*** Malgré l'attachement de Jacques Chirac aux sujets environnementaux, la France passe aujourd'hui pour le mauvais élève européen en matière de réduction des émissions de CO2. Stavros Dimas, le commissaire européen en charge de l'environnement, envisage même d'ouvrir une procédure d'infraction à son encontre.
Mercredi 29 novembre, il a accordé à Paris deux semaines pour modifier son plan national d'allocation de quotas (PNAQ) de CO2 à ses industriels pour la période 2008-2012.
Plutôt que de voir la Commission retoquer ses propositions, Nelly Olin, la ministre de l'écologie, a préféré retirer son projet in extremis.Mercredi, seul le plan britannique a été accepté en l'état. Neuf autres pays, dont l'Allemagne, ont bien reçu un feu vert mais assorti de conditions.De l'issue de ces négociations entre la Commission et les Etats membres dépend la capacité de l'Europe à respecter les engagements de réduction d'émission de gaz à effet de serre pris à Kyoto (- 8 % en 2012 par rapport à 1990).Pour la période 2005-2007, les plans des différents pays se révèlent très laxistes : les quotas adoptés pour 2005 se sont avérés supérieurs aux émissions constatées.Conséquence, le marché d'échanges de quotas de CO2, lancé début 2005 pour inciter les industriels à faire des efforts, n'a pas rempli son rôle.Quelque 11 500 installations (dans l'énergie, le ciment, la chimie...) en Europe ont reçu 2 milliards de quotas gratuits (un quota équivaut à la permission d'émettre une tonne de CO2).
Avec la possibilité d'en acheter si elles émettaient plus que prévu ou d'en vendre si, ayant réduit leurs émissions, elles disposaient d'un stock excédentaire.
EFFETS D'AUBAINECe système, censé avantager les industriels "vertueux" et pénaliser les autres, ne fonctionne que si le prix du quota est assez élevé sur le marché pour être incitatif. Or, au printemps 2006, il s'est effondré quand il est apparu que qu'en 2005, la plupart des industriels européens avaient en effet reçu beaucoup plus de quotas qu'ils n'avaient émis de CO2.Alors qu'il frôlait 30 euros la tonne début avril, le prix du quota a chuté de moitié en quelques jours. Aujourd'hui, il est sous la barre des 10 euros (8,15 euros mercredi 29 novembre, sur Powernext carbone, la principale plate-forme d'échange en Europe).
Pour ne citer que la France, où l'attribution des quotas s'est révélée particulièrement généreuse, le secteur papier & pâte à papier a par exemple reçu 45,3 % de quotas excédentaires par rapport à ses émissions, selon une étude du courtier CM-CIC Securities. Pire : le système a engendré des effets d'aubaine. Marie Luchet et Agnès Blazy, analystes chez CM-CIC Securities, ont ainsi calculé que, avec un quota à 13 euros la tonne, si les groupes Veolia ou Total vendaient l'ensemble de leurs quotas excédentaires, ils pourraient payer les rémunérations de tous leurs mandataires sociaux pendant plusieurs années...
La France souhaite reporter l'utilisation des quotas excédentaires de la période 2005-2007 à la période 2008-2012. Bruxelles pourrait accepter mais à la condition que les plans d'allocation nationaux pour la deuxième phase soient amputés d'autant. La plupart des autres Etats membres, eux, n'ont pas demandé une telle possibilité de report.La négociation entre la Commission et les Etats membres porte aussi sur l'enveloppe de quotas à allouer aux nouvelles installations industrielles, qui n'existaient pas en 2005. Faut-il leur distribuer des quotas gratuits, comme lors de la première période, ou les leur faire désormais payer, avec un système d'enchères ?Pour l'instant, les opérateurs sur le marché du carbone anticipent que la Commission saura maintenir la pression. La preuve : " La décision de Bruxelles, mercredi a fait bondir le prix du contrat à terme pour livraison décembre 2008 à 18,85 euros, un euro de plus que la veille", remarque Henrik Hasselknippe, un des responsables de la société d'études Point Carbon.
Source: Cécile Ducourtieux et Philippe Ricard (à BruxellesArticle paru dans l'édition du 01.12.06.
LE MONDE
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