samedi, mars 06, 2010

*Mme Ashton n'a pas encore convaincu...UE*


***Diplomatie européenne : Mme Ashton n'a pas encore convaincu.

Au concours de sourires, elle n'est pas la dernière. Pour la photo de famille, prise vendredi 5 mars dans le patio des orangers, devant la mosquée-cathédrale de Cordoue, Catherine Ashton resplendissait au milieu des 27 ministres européens des affaires étrangères. Il est vrai qu'une certaine bonhomie, sinon décontraction, sied à ces rencontres informelles qui réunissent chaque semestre les chefs de la diplomatie des Etats membres de l'Union européenne.

Pourtant, derrière l'harmonie de façade, c'est un week-end à la grimace qui était promis à la haute représentante de l'UE pour sa première participation à ce type de réunion. Son hôte, le ministre espagnol des affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, avait mis à l'ordre du jour "un sujet fondamental" qui fâche la plupart des Etats membres depuis la nomination de la Britannique comme chef de la diplomatie de l'Europe : quelle idée a-t-elle de sa mission, et surtout de l'instrument destiné à la servir, ce Service d'action extérieur (SAE), dont l'UE veut faire son ministère des affaires étrangères commun ?

Depuis des semaines, la gestion de Mme Ashton est sous le feu des critiques. Certains Etats lui reprochent de prendre ses instructions à Londres. D'autres de rester sous l'influence de la Commission dont elle est vice-présidente et où elle a conservé son bureau alors que celui qui lui est réservé au Conseil reste souvent vide. "Porter ces deux casquettes est quelque chose de nouveau, mais c'est inscrit dans le traité de Lisbonne, s'est-elle défendue vendredi. Je m'efforce de faire en sorte que toutes les institutions soient satisfaites."

La nomination sans concertation, il y a deux semaines, de l'ancien chef de cabinet de José Manuel Barroso au poste convoité d'ambassadeur à Washington a été interprétée comme un mauvais présage dans les capitales, qui guignent des places en vue dans le réseau des délégations européennes. Une trentaine de postes d'"ambassadeurs" doivent être attribués en 2010. A terme, le futur service comptera 3 000 diplomates.

Les tensions se sont amplifiées cette semaine, quand Mme Ashton a esquissé sa vision du SAE, dont elle doit proposer les grandes lignes fin avril. "Le document qui circule reste trop proche des positions de la Commission", dénoncent en choeur les capitales. Jeudi, David Miliband et Carl Bildt, les ministres britannique et suédois des affaires étrangères, avaient pris la plume pour inviter Mme Ashton à prendre "la responsabilité de la gestion du réseau de délégations".

Un message approchant lui a été répété vendredi matin à Paris lors d'une rencontre à l'Elysée avec le conseil diplomatique de Nicolas Sarkozy, Jean-David Levitte, puis dans l'avion de Bernard Kouchner que Mme Ashton a emprunté pour se rendre à Cordoue. Paris est particulièrement sensible à la maîtrise des instruments financiers et à la direction des affaires militaires.

Coincée entre la Commission européenne, le Conseil européen et aussi le Parlement dont le pouvoir est renforcé, la position institutionnelle de Catherine Ashton est inconfortable. Ceux qui l'ont choisie la savaient novice en diplomatie, mais ses débuts laborieux et sa personnalité effacée ont d'abord inquiété, puis agacé. "Elle n'a pas l'autorité pour jouer les arbitres", déplore un diplomate. Un autre lui reproche de "s'être entourée d'une équipe mal préparée". Ses proches ont beau rappeler qu'"elle ne dispose pas encore d'adjoints pour la représenter ", rien n'y fait : depuis le début de l'année, ses faits et gestes attisent la polémique.

Mi-janvier, les Français ont critiqué son absence à Haïti, au lendemain du séisme, alors que la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, s'y était précipitée. Mme Ashton s'est bien rendue à Port-au-Prince le 4 mars, mais sa visite est passée quasi inaperçue, quelques jours après une nouvelle catastrophe au Chili. "La diplomatie européenne est en retard d'un tremblement de terre", grince l'un des vice-présidents du groupe conservateur au Parlement européen.

A la veille de la réunion de Cordoue, la presse espagnole remâchait encore "le lapin de Majorque". Attendue fin février aux Baléares pour un sommet des ministres de la défense des Vingt-Sept, Mme Ashton avait préféré représenter l'UE à l'investiture du nouveau président ukrainien. Un choix publiquement regretté par la ministre espagnole de la défense, Carmen Chacon, et par son homologue français, Hervé Morin.

Les journaux espagnols pouvaient à nouveau gloser, samedi, sur "le lapin de Grenade", puisque Catherine Ashton a confirmé son absence au sommet entre l'Union européenne et le Maroc les 6 et 7 mars. Elle sera rentrée chez elle, à Londres. Sur son agenda dominical figure une "réunion politique".

Pourtant, à Cordoue, aucun ministre n'a retourné le couteau dans la plaie. Pour l'Allemand Guido Westerwelle, les critiques à Mme Ashton sont "en grande partie inappropriées". David Miliband a tu les siennes, préférant insister sur la nécessité de "confier un mandat clair aux nouvelles institutions et à la haute représentante". Si l'Autrichien Michael Spindelegger a rappelé "le mécontentement général", il a aussi souligné que "personne ne veut que Mme Ashton échoue". Les ministres des affaires étrangères sont d'autant plus enclins à positiver et à "soutenir Cathy" qu'elle tient leur domaine de compétence futur entre ses mains.

Cordoue (Espagne) Envoyé spécial

Jean-Jacques Bozonnet et Philippe Ricard (à Bruxelles)
Le Monde
07.03.10

***A SUIVRE...!

Bien à vous,

Morgane BRAVO

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