samedi, mars 30, 2013

*Michel Barnier veut un débat en France : « Cessons d'avoir l'Europe honteuse ! »...*

Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, en a assez d’entendre dans son pays les seules voix de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon lorsqu’on parle d’Europe ! 
Aujourd’hui il lance dans « La Voix du Nord » 
un appel aux partis politiques qui, en France, ont porté depuis l’origine le projet européen, pour qu’ils ouvrent ensemble – et sans attendre les élections européennes de 2014 – un débat sur notre avenir dans l’Union. Pour répondre à la tentation du repli, sans masquer les sujets qui fâchent.

"Qu’est-ce qui vous amène aujourd’hui à interpeller nos dirigeants et les partis politiques français ?
Je veux dire que l’Europe doit rester une ambition française comme elle l’a été avec tous les présidents de la République depuis le général De Gaulle. Elle doit le rester avec François Hollande.
Vous en doutez ?
Je suis inquiet de voir de que des partis qui prônent le retrait derrière je ne sais quelle ligne Maginot recueillent aujourd’hui 35 % des voix. Pour combattre ces idées contraires à l’intérêt national, il faut expliquer aux Français que la défense de cet intérêt national ne peut plus être seulement nationale dans le monde d’aujourd’hui. Si nous Européens, ne sommes plus ensemble, nous sommes condamnés à être sous traitants et sous influence des Chinois et des Américains. En 2050, il n’y aura plus un pays européen dans le G8 des plus grandes puissances économiques et industrielles ! Adenauer, De Gaulle ou Churchilll ne feraient plus de discours sur l’indépendance nationale mais sur l’indépendance de l’Europe.
Comment lutter contre la montée du sentiment anti européen en France ?
Il y a beaucoup de choses à changer en Europe et il faut en débattre. Mais cessons d’avoir l’Europe honteuse ! Voilà pourquoi j’appelle les dirigeants de ce pays et les partis politiques qui ont porté depuis l’origine ce projet européen à se saisir de ces questions. Elle ne doivent pas être monopolisées par des partis qui prônent un repli national, voire nationaliste. L’UMP, le PS, le centre, les radicaux, les verts, je les appelle tous à reprendre en main ce débat sans complexe, et sans raser les murs. Qu’ils disent ce qu’il faut changer, qu’ils fassent des propositions.
« La question principale est : quel est aujourd’hui le projet européen de la France.»

Il y aura pour cela la campagne des européennes ?
Il ne faut pas attendre 2014 pour ouvrir ce débat. On ne rattrape pas en un mois et demi de campagne trente ans de démagogie et d’Europe bouc émissaire des crises. 2013 doit servir à ouvrir ce débat pluraliste et contradictoire.
Sur quels thèmes principalement ?
La question principale est: quel est aujourd’hui le projet européen de la France. Certains reparlent de “fédéralisme” mais il faut faire attention car il n’a pas le même sens en Allemagne, en France ou en Grande Bretagne. Je n’ai pas peur de ce mot mais je lui préfère le mot “mutualisation” qui exprime mieux le projet d’une Europe unie mais pas uniforme, une Europe avec des frontières, capable d’agir et de protéger mais qui ne s’occupe pas de tout. Ce qui est clair, c’est que dès l’instant où nous avons un marché et une monnaie uniques, il faut aller plus loin vers une gestion commune et coordonnée de nos économies. Il faut un ministre européen de l’économie et des finances et plus tard il faudra un président de l’Union européenne qui cumulera les fonctions de président de la Commission et du conseil européen.
Les partis concernés sont-ils prêts à ouvrir dès 2013 ce débat européen comme vous le demandez aujourd’hui ?
J’ai des contacts dans mon propre parti, l’UMP. Je l’ai dit au président de la République qui est attentif à cette exigence de débat public. Je sais que du côté du parti socialiste, des verts et du centre, tout le monde ressent ce besoin.
Il faudrait une personnalité pour incarner et piloter ce débat…
Il y a en France, à droite, à gauche au centre, chez les verts, des personnalités qui ont des convictions européennes sans avoir les mêmes sensibilités politiques et qui peuvent porter un tel débat. Mais il ne doit pas se mener seulement entre politiques. Les syndicats, les organisations professionnelles, les églises, la société civile, tout le monde doit pouvoir dire ce qu’il a à dire sur le fonctionnement actuel de l’Europe et ce qu’il attend. Je rêve d’un tel débat car en France nous avons trop la culture de la confrontation et de la dramatisation, à l’occasion d’un referendum ou d’une élection. Sur ce point aussi il faut moderniser la France.
« Tout le monde doit pouvoir dire ce qu’il a à dire sur le fonctionnement actuel de l’Europe »

En attendant ce débat, vous entendez bien le procès qui fait à l’Europe, et plus seulement par les partis souverainistes, contre l’austérité qui tuerait la croissance. Sans oublier le procès en légitimité fait à la Commission.
Un commissaire européen n’est pas un super technocrate bruxellois, je suis un homme politique, j’ai été élu toute ma vie y compris député européen avant de revenir à la Commission. Je n’accepte pas ce procès en légitimité. J’ai présidé un département pendant dix sept ans. Je suis très attentif à ce sentiment populaire­; de même que j’ai beaucoup écouté ceux qui ont voté "non" au referendum de 2005. Mais cela ne justifie pas les positions d e l’extrême droite qui prétend sauver la France en la sortant de l’Europe, ni les insultes de M. Mélenchon qui tient des propos caricaturaux et injustes. Il faut faire cesser ces mensonges et que l’Europe ne soit plus le bouc émissaire.
Et l’Europe facteur d’austérité ?
C’est trop facile de dire "c’est la faute de Bruxelles". Bruxelles n’est en aucune façon responsable des dettes de nos pays. Personne à Bruxelles n’a demandé à la France de ne plus présenter de budget équilibré depuis 1979, et de s’endetter à hauteur aujourd’hui de 91% de notre PIB ! Nos dettes sont celles de nos gouvernements successifs et ce sont les impôts de nos enfants !
La crise financière aux Etats-Unis a impacté l’Europe notamment en raison de son endettement. Toutes nos faiblesses sont apparues et nous les traitons une par une. Il nous faut diminuer la dette des pays trop endettés - c’est le cas d e la France - et mieux coordonner nos économies et nos budgets parce que nous avons une monnaie unique. Jacques Delors mettait en garde contre une union monétaire qui n’irait pas de pair avec une union économique et budgétaire. On ne l’a pas entendu et nous sommes à la limite du système.
Mais à trop combattre les déficits ne va-t-on pas tuer toute croissance ?
Il faut faire attention en effet à la façon dont on réduit les déficits. Mais je suis sûr d’une chose : si on continue à s’endetter comme le recommandent Mme Le Pen, M. Mélenchon et parfois d’autres, on se met définitivement dans la main des marchés financiers. Parce que notre dette est entre leurs mains et non pas dans une épargne nationale. Je ne veux pas de cette domination des marchés. Cela étant dit nous pouvons et nous devons réduire notre déficit, faire que l’État soit mieux géré, faire des économies en préservant les dépenses qui intéressent le jeunes, l’éducation, la recherche. Il faut bien sûr être très sélectif dans la réduction des dépenses.
François Hollande avait promis de réorienter l’Europe vers la croissance avec le fameux pacte. Y a-t-il vraiment une politique européenne de croissance au niveau européen ?
S’il s’agit de dire qu’il faut réorienter le modèle économique européen, je suis revenu à Bruxelles pour cela, en accord avec Nicolas Sarkozy. Pour qu’on retrouve la ligne d’une économie sociale de marché compétitive dont on s’est écarté depuis 20 ans au profit d’une ligne ultra libérale soutenue par des gouvernements de droite comme de gauche, y compris français, avec les conséquences que l’on a vues. François Hollande, en arrivant, a eu raison de dire qu’il fallait ajouter un volet de croissance. mais il faut aller plus loin en faisant mieux fonctionner le marché intérieur, en bâtissant une politique industrielle. L’Europe doit retrouver l’audace des pères fondateurs, quand on a fait l’Europe de l’acier et du charbon, quand on a fait Airbus, Galileo. Il faut reconstruire une industrie européenne là où elle a disparu. Mais cela ne nous dispense pas, nous français, de l’effort de compétitivité à faire suivant le diagnostic de Louis Gallois. C’est la clé.
« Nos dettes sont celles de nos gouvernements successifs et ce sont les impôts de nos enfants.»

L’Europe peut-elle rebâtir une industrie avec des frontières aussi ouvertes  ? 
Je ne crois pas au protectionnisme. Au sens où l’entendent Mme Le Pen ou M. Mélenchon, c’est la mort de plusieurs millions d’emplois en Europe. 40 % de nos exportations vont vers des pays en dehors de l’Union. Si nous mettons des barrières, ces pays feront de même et ce sera la mort de milliers d’entreprises. Ce qu’il faut, ce sont des marchés ouverts de façon équitable. Je me suis battu pour que la réciprocité ne soit plus un gros mot à Bruxelles ! J’ai proposé un instrument de réciprocité pour les marchés publics avec tous nos grands partenaires et j’attends qu’il soit adopté par les ministres et par le parlement. Avec mon collègue italien Antonio Tajani, nous travaillons à ce que devrait être une politique industrielle européenne, y compris en favorisant des investissements communs en matière de recherche, de soutien aux entreprises dans les technologies clés que nous sommes en train de perdre. Je ne me résouds pas à l’idée que l’Europe soit simplement consommatrice de produits fabriqués par les Chinois ou les Américains. La réponse est dans l’innovation, la recherche et aussi la protection des inventions. Le brevet européen que j’ai mis sur la table il y a deux ans vient d’être adopté. Cela fait trente-cinq ans que les entreprises attendaient ce brevet pour ne pas le payer dix fois plus cher qu’aux Etats-Unis à cause des traductions dans toutes les langues de l’Union !
L’Allemagne est-elle le modèle à suivre ?
Plutôt que de critiquer l’Allemagne on devrait se demander pourquoi cela va mieux en Allemagne qu’ailleurs ! La première clé de ce succès est le dialogue social, une culture que nous n’avons pas en France où nous sommes dans la confrontation. La deuxième clé c’est la formation en alternance pour tous les jeunes Allemands qui apprennent à connaître l’entreprise très tôt­; il y a aussi le soutien à l’investissement familial et régional, et la volonté de maintenir et développer une industrie. Et par-dessus tout la culture de stabilité budgétaire qui devrait inspirer tous les autres pays. Nos dettes sont des impôts pour nos enfants et personne ne viendra les payer à notre place. Enfin, nous devons nous interroger sur les charges qui pèsent sur le travail et qui sont trop élevées en France.
Le premier plan de sauvetage de Chypre a affolé les petits épargnants en voulant taxer également les comptes de moins de 100 000 euros. Comment les ministres ont-ils pu commettre une aussi grave erreur ?
Je pense qu’il y a eu une mauvaise appréciation de l’impact de cette idée­ que les 17 ministres, avec le ministre chypriote, ont mis dans l’urgence sur la table parmi d’autres. Dès que j’ai appris ce plan j’ai demandé que l’on respecte l’esprit et la lettre d’une directive européenne dont je suis comptable et qui protège les petits épargnants et garantit en toutes circonstances les dépôts en dessous de 100 000 euros. Heureusement le bon sens l’a emporté.
Depuis la crise de 2008 et les réunions du G20 on pensait que les « économies casino « comme Chypre étaient mieux encadrées...
Les décisions ont été prises. Les projets sont sur la table et parfois approuvés mais la mise en œuvre prend du temps. Depuis trois ans, j’ai présenté vingt huit lois de régulation financière pour mettre en oeuvre le G20 en Europe. Aucun marché, aucun produit, aucun secteur n’échappera à une régulation publique. Les premières mesures entrent en vigueur en  ce moment. Il y a dix jours,  est entrée en vigueur la régulation des produits dérivés. Ils représentent 600 000 milliards de dollars d’échanges dans le monde dont 80% se font de gré à gré. Nous obligeons à l’enregistrement de ces transactions et les Américains font la même chose. Lundi dernier, en pleine crise chypriote, nous sommes parvenus à un accord définitif entre le parlement européen et le conseil des ministres des finances sur la supervision bancaire dans la zone euro. 6 000 banques vont être désormais supervisées par la banque centrale européenne (BCE). Si cette supervision était déjà en place, jamais les banques chypriotes n’auraient été autorisées à faire ce qu’elles ont fait depuis des années. Et mercredi soir, sur ma proposition, nous sommes parvenus à un accord définitif avec le parlement européen et le conseil des ministres des finances sur les règles dites de Bâle, obligeant les 8300 banques des 27 pays de l’Union à être mieux capitalisées. Pour la première fois les bonus des banquiers seront sévèrement encadrés. Nous tirons les leçons de la crise,  nous remettons de l’ordre et de la morale là où ils avaient disparu. Mais ces nouvelles lois valent pour demain, pas pour hier."
http://www.lavoixdunord.fr/france-monde/michel-barnier-veut-un-debat-en-france-cessons-ia0b0n1130923

*En effet, Il ne faut pas attendre 2014 pour ouvrir ce débat...2013 doit servir à ouvrir le débat pluraliste et contradictoire.*
A SUIVRE...!

Bien à vous,
@MorganeBravo

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire