*** Sarkozy harcelé par le clan des chiraquiens.
Fascinée par Ségolène Royal depuis plusieurs mois, la presse internationale redécouvre les joies de l'équilibre politique en consacrant à Nicolas Sarkozy de longues analyses. Sans oublier Jacques Chirac, qui reste en embuscade.
** "Personne n'est plus dangereux que Jacques Chirac" à l'approche d'une élection décisive. Pour le quotidien madrilène El Mundo, "l'ombre machiavélique" de l'actuel président de la République planant sur les ambitions de Nicolas Sarkozy est, à droite, l'élément le plus marquant.
Le quotidien allemand Die Welt n'est pas loin de penser la même chose. "Nicolas Sarkozy, l'ex-fils spirituel de Jacques Chirac, est à plaindre. Car l'actuel président de la République ne perd aucune occasion de lui mettre des bâtons dans les roues. Cette attitude n'autorise d'ailleurs qu'une seule conclusion : Jacques Chirac a décidé d'empêcher à tout prix l'élection de son ministre de l'Intérieur. Quant aux raisons qui pourraient expliquer le comportement de Jacques Chirac, elles pourraient aussi venir de sa nature profonde : celle d'un homme qui n'a jamais hésité à trahir" pour parvenir à ses fins. Die Welt n'hésite pas à parler de véritable "tentation du suicide politique". Car, ajoute le quotidien berlinois, "l'issue logique" de ce 'charcutage'" fratricide organisé par le président sortant serait pour la droite "une débâcle analogue à celle qu'avait connue Lionel Jospin le 21 avril 2002".
L'hebdomadaire The Economist pointe lui aussi les écueils qui se dressent sur la route élyséenne de Nicolas Sarkozy. "D'abord, une droite divisée. Malgré la dureté du discours de Nicolas Sarkozy sur l'immigration, Jean-Marie Le Pen reste une menace. Dans le même temps, au centre de l'échiquier politique, François Bayrou pourrait rassembler sur son nom entre 8 % et 9 % des voix. Le second risque est une candidature de dernière minute suscitée par les chiraquiens. Même s'il semble improbable que Jacques Chirac, âgé de 74 ans, se lance lui-même dans la campagne, quelques-uns de ses lieutenants ont déjà fait savoir qu'ils ne voteraient pas pour la candidature de Nicolas Sarkozy le 14 janvier. Certains espèrent même qu'un espace politique s'ouvrira peut-être d'ici à la mi-mars, c'est-à-dire d'ici la date limite de dépôt des candidatures. Sinon, des esprits machiavéliques suggèrent que les chiraquiens préféreront aider Ségolène Royal plutôt que laisser le champ libre à Nicolas Sarkozy. Le troisième risque est Nicolas Sarkozy lui-même, qui pourrait faire peur y compris à ses propres électeurs. Car si les Français admirent Sarkozy, ils ne l'aiment pas vraiment et le trouvent un peu effrayant. C'est peut-être pour cette raison que le candidat à adouci son discours, passant d'une franche 'rupture' à une 'rupture tranquille' un peu vide de sens. Dernier écueil : Sarkozy est vu par les Français comme l'héritier des douze années controversées de présidence Chirac. Or, plus Nicolas Sarkozy reste au gouvernement, plus il sera difficile pour lui de se dissocier du bilan chiraquien qu'il critique ou d'une classe dirigeante dont les Français se méfient.
" La Tribune de Genève, elle, fait le compte des atouts du ministre-candidat. "Nicolas Sarkozy sait qu'il sera président. Sa volonté farouche, inébranlable, est son atout maître. Une seule question demeure : Quand ? En mai prochain ? En 2012, voire en 2017 (il n'aura alors que 62 ans) ? Sa soif de pouvoir rappelle le Chirac des années 1970. Comme le Corrézien, il a su construire un parti à sa botte, dévoué corps et âme, qui le plébiscitera dimanche 14 janvier avec un score quasi soviétique. Sa volonté est contagieuse. En deux ans, le chef de l'UMP a su 'retourner' de nombreux chiraquiens. De plus, Sarkozy maîtrise la télévision mieux que quiconque. Il sait faire passer ses convictions. Sur ce terrain, il a trois longueurs d'avance sur Ségolène Royal. Les sondages donnent un avantage à son adversaire socialiste ? Tant mieux : les Français n'aiment pas qu'on leur dicte le résultat de la présidentielle. Le pauvre Balladur en sait quelque chose.
" La bataille peut donc commencer, et il n'y a guère que la très sérieuse Frankfurter Allgemeine Zeitung pour regretter que l'Europe soit la victime de ce combat singulier. "On a l'impression que les deux principaux candidats voient l'électeur comme un grand malade à qui il ne faudrait surtout pas dire la vérité sur son état." Une impression renforcée par "la surenchère de promesses escamotant totalement le problème de leur financement" ultérieur. Quant à la question européenne, "le fait que le partenaire privilégié de la France [l'Allemagne] préside pour six mois l'Union européenne embarrasse les deux principaux candidats, qui se sentent par ailleurs obligés de courtiser les 55 % d'électeurs qui ont rejeté la Constitution européenne". Notamment, explique la FAZ, "en critiquant l'euro". Bref, la France ressemble, à cent jours du premier tour, "au pays des promesses illimitées" et intenables.
Anthony Bellanger
12 janv. 2007
Courrier International
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