pologne.
Une idée couramment admise veut que les 375 millions d'électeurs de l'Union, angoissés par la crise, aient la tête ailleurs, persuadés que les réponses concrètes à leurs inquiétudes ne viendront ni de Bruxelles ni de Strasbourg. Il est vrai que, dans la tourmente, les institutions européennes, la Commission en tête, ne se sont guère distinguées par leur esprit d'initiative. Les plans de sauvetage ont été nationaux. Chacun chez soi. L'euro a joué un rôle salutaire, mais bien peu de gouvernants l'ont souligné.
Alors, l'Europe est-elle épuisée ? Le sentiment d'appartenance européenne est-il minoritaire ? Certainement pas. Les électeurs ne sont pas dupes, et beaucoup refusent de participer à un scrutin volé par des manœuvres de politique intérieure.
Si les élections au Parlement de Strasbourg n'ont jamais déchaîné les passions, la construction européenne, elle, suscite un vif intérêt. Les référendums de 1992 et 2005 sur Maastricht et le traité constitutionnel ont provoqué d'intenses débats. Avec de forts taux de participation à la clé : près de 70 % à chaque fois en France. L'intégration de la Turquie est à peine évoquée que, dans de nombreux pays, la polémique s'enflamme.
D'où l'urgence d'aller plus loin dans la construction européenne, d'en préciser ses objectifs. Consciemment ou pas, les électeurs ont raison, ce n'est pas ce scrutin qui est déterminant. Bien plus important est le traité de Lisbonne, signé par les dirigeants des Vingt-Sept en 2007. S'il entre en application, il constituera une étape capitale sur le chemin de l'intégration politique européenne.
Sans cette intégration, c'est-à-dire des institutions clairement incarnées, avec un président de l'Union procédant, d'une façon ou d'une autre, du suffrage universel, l'Union européenne continuera d'être, pour les opinions publiques, la propriété de leurs gouvernants.
Cette perspective, au fédéralisme trop affirmé, n'est pas du goût de tout le monde. L'Europe a le choix : ou elle reste en l'état, et elle est condamnée à faire du surplace ; ou bien elle se dote d'une véritable gouvernance, et elle gagnera, de Paris à Berlin, de Madrid à Varsovie, en légitimité
L'éditorial d'Yves Thréard
du 5 juin.
Le Figaro
04/06/2009
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