lundi, novembre 22, 2010

*Discours de Christine Lagarde, Ministre de l'Economie, des finances et de l’industrie : "Conférence Annuelle des Entrepreneurs" 2010*

Discours de Madame Christine Lagarde, Ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie,
prononcé par Ramon Fernandez, Directeur général du Trésor
Lors de la Conférence Annuelle des Entrepreneurs le 15 novembre 2010

Monsieur le Président, Grégoire SENTILHES,
Mesdames, Messieurs les chefs d'entreprises, entrepreneurs,
Mesdames, Messieurs,

                En cette fin d'année 2010, la France est entrée dans l'après-crise. Ce message fort, je voudrais que vous le reteniez au premier jour de la semaine des entrepreneurs. C'est aussi une réalité que je souhaiterais éclairer en quelques chiffres. La sortie de crise se poursuit au 3ème trimestre 2010 avec une croissance du PIB de +0,4% (après +0,2% au 1er trimestre, +0,7 au 2nd). Les voyants sont au vert et les 3 moteurs de la croissance montent en puissance :
•  Pour la première fois depuis la crise de 2008, l'investissement des entreprises a progressé (+1,1%) ;
•  La consommation des ménages, qui n'a jamais baissé d'un trimestre sur l'autre en France depuis le début de la crise, a une nouvelle fois augmenté (+0,6%) ;
•  Les exportations sont vigoureuses depuis le début de l'année (+4,5% au 1er trimestre; +2,8% au 2ème trimestre).

                Oui, la France est enfin sortie de la crise, n'en déplaise aux oiseaux de mauvais augure. Nous avons désormais une responsabilité commune, celle de ne pas baisser les bras, de poursuivre les efforts pour accélérer ce mouvement de reprise.

                Vous savez bien quels trésors d'intelligence, de richesses et d'énergie recèle notre pays. Vous en êtes la preuve vivante. Car je crois avec la plus grande conviction à l'esprit d'entreprise.
                Le rôle de l'Etat, ce n'est pas de créer ex nihilo des richesses, c'est d'encourager ceux qui le font : les entrepreneurs.

                Je suis prête à affirmer que, en dépit des mythes, l'esprit d'entreprise est une valeur très française, qui connaît aujourd'hui un renouveau sans précédent. L'entrepreneuriat est une valeur française. Il peut même être une fête. C'est toute l'originalité de ces journées des entrepreneurs que de le rappeler. Cela doit beaucoup à l'enthousiasme de son président, Grégoire SENTILHES. Soyez-en chaleureusement remercié, cher Grégoire.

Et puisqu'il me revient de lancer les manifestations qui feront le succès de cette nouvelle semaine des entrepreneurs, j'aimerais, plutôt qu'un long discours, parcourir avec vous le chemin des entrepreneurs à tous les stades de la vie de leur entreprise.
Ayant été moi-même chef d'entreprise, je n'ai eu cesse, comme ministre de l'Economie de l'Industrie et de l'Emploi, de faciliter (I) leur création, (II) leur développement et leur (III) arrivée à maturité.

*             *             *
               
 I- La création
                Qu'on ne croie pas que les discrets aventuriers de l'entreprise se comptent sur les doigts d'une main. L'année dernière, notre pays a enregistré plus de 580 000 créations d'entreprise, un chiffre jamais atteint jusqu'alors et encore près de 470 000 depuis le début de l'année [janvier-septembre], soit 11 % de plus que sur la même période en 2010. A peu près chaque minute, en France, une nouvelle entreprise voit le jour ! Et le Gouvernement est bien décidé à (a) encourager tous ces entrepreneurs. (b) A les protéger aussi, et (c) financer leurs projets.

a. Encourager : auto-entrepreneur
                Pour une fois, l'Etat s'est engagé à faire simple : pas de chiffre d'affaires, pas de charges. Celui qui veut devenir auto-entrepreneur a pour seule formalité un document à remplir, sur internet, qui devrait lui prendre à peine une heure ; celui qui veut cesser de l'être peut le faire tout aussi aisément. On ne soulignera jamais assez le déclic que ce nouveau régime, souple et simple, a représenté : plus de 320 000 Français l'ont adopté l'année dernière.
                Si nous avons réussi à faciliter la création d'entreprises en France, il nous restait à en sécuriser le lancement. C'est désormais chose faite, avec l'EIRL, l'Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée.

b. Protéger : l'EIRL 
                Ce second statut, très novateur pour la France, particulièrement protecteur pour les entrepreneurs exerçant leur activité en nom propre, permet aux entrepreneurs de séparer leur patrimoine entre le patrimoine affecté, gage des créanciers professionnels, et le patrimoine non affecté, susceptible de constituer le gage des autres créanciers, sans avoir à passer par la création d'une personne morale. 
Dès le 1er janvier 2011, l'EIRL assurera une réelle sécurité sur le patrimoine personnel non seulement à compter de la création de l'entreprise mais aussi pour les entreprises existantes, si l'entrepreneur le décide.


c. Financer : ISF-PME et le fonds national d'amorçage
                Une idée pour devenir un nouveau produit ou service, a besoin de carburant. L'énergie de l'entrepreneur constitue l'essentiel de ce carburant, mais –vous le savez tous– la question du financement est cruciale, dès le premier jour.
La Loi de Modernisation de l'Economie a créé un dispositif d'exonération d'ISF pour les investissements dans les PME – ce qui signifie que les personnes redevables de l'ISF peuvent transformer l'impôt spécial qu'elles doivent payer en investissement de long terme dans le capital d'une PME sous forme de « love money ». Cette mesure rencontre un franc succès et ouvre de nouvelles perspectives aux jeunes entreprises à fort potentiel. 
Je pense d'ailleurs au-delà du simple montant levé (environ 1 Md€ au titre de la collecte 2009, pour un coût fiscal de 718 M€) qu'elle contribue à développer le réflexe d'investissement dans les entreprises les plus risquées. Et, pour que cela reste ainsi, nous avons proposé dans la loi de finances pour 2011 que ce dispositif ne puisse profiter qu'aux vrais investissements, venant appuyer de vrais risques et de vrais entrepreneurs.

Les entreprises les plus innovantes, à fort potentiel de croissance, ont également besoin de s'appuyer sur des fonds de capital-risque qui les accompagnent dès les premières étapes de la vie d'une entreprise. C'est pourquoi, dans le cadre des Investissements d'avenir, nous mettons en place un Fonds national d'amorçage, doté de 400 M€, qui viendra participer à la levée des fonds de capital-risque.


II- Le développement 
                Là encore, le Gouvernement est attentif à soutenir les entreprises qui se développement (a) par du financement ; (b) de l'investissement et (c) de l'innovation.

a. Le financement 
                La question du financement se pose également au stade du développement. Avec le Président de la République, nous avons très vite vu que la reprise s'accompagnerait nécessairement, du côté des entreprises, par une restauration de la solidité de leur bilan. C'est pour accompagner ce mouvement que nous avons mis en place, il ya maintenant déjà 1 an, le Contrat de Développement Participatif (CDP), un outil qui permet aux entreprises de taille moyenne d'accéder plus facilement aux financements que vous leur proposez en intervenant en complément sous forme de quasi-fonds propres : 1 Md€ sont ainsi disponibles pour renforcer la structure financière des entreprises.
                J'invite tous les entrepreneurs qui le souhaitent à interroger OSEO qui, avec le CDP ou l'ensemble des autres outils disponibles, saura les aider à créer de la valeur, de l'activité, de l'emploi.
                Financement toujours avec le recours aux marchés. Nous allons être bien sûr attentifs à l'évolution des fonds apportés par les investisseurs institutionnels avec la mise en place de nouvelles normes prudentielles. Dès à présent, il faut aussi ouvrir de nouvelles voies de financement pour les entreprises. C'est pourquoi, Fabrice DEMARIGNY, ancien Secrétaire général du Comité Européen des Régulateurs de Valeurs Mobilières m'a remis le 18 mars dernier, un rapport qui propose, comme je le lui avais demandé, un véritable Small Business Act européen du droit boursier. J'en retiens les propositions suivantes :
La proposition d'un statut européen de la valeur petite et moyenne (SMILE – Small and Medium-sized Issuer Listed in Europe) qui donnerait accès à un prospectus spécifique, recentré sur les risques spécifique ainsi qu'à des obligations adaptées de publication financière ;La proposition d'envisager l'application aux seules PME et ETI cotées des règles comptables IFRS pour PME développées récemment par l'IASB, qui représenteraient un allègement significatif par rapport aux règles IFRS complètes ;La proposition de mettre en place, à condition que les bourses européennes se mettent d'accord, autour de la Banque européenne d'investissement (BEI), d'une plateforme de négociation paneuropéenne des petites et moyennes valeurs.
                J'ai défendu l'ensemble de ces propositions auprès de la Commission européenne. Les révisions des directives devraient nous permettre de les voir intégrées dans le corpus législatif communautaire.

b. L'investissement
                Pour aider les entreprises à investir pour leur développement, j'ai supprimé la taxe professionnelle. La charge fiscale qui pèse sur les entreprises de France va baisser de 12,3Mds€ et, en régime de croisière, de 6,3Mds€ par an. Les interlocuteurs étrangers que je rencontrais me confiait régulièrement leur curiosité face à l'égard de cet impôt unique en son genre et qui, depuis 30 ans, plombait l'attractivité de notre territoire. Chers amis entrepreneurs, retenez ce chiffre : depuis le 1er janvier le coût d'un investissement productif sur 10 ans a ainsi baissé en moyenne de 22%.
La France, terre d'accueil des investissements étrangers depuis longtemps, redevient également une terre d'investissement pour les entreprises situées sur son sol et je m'en réjouis.

c. L'innovation
                Les plus avisés d'entre vous sauront également que dans une compétition mondiale de plus en plus vive, l'innovation demeure la meilleure garantie de notre compétitivité à moyen et long terme. C'est pourquoi nous avons toujours encouragé l'innovation et la R&D en France, et ce depuis plus de 3 ans. Toutes les entreprises peuvent bénéficier de cette « prime à l'innovation » qu'est le Crédit d'Impôt Recherche, un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de R&D jusqu'à 100 millions d'euros et 5% au-delà de ce montant. Un crédit porté à 50 % pour les primo-entrants et à 40 % la deuxième année.
                Le CIR fait désormais partie de notre paysage fiscal, il n'est pas question de le remettre en cause ; grâce à ce dispositif, le plus généreux des pays de la zone selon l'OCDE, chaque année 4 Mds€ sont rendus à l'économie pour doper la Recherche & Développement.
                Mais comme pour la création d'entreprise, encourager l'innovation ne suffirait pas si celle-ci n'était pas suffisamment protégée. Nous avons donc mis l'accent sur la propriété industrielle. L'INPI, dont le nouveau Directeur général [Yves LAPIERRE] est aussi un ancien chef d'entreprise, a proposé à 1 062 PME de bénéficier d'un pré-diagnostic de propriété industrielle.
Cette politique porte ses fruits : dans un contexte de crise, les dépôts de brevet par les PME ont connu une augmentation de (+6,8 %) et représentent désormais 14 % des dépôts totaux en France [contre 12,7 % en 2008].
Avec les investissements d'avenir, nous irons plus loin encore dans le soutien à la création de croissance sur le long terme. L'Etat veut créer un électrochoc dans les secteurs stratégiques, là où la valeur se créera dans les années qui viennent. L'Etat va investir massivement, non pas pour de nouvelles dépenses de fonctionnement, mais pour investir dans des secteurs prioritaires : (i) l'enseignement supérieur, la formation et la recherche (19 Mds€) ; (ii) l'industrie et les PME (6,5 Mds€) ; (iii) le développement durable (5 Mds€) ; (iv) et le numérique (4,5 Mds€).


III- La maturité
                Nous avons en France beaucoup de PME dynamiques, créatives. Mais, comme dans d'autres domaines, on peut avoir parfois le sentiment d'un plafond de verre. Beaucoup d'entre elles n'ont pas encore atteint le seuil critique qui leur permettrait d'exporter et conquérir de nouveaux marchés à l'étranger, celui des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI). La France n'en compte que 5 000, soit deux fois moins que l'Allemagne où elles assurent 40% des exportations et 70% de l'emploi. Le Premier ministre a confié une mission à Bruno RETAILLEAU, sénateur de Vendée, afin qu'il lui remette des propositions pour améliorer la compétitivité des ETI françaises au regard de la performance de nos grands partenaires exportateurs européens.
                Ces entreprises pourront aller chercher la croissance là où elle se trouve, et parfois sur les marchés étrangers. Pour cela, le Gouvernement a adopté plusieurs mesures :
la création d'une convention entre Ubifrance et l'Etat qui vise à identifier et accompagner 10 000 entreprises nouvelles non ou faiblement exportatrices, et qui fixe un objectif de 10 000 VIE en poste en 2011 ;le renforcement des procédures d'aides financières gérées par Ubifrance (labellisation d'opérations, actions de promotion,...) ;la réforme des procédures financières de la COFACE (assurance-crédit, assurance-prospection) dans un sens plus favorable aux PME comportant notamment la suppression des frais de dossier, l'avance sur indemnité pour les TPE, l'amélioration de la quotité garantie et la garantie des investissements à l'étranger sans plancher d'investissement ;le « Pacte PME international » par lequel 26 grandes entreprises adhérentes s'engagent à nouer des partenariats avec des PME leur permettant d'entrer sur les marchés étrangers.
                L'une des clés réside aussi dans une approche plus intégrée de nos filières industrielles. Que les gros aident les petits à grossir, car, au total, c'est bénéfique à l'ensemble de l'économie et l'ensemble des acteurs. C'est au cœur de l'ambition des Etats généraux de l'industrie et des décisions prises par le Président de la République, qui sont aujourd'hui en cours de déploiement. Il est notamment apparu clairement que beaucoup se joue dans la relation entre donneurs d'ordres et sous-traitants. Je me réjouis à cet égard que le programme Pacte PME, qui existe depuis trois ans, se soit constitué l'été dernier sous la forme d'association, pour consolider et amplifier les résultats positifs déjà obtenus, que ce soit dans le montant des achats attribués à des PME ou dans l'accompagnement à l'international que je citais à l'instant.
                Comme vous le savez, nous menons en ce moment un travail d'analyse en profondeur des modèles économiques allemands et français. Il concerne aussi les entrepreneurs. La stratégie de développement des grosses PME du Mittelstand allemand peut fournir des éléments de diagnostic intéressants : des processus d'innovation permanente, une spécialisation de niche, le pari aussi sur le développement interne et pas uniquement sur la croissance externe, comme le pari du long terme.

*             *             *

                Vous comprenez que j'ai tendance à penser que là où le pessimiste craint les obstacles, l'optimiste saisit des opportunités. Avec les quelques réformes que je viens de vous présenter je crois pouvoir vous dire que le Gouvernement fait les deux à la fois : il supprime certains obstacles et vous incite, dans un environnement le plus favorable possible, à développer de nouvelles opportunités, à briser les plafonds de verre, quels qu'ils soient.
Nos entreprises sont nos emplois, c'est pourquoi je continuerai à les défendre comme notre savoir faire, en mobilisant toutes nos énergies sur de forts enjeux économiques et en me faisant l'Avocat de votre réussite. Derrière les PME que nous encourageons, ce sont près de 3 millions d'hommes et de femmes qui un jour ont eu une idée nouvelle, et le courage de la mettre en œuvre.
                A tous les entrepreneurs qui sommeillent en vous, qui vont bientôt se réveiller ou qui en tirent chaque jour satisfaction, je vous souhaite une excellente semaine, instructive mais aussi festive. La France, depuis ce week-end préside le G20 : je me réjouis que parallèlement, il revienne à un Français, cher Grégoire SENTILHES, de présider le G20 des Jeunes Entrepreneurs. Rendez-vous est pris l'année prochaine !

                Je vous remercie.


Christine Lagarde


Bien à vous,
Morgane BRAVO

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