lundi, novembre 23, 2009

***Comment l'Euro 2012 dope la croissance polonaise...***


***La Pologne sera la seule nation de l'Union européenne à afficher une croissance positive cette année. Le pays compte plus que jamais sur l'organisation de l'Euro 2012 de football pour rattraper son retard en infrastructures et doper son activité. Explications de notre envoyée spéciale en Pologne.

Y a-t-il un miracle polonais ? La patrie de l'ancien pape Jean-Paul II sera en effet le seul pays de l'Union européenne à échapper à la récession cette année. Selon le ministère des finances polonais, le produit intérieur brut du pays devrait augmenter de 1% en 2009. Ces prévisions sont d'ailleurs plus modestes que celles des grandes organisation économiques internationales qui tablent sur une croissance du PIB variant de 1,1% (Banque mondiale) à 1,4% (OCDE) cette année.
Les trois raisons de la résistance polonaise

Qu'est-ce qui explique cette résistance de l'économie polonaise, plus d'un an après que la crise financière s'est abattue sur la planète? Tout d'abord le pays est entré dans la tourmente avec des fondamentaux relativement solides et un système financier relativement sain, explique Lukasz Tarnawski, économiste en chef de la banque PKO BP. En clair : ici, les produits toxiques telles les "subprimes" n'existent pas. De fait, les acteurs de l'économie polonaises sont peu enclins à s'endetter: 40% des Polonais ne sont pas bancarisés et près de 7 entreprises sur 10 s'autofinancent.
Les Polonais sont prêts à travailler plus pour gagner moins"

Par ailleurs, l'économie polonaise est relativement peu ouverte. Le chute vertigineuse du commerce mondial l'a donc peu affectée. Paradoxalement, la dégringolade de la monnaie nationale face à l'euro, passée en un an de 3,2 à 4,2 zlotys, a eu un impact positif sur les exportations du pays. En outre, la consommation des ménages résiste. Sans oublier la grande flexibilité de la main d'oeuvre, prête à "travailler plus pour gagner moins", note Lukasz Tarnawski.

Enfin, et surtout, l'Etat polonais s'est substitué au secteur privé en investissant fortement dans les infrastructures. Et le principal moteur de ces investissements depuis un an est... L'Euro de football! En avril 2007, l'UEFA a désigné la Pologne et l'Ukraine comme pays hôtes de la Coupe d'Europe de football des nations, troisième événement sportif mondial le plus important après les Jeux Olympiques et le Coupe du monde de football.

400 projets d'infrastructures liés à l'Euro 2012

A quelque 900 jours du coup d'envoi de l'événement, la Pologne est en ébullition : construction de routes, de lignes de trains, de tramways, agrandissement des aéroports, mise en place de systèmes de sécurité, construction d'infrastructures sportives et hôtelières... Au total, environ 400 projets liés à l'Euro 2012 sont dans les cartons, dont 50% sont en cours de construction. Les projets les plus spectaculaires sont bien sûr les stades de football des quatre villes hôtes agréées en mai dernier par le comité exécutif de (Varsovie, Gdansk, Poznan et Wroclaw). L'ensemble de ces travaux d'infrastructures sportives frôle le milliard d'euros. Pour autant, la construction et la rénovation des stades ne représentent que 7% de la totalité des dépenses liées à l'Euro 2012.
25 milliards d'euros pour accueilir l'Euro 2012

Plus de 85% des investissements liés à l'Euro de football portent sur les infrastructures de transports. D'ici à juin 2012, date du coup d'envoi du premier match, ce sont pas moins de 1.000 kilomètres d'autoroutes, 2.000 kilomètres de voies express et 625 kilomètres de voies ferrées qui seront construites ou modernisées. Les huit aéroports du pays vont être agrandis. Les villes d'accueil prévoient également d'importants travaux de rénovation et de modernisation de leurs transports urbains. La municipalité de Varsovie va par exemple investir un milliard d'euros dans la construction d'une deuxième ligne de métro, 250 millions d'euros dans la construction d'un nouveau pont au dessus de la Vistule ; 100 nouveaux bus, 193 tramways et 13 trains de banlieue supplémentaires seront disponibles pour l'Euro 2012.

Le financement des projets liés à l'Euro de football est estimé 103 milliards de zlotys (environ 25 milliards d'euros). 7,4 milliards de zlotys (1,8 milliard d'euros) ont déjà été dépensés. 20% de ces projets seront financés directement par Bruxelles. La Pologne est en effet le premier bénéficiaire des fonds régionaux de l'Union européenne : le pays aura reçu plus de 67 milliards d'euros sur la période 2007-2013. Le reste du financement des projets d'infrastructures est pris en charge par l'Etat et les municipalités.
Les effets cumulés de l'Euro devraient rapporter 2 points de PIB

Le pays espère en effet de nombreuses retombées positives de l'événement sportif. La Pologne attend entre 900.000 et un million de visiteurs en juin 2012 pour l'Euro. Soit un bénéfice touristique direct estimé à 130 millions d'euros. Si en outre l'organisation de l'Euro est un succès, l'image de la Pologne comme pays touristique en sera renforcée. Mais les retombées les plus attendues sont sur le long terme, grâce aux investissements dans les infrastructures. Aujourd'hui, très peu de routes et d'autoroutes relient les grandes villes du pays. Ces investissements devaient donc être faits, notamment grâce aux fonds de l'UE. "L'Euro 2012 va booster l'économie polonaise en obligeant l'Etat à accélérer ses investissements", analyse Jean Rossi, vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie française en Pologne (CCIFP).
L'adoption de l'euro reportée au-delà de 2015

Au final, les effets cumulés de l'Euro de football sur la période 2008-2020 devraient augmenter la richesse nationale de 27 à 30 milliards de zlotys (7 à 8 milliards d'euros), soit l'équivalent de deux points de PIB, selon Jakub Borowski, économiste à la Warsaw School of Economics et auteur d'un rapport sur le sujet. A titre de comparaison, la Suisse, pays co-organisateur de l'Euro 2008 avec l'Autriche, avait réalisé un chiffre d'affaires 1,5 milliard de francs et une valeur ajoutée brute de 870 millions de francs suisses, soit un total d'environ 1,5 milliard d'euros actuels.

Le ballon rond ne suffira pas à lui seul à tirer l'économie polonaise. Le PIB national ne devrait croître que de 1,2% en 2010 selon le gouvernement, de 1,3% selon la Banque mondiale. Or les Polonais ne peuvent se contenter de 1 point de croissance annuelle : pour continuer leur rattrapage et ne plus jouer en deuxième division de l'Europe, il leur faut tabler sur 4 à 5% par an. L'autre relais de croissance serait l'adoption de la monnaie unique européenne. L'entrée dans zone euro apporterait 0,7 point de PIB supplémentaire par an selon Lukasz Tarnawski.

Mais pour entrer dans les clous des critères de Maastricht, l'Etat va devoir adopter une politique budgétaire rigoureuse afin de réduire de son déficit, qui atteindra 7% du PIB en 2010. La Pologne a renoncé en août à fixer une date pour l'adoption de la monnaie européenne, qu'un calendrier gouvernemental prévoyait auparavant en 2012. Les économistes polonais n'envisagent désormais pas une entrée dans la zone euro avant 2015.

Emilie lévêque,
envoyée spéciale en Pologne
L'Expansion
23/11/2009

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