jeudi, novembre 04, 2010

*La croissance de la Chine : réelle ou artificielle?*


Par Peter G. Hall, Vice-président et économiste en chef. EDC (Exportation et Développement Canada)
Les géants des marchés émergents semblent traverser les turbulences économiques avec une facilité remarquable. La Chine – dont la croissance du PIB se maintient au-dessus des 10 % – continue d'impressionner les observateurs, qui sont nombreux à voir dans le marché chinois un pilier de la croissance mondiale. Tout va bien jusqu'ici. Mais, dans un contexte de ralentissement planétaire, la Chine pourra-t-elle conserver ce rythme? 
La récession mondiale a ébranlé l'économie chinoise. Après avoir progressé en moyenne de 11 % de 2000 à 2007, la croissance de la Chine est redescendue – en termes relatifs – dans une fourchette de 3 % à 4 % au deuxième semestre de 2008. Le tassement de la demande mondiale a fait tomber les exportations de 9 % en 2009, ce qui a porté un dur coup à la production du pays, accoutumé à une croissance annuelle de 20 % de ses exportations. Or, le secteur chinois des exportations n'a jamais regagné le terrain perdu en 2009, malgré la faiblesse du yuan. Bien sûr, la croissance s'est redressée et les chiffres semblent exceptionnels. Pourtant, la Chine s'attendait à une performance bien supérieure de ses exportations. 

Résultat : le fléchissement des exportations a changé la structure du PIB chinois. En 2007, les exportations représentaient 39 % du PIB et en 2009 moins de 27 %, soit le niveau actuel. Par contre, la contribution de la consommation (publique et privée) au PIB a à peine changé lors de la récession. Quelle catégorie a réalisé des gains? Les investissements bruts en capital fixe, qui sont montés en flèche. Durant cette même période, ils sont passés de 40 % à 46 % du PIB, et ils demeurent en forte progression. Cette hausse arrive à point nommé, mais est-elle logique? 

Pas entièrement. D'habitude, les investissements ne visent pas à renflouer l'économie, mais plutôt à atteindre des objectifs de rentabilité. Ces investissements déclinent d'abord dans les secteurs résidentiel, de la machinerie et de l'équipement, puis dans le secteur non résidentiel. Les investissements chinois ne suivent pas cette tendance. À preuve, ils ont bondi à 21 % en 2009, soit bien au-delà des 13 % habituels. Cette augmentation semble surtout découler de la mise en œuvre de mesures de relance publiques. Si la Chine semblait optimiste lors du recul de la croissance en 2008, elle était suffisamment inquiète pour lancer un programme d'investissements de 586 milliards de dollars américains, soit trois fois plus ambitieux que la plupart des plans des pays de l'OCDE. La contribution des mesures de relance monétaires au plan financier a été telle que le pays a connu une hausse colossale des investissements privés et publics – suffisante pour exploiter la capacité de production inutilisée depuis l'effondrement soudain des ventes à l'étranger. 

Cette source de croissance commence cependant à se tarir. Plus tôt cette année, les signes d'inflation ont incité les autorités à supprimer les mesures de relance monétaires. Malgré les demandes visant à accroître le programme budgétaire, le gouvernement respecte son plan initial, qui arrivera vraisemblablement à terme au deuxième semestre de 2010. Un resserrement des politiques laisse penser que la progression des investissements pourrait être beaucoup plus faible en 2011. En fait, si les investissements bruts privés et publics revenaient aux tendances d'avant la récession, cela pourrait limiter la croissance globale du PIB entre 4 % et 5 % en 2011, soit, pour la Chine, un taux de croissance équivalant à un taux de crise. 

La montée des investissements semble avoir regonflé la bulle immobilière, mais un début de ralentissement et de nouvelles restrictions imposées sur les prêts risquent de la faire éclater. Cette situation ne fera pas l'affaire du système bancaire, qui a alimenté le nouveau boum immobilier. Un renversement du marché de l'habitation compromettrait les prêts accordés aux propriétaires comme aux promoteurs, révélant ainsi une importante faiblesse dans les portefeuilles des banques. 

Conclusion? L'élimination des mesures de relance risquerait d'affaiblir l'économie chinoise au moment où la croissance mondiale ralentit et, du coup, d'entraîner de nouvelles mesures de relance – un luxe que la Chine peut néanmoins se payer. La croissance dans son ensemble pourrait alors se retrouver dans un territoire parsemé de difficultés durant deux trimestres, le temps que les politiques fassent leur effet. C'est là un risque non seulement pour la Chine, mais également pour les économies qui ont profité de la résistante du marché chinois lors de la récession. 
Le 4 novembre 2010

Les vues exprimées dans ce propos sont celles de l'auteur. Elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’EDC.



Bien à vous,
Morgane BRAVO

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