***Les amis du premier ministre le poussent à préparer sa sortie avant le retournement des sondages. Ils l'encouragent à briguer qui un poste européen, qui la mairie de Paris en 2014.
Il a suffi d'une confidence du premier ministre à la fin de son discours au Touquet, devant les parlementaires, pour que les spéculations sur son départ s'emballent. En remerciant ce jour-là chaleureusement sa majorité, et surtout en parlant au passé, François Fillon savait bien qu'il enverrait un signe. L'interprétation a été immédiate : l'après-Fillon a commencé. Son avenir politique tout comme le nom de son futur successeur à Matignon sont les deux sujets les plus commentés dans les déjeuners chez les ministres ou à la table des parlementaires.
Bien sûr, la décision de changer de premier ministre relève du seul président de la République. On voit mal l'homme de la Sarthe jouer la rupture publique avec Nicolas Sarkozy. Rien pour l'instant ne commande un tel coup de tête. Malgré d'évidentes différences de personnalités et une hyperprésidence qui a considérablement réduit ses marges de manœuvre, le premier ministre a plutôt bien rempli le job. Et tenu sa feuille de route en mettant en œuvre «80 % des engagements de la campagne présidentielle», selon son propre chiffrage.
Depuis la rentrée, sur fond de sondages à la baisse, l'ombrageux Fillon a surtout avalé de nouvelles couleuvres, notamment le couac sur la taxe carbone. Plus récemment, le chef de l'État a critiqué en privé son attitude sur la fiscalisation des indemnités versées aux accidentés du travail. Bref, les relations seraient à nouveau tendues au sein de l'exécutif.
La seule fois où Sarkozy a évoqué un changement de premier ministre, il avait fixé comme échéance la mi-mandat. S'il paraît improbable de changer l'hôte à Matignon avant l'hiver, les régionales ouvrent une fenêtre de tir. «L'hypothèse d'un premier ministre restant tout le quinquennat est exclue», confie un visiteur du président. Dans la perspective de 2012, «le prochain devra apporter une valeur ajoutée soit sociologique (une femme style Christine Lagarde), soit politique (Borloo au nom de la mode écologique), soit générationnelle (la jeunesse avec Chatel).» À ce casting, on peut ajouter les noms de Brice Hortefeux, Éric Woerth et Éric Besson au nom de l'ouverture. Sans compter celui de Claude Guéant, l'indispensable bras droit, qui lorgne discrètement sur Matignon.
«Il a toutes les cartes en main»
S'il paraît acquis que Fillon ne restera pas tout le quinquennat, que peut-il faire ensuite ? Avare de confidences en général, l'homme se raidit dès qu'on évoque l'après-Matignon. Interrogé sur TF1 début septembre sur son éventuelle candidature à la tête de la Commission européenne, il a démenti avec virulence : «C'est une rumeur absolument infondée !» Fillon à la place de Barroso ? Même s'il l'avait sérieusement envisagé, le calendrier de la Commission ne coïncidait pas le sien. Il n'empêche. À l'Élysée, on soupçonne Matignon d'avoir délibérément entretenu la rumeur. Certains amis de Fillon lui voient toujours un avenir européen. L'un d'eux rêve même de le voir prendre la future présidence de l'Europe. Valéry Giscard d'Estaing confie en privé que le premier ministre ferait un bon président de l'Assemblée.
D'autres rêvent de le voir poser ses bagages à Paris dans la perspective des municipales. Le président de la fédération UMP parisienne, Philippe Goujon, et plusieurs conseillers de Matignon préparent de longue date l'arrivée de leur champion. «La circonscription du VIIe a été redécoupée pour lui», glisse un filloniste. Sarkozy lui-même l'encourage à se lancer en vue des municipales de 2014. Même si l'échéance paraît lointaine, beaucoup d'élus parisiens valident cette candidature. Mais voilà, Fillon hésite. À 55 ans, il se prend à rêver - sans trop y croire - d'une carrière dans le privé ou celle de conférencier international.
«Il a toutes les cartes en main. Maintenant c'est quelqu'un de prudent. Il n'a pas encore fait son choix», affirme son ami Roger Karoutchi. Un autre approuve : «On ne lui demande pas d'aller battre campagne au marché d'Aligre. Mais on veut qu'il envoie un signe. Qu'il montre son désir pour Paris.» Au moins pour bloquer les ambitions de Rachida Dati. Car l'ancienne ministre de la Justice fonce vers ce même objectif.
Désormais rivaux, Fillon et Dati ont prévu de se voir prochainement. Une amie commune a entrepris de les rapprocher. Prudent, Fillon veut mettre toutes les chances de son côté pour réussir son atterrissage parisien.
Bruno Jeudy
Le Figaro
02/10/2009
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