mercredi, avril 07, 2010

*Taxe sur les transactions financières : bienfait pour qui ?*

***La crise économique a exposé les faiblesses du système financier mondial, obligeant les gouvernements à injecter des milliards d'euros d'argent public pour sauver les organismes financiers de leur propre incompétence. Les députés européens estiment qu'il est temps, pour les acteurs financiers, d'honorer leur dette envers la société. Lors de la session plénière de mars 2010, ils ont demandé à la Commission d'explorer les conséquences possibles d'une taxe sur les transactions financières.

Une résolution, adoptée par les députés européens le 10 mars 2010, identifie la nécessité, pour le secteur financier, de contribuer de manière équitable à la reprise économique, « les coûts et les effets substantiels de la crise étant supportés par l'économie réelle, les contribuables, les commerçants, services publics et la société en général"« . Les députés européens souhaitent « une évaluation d'impact d'une taxe mondiale sur les transactions financières, en explorant ses avantages comme ses inconvénients » pour l'économie européenne.

En quoi une nouvelle taxe serait bénéfique ?

La commission parlementaire sur la crise financière, économique et sociale a pu discuter, lors d'une audition le 25 mars dernier, avec Stephan Schulmeister, de l'Institut autrichien pour la recherche économique (WIFO), de l'intérêt d'une telle taxe.

M. Schulmeister a expliqué que les transactions financières à court terme, comme l'achat de cinq millions d'euros revendus dans les cinq minutes à un meilleur taux, rendent les prix à court terme des devises (mais aussi de tout autre produit financier) extrêmement variables. Des études ont démontré que les valeurs à moyen et long terme de ces mêmes produits financiers sont influencés par ces variations à très court terme. Cela contribue à l'instabilité des parités (ce qu'il appelle la variation "maniaco-dépressive" du taux de change euro contre dollar), à des variations fortes des cours d'action sans rapport avec la santé financière des entités cotées, avec, au final, des conséquences sérieuses sur l'économie réelle.

Une taxe financière sur ces transactions à court-terme, par exemple de 5 points (0,05%), en réduirait le nombre (parce qu'elle diminuerait le profit immédiat de la transaction, donc l'intérêt de la réaliser). Cela toucherait, selon lui, principalement les grands spéculateurs comme les banques d'investissements et les fonds spéculatifs (les fameux hedge funds). Les marchés financiers gagneraient en stabilité tandis que l'Union européenne récolterait 300 milliards d'euros de revenus supplémentaires.

Cette taxe représente-t-elle un danger pour la compétitivité de l'Union européenne et de ses places financières ?

Que ce soit pendant le débat en session plénière ou lors de l'audition de la commission parlementaire sur la crise économique, les députés européens n'ont pas manqué d'exprimer leur position sur une telle taxe. Pour le Finlandais Sirpa Pietikäinen (Parti populaire européen), « l'industrie de la finance est le plus grand secteur économique mondial. Il me semble dès lors naturel que la taxe sur les transactions financières devienne la première tentative d'un impôt mondial. Si quelqu'un doit montrer l'exemple, c'est bien l'Union européenne ».

Pour la Britannique Catherine Stihler (Socialistes et démocrates), cette taxe permettra « à ceux qui ont contribué à la crise financière de donner quelque chose en retour ». En revanche, son compatriote Kay Swinburne (Conservateurs et réformateurs européens) juge que cette taxe « est un non-sens. Il est naïf de croire que si l'Union européenne la mettait en œuvre sans le soutien des autres acteurs mondiaux, elle n'en paiera pas le prix au profit des autres pays. »

Le député européen français Pascal Canfin (Verts) s'interroge: « Comment taxer les transactions financières qui se concluent ailleurs et qui nous affectent tout autant ? N'y a-t-il pas le risque que ce genre de spéculations déserte l'Europe et se poursuive uniquement aux Etats-Unis et sur les marchés financiers asiatiques ? »

Pour Stephan Schulmeister, la taxe ne menacerait pas nos marchés financiers européens du fait... des fuseaux horaires. Les marchés financiers connaissent le décalage horaire : 97% des transactions réalisées pendant les heures d'ouverture des marchés européens le sont à Londres ou Francfort.

On estime également que, même si l'Union européenne était la seule à imposer cette taxe, elle couvrirait entre 50 et 70 % des transactions à la condition de créer une taxe différente selon les types de marché.

Que faire de cette possible manne financière ?

Une idée suggérée par le député européen maltais Edward Scicluna (Socialistes et démocrates) lors d'un débat de la commission parlementaire pour le développement : « M. Barroso a suggéré d'utiliser un levier financier mondial pour soutenir des projets environnementaux. L'idée originale de la taxe Tobin destinée à soutenir l'aide au développement refait aussi surface ».

Toutefois, certains députés européens se sont abstenus lors du vote en plénière. Selon l'un d'entre eux, l'Italien Mario Borghezio (Europe de la liberté et de la démocratie), « il est anticonstitutionnel d'accorder à l'Union européenne le droit de lever un impôt. C'est une prérogative exclusive des Etats membres ».

PE
30-03-2010

Bien à vous,

Morgane BRAVO

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