dimanche, novembre 22, 2009

***«L'identité européenne reste à inventer»...***


***INTERVIEW - Pour Céline Belot, chercheuse au CNRS* spécialisée dans le processus de légitimation de l'UE, la question du sentiment d'appartenance à l'Union européenne est très récente et se heurte aux identités nationales.

Lefigaro.fr - Les Européens ont voté pour élire leurs députés au Parlement européen en juin dernier, et l'on a, une fois de plus, constaté que les débats portaient principalement sur des questions de politique nationale. Pourquoi est-il si difficile de faire campagne sur des enjeux européens ?

CELINE BELOT - Le débat sur le projet politique européen n'existe pas car il n'est pas voulu par les forces politiques nationales, qui y voient un risque de clivage interne. En France notamment, le souvenir des déchirements du PS sur la Constitution européenne en 2005 reste très vif. Ni la droite ni la gauche ne veulent se risquer à rouvrir la boîte de Pandore. Et il en va de même dans tous les pays d'Europe de l'Ouest, où les systèmes de parti sont assez stabilisés : personne n'a intérêt à se saisir du problème. Ajoutons à cela un autre obstacle non négligeable à la création d'un véritable espace public européen : nous, Européens, ne parlons pas tous la même langue, ne lisons pas les mêmes journaux ni ne regardons les mêmes chaînes de télévision !

Les programmes transnationaux du type Erasmus n'ont-ils pas contribué à accélérer le développement d'un sentiment d'appartenance à une communauté européenne ?

Erasmus est effectivement un facteur d'adhésion, mais il ne touche qu'une petite partie de la population - les étudiants qui sont partis. Il est toutefois vrai que ce programme a l'avantage de la visibilité. L'un des problèmes de l'UE est en effet qu'elle n'a pas vraiment de politiques visibles, qui permettraient aux gens de prendre la mesure de son utilité. Bruxelles produit essentiellement des normes, que les Etats, notamment ceux du Sud, mettent souvent du temps à appliquer. Si bien que, même lorsque les gens sont directement concernés dans leur quotidien, ils savent rarement que c'est le résultat d'une législation européenne.

Dans quel domaine l'action de l'UE semble-t-elle la plus légitime aux yeux des Européens ?

Les études Eurobaromètre révèlent que c'est sur le plan économique (chômage, croissance) que l'intervention de l'UE est considérée la plus importante. C'est en fonction de ces performances que les gens ajustent en premier lieu leur soutien au projet européen. On constate d'ailleurs, sans grande surprise, une baisse de ce soutien entre août 2007 et septembre 2008 (de 57% à 52%) : la crise est passée par là.

Mais les Européens ne déterminent pas leur attachement à l'UE uniquement en fonction de ses performances économiques ?

C'est ce qu'ont longtemps pensé les instances communautaires : on croyait que si l'on faisait en sorte que les indicateurs économiques soient bons, un sentiment d'appartenance se développerait. Mais aujourd'hui, on se rend compte que d'autres paramètres entrent en jeu : les médias, l'exposition sur le long terme aux symboles (l'euro, le passeport, le drapeau). Par ailleurs, certaines personnes se sentent si démunies pour juger ce qui se passe à Bruxelles qu'elles l'analysent à travers le prisme de leur gouvernement national : si celui-ci est europhobe, et qu'elles-mêmes soutiennent leur gouvernement, elles n'adhéreront pas au projet européen, et inversement. Mais un nombre croissant d'études récentes révèle que ce qui détermine finalement le plus notre faculté d'adhésion au projet européen, c'est notre nationalité.

De quelle façon ?

Et bien, par exemple, il serait plus facile pour un Italien de se reconnaître comme Européen que pour un Britannique, car il lui est plus facile d'articuler son identité italienne avec son identité européenne. En effet, l'identité nationale italienne est aujourd'hui construite à travers un discours qui souligne l'importance de la culture, de l'histoire (Antiquité, Renaissance), des paysages, tandis que l'identité européenne renvoie à la stabilité politique et à la puissance économique. Il n'y a donc pas de compétition entre les deux. En revanche, les ressorts de l'identité britannique sont proches de ceux de l'identité européenne. D'où la difficulté, pour eux, de se sentir autant britanniques qu'européens.

Comment concilier les deux ?

Il faut arrêter d'aborder la question de l'identité européenne en s'appuyant sur les Etats comme modèles, car le contexte est différent. Les Etats-nations ont été portés par une volonté de détruire le régime précédent - ce dont il ne saurait être question aujourd'hui. A l'inverse, l'UE est une expérimentation dont on ne sait quel sera le point d'aboutissement. La citoyenneté européenne n'est apparue qu'en 1992, en grande partie du fait de la volonté du premier ministre espagnol Felipe Gonzalez. C'est très récent, et l'identité européenne reste encore à inventer.

* Laboratoire Pacte, Sciences Po Grenoble

Propos recueillis par Pauline Fréour
Le Figaro
20/11/2009

***L'IDENTITÉ NATIONALE EN EUROPE***
http://unioneuropeenne.blogspot.com/2009/10/lidentite-nationale-en-europe.html

***Qu'est-ce qu'être citoyen Européen... Français...?***
http://unioneuropeenne.blogspot.com/2009/11/quest-ce-quetre-citoyen-europeen.html ***

***"Pour vous, qu’est-ce qu’être Français ?"...***
http://parisinternational.blogspot.com/2009/11/pour-vous-quest-ce-quetre-francais.html

Bien à vous,

Morgane BRAVO

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