vendredi, mai 04, 2007

*Demain, quelle France ?*


*** Berlin veut un président qui pèse en Europe

L’Allemagne vote pour Sarkozy le pragmatique, estime Martin Koopmann, spécialiste des relations franco-allemandes.

LE TEMPS : Quel candidat, de Ségolène Royal ou de Nicolas Sarkozy, a la préférence de l’Allemagne, présidente en charge de l’UE ?
MARTIN KOOPMANN : Evidemment, le SPD se réjouirait de l’élection d’une socialiste, mais le préféré du côté allemand reste Nicolas Sarkozy. Et pas uniquement en raison de la proximité politique entre le parti conservateur de la chancelière Angela Merkel et la droite française. Son approche pragmatique pour la ratification du Traité constitutionnel européen soulagerait la présidence allemande, alors que Ségolène Royal propose un nouveau référendum. La ratification d’un minitraité par le Parlement français permettrait à l’Europe de se donner plus sûrement les bases nécessaires à son approfondissement – même si cela n’inclut pas la Charte des droits fondamentaux, un élément important aux yeux des Allemands. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la relance de la ratification du Traité n’est pas qu’une affaire franco-allemande, mais qu’il s’agira de chercher des ouvertures avec la Grande-Bretagne, la Pologne ou la République tchèque. En matière de politique économique, lorsqu’il était ministre de l’Economie, Nicolas Sarkozy s’est montré assez interventionniste en faveur de l’économie française.
Effectivement, au point que le social-démocrate Wolfgang Clement, ministre de l’Economie de Gerhard Schröder, paraissait plus libéral que lui. Il y a l’exemple célèbre où le gouvernement français est intervenu pour favoriser le rachat du groupe pharmaceutique franco-allemand Aventis par son concurrent français Sanofi. Mais l’Allemagne connaît aussi quelques exemples d’interventionnisme économique, comme la loi qui favorise l’actionnariat allemand de Volkswagen. Cela dit, la coopération industrielle franco-allemande serait tout de même plus facile avec Nicolas Sarkozy qu’avec Ségolène Royal, plus tributaire de la gauche idéologique du PS français.

En cas d’élection de Ségolène Royal, y a-t-il des points sur lesquels la collaboration franco-allemande serait facilitée ?
Pour les dirigeants allemands, il est indispensable que le nouveau président français dispose très rapidement d’un poids certain et d’une autorité indiscutable au sein de l’UE. On s’est interrogé sur les thèmes que l’on pourrait proposer comme collaboration renforcée en cas d’élection de Ségolène Royal pour asseoir son autorité. On l’a vu, il y a trop de divergences en matière de politique économique ou institutionnelle. On a donc pensé, du côté allemand, à une approche par projets, et notamment autour de la politique de l’environnement ou de la protection du climat.

Que faudra-t-il harmoniser d’urgence entre France et Allemagne tout de suite après l’élection française ?
Il faut rapidement un débat entre les deux partenaires sur l’élargissement de l’Union européenne et les relations avec les voisins. D’abord, il est essentiel de reprendre le débat qui avait été lancé en 2000 par Joschka Fischer sur les raisons d’être de l’Europe, lors de son discours à l’université Humboldt. Cela avait permis un certain nombre de rapprochements, mais la discussion a été abandonnée. D’autre part, l’Allemagne a mis l’accent sur le rapprochement avec les pays de l’Est, alors que Nicolas Sarkozy a proposé une coopération renforcée avec le pourtour de la Méditerranée. Ces divergences sont normales tant que les partenaires montrent qu’ils ont la volonté et la capacité de les surmonter. Et ces choix devront se faire dès la seconde moitié de l’année, lorsqu’on débattra du financement du budget européen et des priorités pour la politique de voisinage.

Et l’attaque indirecte de Nicolas Sarkozy contre l’Allemagne, disant que la France n’a pas inventé la solution finale, elle ?
L’Allemagne l’a ignorée. On a mis cela sur le compte de la nervosité de la fin de campagne. Le gouvernement de Berlin a fait semblant de n’avoir rien entendu et c’était trop éloigné du public allemand.

Yves Petignat
Le Temps
Courrier International
3 mai 2007

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