***Pour le Financial Times, le travail du dimanche n’est pas seulement une façon d’“aider la France qui consomme”.C’est aussi une façon de bousculer une identité fondée sur la différence.
Nicolas Sarkozy a une certaine idée de la France* qui, au regard de son bilan globalement inconsistant, est marquée par une étonnante constance. L’un des éléments les plus forts de sa vision est que les Français doivent avoir la liberté de travailler plus s’ils veulent gagner plus. En 2008, il a renversé la loi sur les trente-cinq heures. Aujourd’hui, il se fait le chantre du shopping dominical. En vertu d’une nouvelle législation adoptée le 15 juillet par l’Assemblée nationale, un éventail plus large de commerces pourra ouvrir le dimanche dans des régions fortement peuplées. Des dérogations seront également accordées dans les zones touristiques. C’est là un nouvel affaiblissement d’une loi de toute façon extrêmement velléitaire et largement ignorée. Reste que le débat sur le sens et la portée du dimanche est révélateur de questions plus vastes qui touchent à l’identité française elle-même.
La France se définit par une aspiration perpétuelle à la différence. Elle tient à être ostensiblement unique. Une ambition particulièrement visible dans la susceptibilité exacerbée à l’égard de l’usage de mots empruntés à d’autres langues. Mais cela va bien plus loin. Quand, il y a quelques mois, le président français, surnommé l’Américain* par ses détracteurs, a fait revenir la France dans le commandement intégré de l’OTAN, Philippe de Villiers l’a violemment attaqué en l’accusant de faire de son pays “un clone de la Grande-Bretagne”.
En assouplissant les règles de l’ouverture dominicale, Sarkozy s’en prend à un autre pan de l’idiosyncrasie française. D’après une idée fort répandue – que l’on retrouve dans les films de Jacques Tati –, la corvée d’une journée de travail et la culture consumériste seraient des intrusions étrangères dans le mode de vie des Français. Certains, le regard encore voilé par ce filtre sépia, considèrent le dimanche comme un jour à passer dans un cadre particulièrement français : en famille*, à manger, bavarder, dormir et regarder le Tour de France*. La réalité est que la France est autant la patrie de l’hypermarché* que du pittoresque marché de produits du terroir. Mais en ce dimanche idéalisé le seul commerce autorisé est l’achat de produits frais auprès des commerçants locaux (on le sait, rien n’est moins français que de manger du pain de la veille).
Les attaques que lance de temps à autre Sarkozy contre le capitalisme anglo-saxon (et les louanges qu’il lui tresse à l’occasion) sont une façon de rassurer les électeurs. Alors qu’il pousse peu à peu la France dans une direction légèrement plus libérale, il reste sur la même longueur d’onde qu’eux dans le domaine culturel. Il ne tient pas à ce que la France devienne une nation de boutiquiers perfides. Pourtant, en soutenant la France qui travaille, il aide la France qui consomme.
* En français dans le texte.
Financial Times
Courrier International
16.07.2009 |
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