mardi, juillet 24, 2012

*Martin Schulz : “Les dirigeants européens ont deux ans de retard”...*

entretien qu'il a accordé à Presseurop à l'occasion d'un séjour officiel à Paris:

"L'euro peut encore être sauvé, estime Martin Schulz. Mais il faudrait pour cela que les chefs d'Etats et de gouvernements européens s'efforcent de dépasser les jeux politiques inhérents à leur fonction et laissent une chance au Parlement. Dans l'entretien qu'il a accordé à Presseurop (lire la première partie ici), le président du Parlement européen entretient l’image le chef du Parlement qu'il veut bâtir : un contre-pouvoir représentant le peuple face au Conseil européen et à la Commission.

M. Schulz, la crise de l'euro entame son troisième été. La monnaie unique peut-elle encore être sauvée ?
Oui, je pense que l'euro peut encore être sauvé. Cela dépendra un peu de la volonté de chacun de mettre enfin en place un mode de gestion durable de la zone euro. Lors du dernier sommet [le Conseil européen des 28 et 29 juin], nous nous sommes mis d'accord lors d'une réunion, de nuit, et le lendemain deux gouvernements ont déclaré : “Mais ce n'est pas ce que nous voulions dire.” Ces incidents sont désastreux. Nous formons une zone économique forte, avec une monnaie forte, et 17 gouvernements. Cela ne peut pas durer.
La crise de l'euro a fait l'objet de 25 sommets et de “décisions historiques”, qui n'ont d'historique que le nom. Elle soulève la colère des citoyens, mécontents de voir les gouvernements d'Europe s'obstiner dans le statu quo actuel. Que souhaiteriez-vous dire aux citoyens européens pour qu'ils n'arrêtent pas de croire en l'Europe ?
J'essaie de m'adresser aux citoyennes et aux citoyens européens notamment avec des messages positifs. En leur disant que si nous le voulons, si nous agissons ensemble, nous pouvons être très forts. Et que si nous ne voulons pas agir ensemble, si nous nous fractionnons en unités indépendantes, avec l'Allemagne qui sera le plus grand pays, et Malte le plus petit, nous deviendrons le jouet des intérêts des autres régions de la planète.
On parle souvent des pays “montants” comme le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde, la Chine… J'espère pour les Européens que l'on ne parlera pas bientôt des nations “descendantes”. Pour empêcher cela, nous avons besoin d'une Europe forte et unie.
Le problème, ce ne sont pas les institutions, mais la réticence des chefs de gouvernements, de la zone euro mais aussi de l'ensemble des 27 Etats membres, à s'unir. Cette réticence vient du au fossé idéologique qui existe au Conseil entre, d'une part, une vision représentée par l'Allemagne, mais aussi les Pays-Bas, la Finlande et d'autres pays – “Nous ne paierons pas pour eux” – et, d'autre part, l'idée selon laquelle seule une mise en commun de la dette peut apporter une solution à nos problèmes, représentée par les pays qui exagèrent dans l'autre sens… Mais si nous ne parvenons pas à construire un pont entre ces deux positions et à trouver un compromis solide, nous allons vers des temps difficiles. Voilà ce que je souhaite dire aux électrices et aux électeurs.

Vous voulez faire du Parlement européen une institution capable de tenir tête au Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement. Qu'est-ce qui serait mieux en Europe si cela dépendait du Parlement ?

Nous agissons avec des majorités claires. Je vais vous donner trois exemples. Il y a 2 ans, le Parlement a demandé et présenté un pacte d'investissement correspondant à 1 % du PIB de la zone euro. La proposition a été rejetée [par le Conseil]. L'année passée, il a voté la taxe sur les transactions financières à 570 voix – une majorité telle que je n'en avais jamais vu, tous groupes confondus. Idem, rejetée. Enfin, il y a deux ans, le Parlement a demandé avec une majorité écrasante une union bancaire. Encore une fois, sa proposition a été rejetée.

Et aujourd'hui, avec un délai de réaction de 24 mois, le Conseil européen décide de mettre en place une union bancaire, une taxe sur les transactions financières et un pacte de croissance de 1 %, et il voudrait qu'on lui jette des fleurs. Ce ne sont que des idées que le Parlement a depuis longtemps proposées, et que les chefs d’Etat et de gouvernements ont refusé avec arrogance. Et nous avons perdu 2 ans. En résumé : le Parlement européen agit, les chefs de gouvernement, malheureusement, non.
Personne n'écoute ce que dit tous les 5 ans l’abstention record aux élections européennes. Comment faire pour que ce rendez-vous ne soit plus l'occasion pour les électeurs de s'insurger contre les gouvernements nationaux ?
Je crois que c'est la première fois que, lors d'élections européennes, certains candidats représentent leur ligne politique dans toute l'Europe. Il y a donc un candidat pour les socialistes, un pour les conservateurs, un pour les libéraux-démocrates, les Verts, etc., qui brigue la présidence de la Commission.
Tout cela donne lieu à des campagnes électorales qui opposent des programmes et des individus. Et finalement, il n'est plus question des gouvernements nationaux, il s'agit de savoir si c’est la gauche ou la droite qui gouvernera l’Europe."





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