lundi, février 15, 2010

*Retraite à 60 ans, durée de cotisation : les paramètres sur la table des négociations...*


***En moins de vingt ans, quatre rendez-vous majeurs (1993, 1995, 2003, 2007) ont déjà eu lieu sur les retraites. Le constat est connu depuis le Livre blanc sur les retraites que Michel Rocard avait préfacé en 1991. Le régime par répartition, mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale, se retrouve aujourd'hui sous la double pression de la démographie et du chômage. Il est fondé sur la solidarité intergénérationnelle puisque les cotisations des actifs financent la pension des retraités.

Une retraite sur dix n'est plus financée. Alors qu'au moment de la création du système on comptait quatre cotisants pour un retraité, ce ratio tombera à 1,2 à l'horizon 2050. C'est la conséquence du vieillissement de la population et de la persistance d'un taux de chômage élevé. "Dès 2010, une retraite sur dix n'est plus financée", déclarait Xavier Darcos, le ministre du travail, le 12 janvier. Cette année, le déficit devrait tourner autour de 10 milliards d'euros. François Fillon répète que, "si nous ne faisons rien, il manquera 100 milliards par an à l'horizon 2050". Dans le rapport qu'il publiera mi-avril, le Conseil d'orientation des retraites (COR) insistera sur le fait qu'un taux de chômage durablement élevé pourrait en plus aggraver le déficit de quelque 30 milliards d'euros à l'horizon 2050. Le gouvernement a d'ores et déjà évoqué quelques pistes de réforme.

Repousser l'âge légal de la retraite. En France, la retraite à 60 ans, effective depuis le 1eravril 1983, n'a pas bougé sur le papier depuis cette date. Une exception en Europe, où le seuil légal est généralement de 65, voire de 67 ans.

Dans la réalité, l'âge moyen auquel les salariés font valoir leur droit au départ est de 61,5 ans, tandis que l'âge moyen de cessation d'activité tourne, lui, autour de 58 ans. Comme le souligne Danièle Karniewicz, la présidente de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV), 40% des salariés ne sont plus en activité au moment de faire valoir leurs droits à la retraite : ils sont au chômage, en maladie ou en invalidité.

Repousser l'âge légal est politiquement sensible, mais c'est le paramètre qui permet les économies les plus rapides. Les salariés pourraient toujours anticiper leur départ, mais ils verraient leurs pensions diminuer d'une décote. Le COR avait estimé qu'à l'horizon 2020 le gain d'un passage à 62 ans serait de 6,6 milliards d'euros. A condition que cet allongement touche tous les salariés. Y compris ceux qui ont commencé à travailler dès 16 ou 17 ans. Dans un tel système, ils seraient les premiers pénalisés. C'est la raison pour laquelle la plupart des syndicats y sont hostiles.

Augmenter la durée de cotisation. C'est sur ce paramètre qu'avait joué la loi Fillon de 2003, portant la durée de cotisation à 41ans à l'horizon 2012 dans le privé comme dans le public avec en perspective 41,5 ans en 2020.

Un nouvel allongement de la durée de cotisation aurait pour conséquence de repousser l'âge effectif de départ à la retraite. Compte tenu de l'entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail (22 ou 23 ans), il faudrait ainsi travailler jusqu'à 64 ans, voire 65 ans pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein.

Les femmes qui ont souvent des carrières discontinues, avec des périodes d'inactivité plus longues et plus nombreuses que les hommes, risquent d'être les premières pénalisées. Selon le COR, "celles qui sont parties en retraite en 2004 ont validé en moyenne 20 trimestres de moins que les hommes". Leurs pensions sont en moyenne de 40 % inférieures à celles des hommes.

Améliorer le fonctionnement du marché du travail. Le gouvernement ne peut faire l'impasse sur l'emploi des seniors. Or le taux d'emploi des 55-64 ans n'est que de 38,2 % en France, contre 45 % en moyenne dans l'Union européenne. Depuis dix ans, les plans seniors se succèdent donc. Le dernier en date a instauré, à partir du 1erjanvier 2010, des pénalités pour les entreprises de plus de cinquante salariés qui n'auraient pas conclu un accord ou un plan d'action relatif à l'emploi des salariés âgés.

A l'autre extrémité du marché du travail, il faut aussi favoriser l'accès à l'emploi des jeunes, faute de quoi l'allongement de la durée de cotisation n'aurait guère de sens. Les syndicats proposent aussi de prendre en compte les périodes de formation ou d'apprentissage dans la durée de cotisation.

D'autres pistes de financement. Tablant sur une amélioration de l'emploi, la réforme de 2003 prévoyait un transfert des cotisations chômage vers les cotisations retraites. L'augmentation du chômage ne l'a pas permis. François Fillon maintient cependant cet objectif, que le patronat a accepté à condition qu'il n'entraîne aucune hausse de cotisations.

Les syndicats insistent, eux, sur la nécessité de trouver d'autres sources de financement comme la taxation des stock-options, de l'intéressement et de la participation. Certains dénoncent les exonérations de charges sociales.

Rémi Barroux
Le Monde
16.02.10

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