samedi, mai 12, 2007

*Les critiques se multiplient contre l'euro fort*


*** L'arrivée au palais de l'Elysée de Nicolas Sarkozy, adversaire de l'euro fort, va-t-elle changer la donne monétaire en Europe ? La devise européenne, qui avait atteint un sommet historique face au billet vert à 1, 3682 dollar le 27 avril, s'est nettement affaiblie depuis quelques jours. Elle est descendue jeudi 10 mai à 1,3482 dollar.

Parallèlement, les langues se délient pour dénoncer les inconvénients d'un euro trop vigoureux. Jeudi, le coprésident exécutif allemand d'EADS, Thomas Enders, a laissé entendre qu'une nouvelle appréciation de l'euro pourrait nécessiter de nouvelles mesures de restructuration chez l'avionneur européen Airbus. "Il n'est un secret pour personne" que le programme "Power 8" est basé sur un euro à environ 1,35 dollar et, en cas de nouvelle appréciation de la monnaie unique vers 1,40 dollar, "il va falloir prendre des mesures supplémentaires", a-t-il précisé.

Bernard Arnault, le PDG de LVMH, a confié son espoir de voir l'élection de M. Sarkozy influer sur la politique monétaire européenne, alors que l'euro fort pénalise son groupe. "Je ne sais pas si on va réussir à faire en sorte que la Banque centrale européenne (BCE) devienne plus attentive à la force de l'euro et à la croissance de la France. Peut-être qu'avec la nouvelle donne politique cela aura une influence, je l'espère", a-t-il précisé lors de l'assemblée générale des actionnaires de LVMH. "On est la seule région du monde à ne pas utiliser la monnaie comme une arme économique", a-t-il enfin regretté.

Durant la campagne électorale, le candidat de l'UMP avait fustigé à de nombreuses reprises la politique d'euro fort. "Une monnaie trop chère, c'est un inconvénient, ce n'est pas un atout", avait-il ainsi lancé fin mars. Il avait promis, en cas de victoire à l'élection présidentielle, de "déclencher une offensive diplomatique" pour affaiblir l'euro. "Je demande qu'on puisse faire avec la monnaie unique ce que les Américains font avec le dollar, les Japonais avec le yen et les Chinois avec le yuan, a-t-il poursuivi. Est-ce trop demander que la BCE le fasse aussi en poussant l'euro à la baisse pour obtenir un cours de change plus raisonnable ?"

Plus récemment, M. Sarkozy s'est toutefois montré moins virulent, estimant notamment "vain de demander une réforme des statuts de la BCE que nous n'obtiendrons pas, parce que nous n'aurons jamais l'unanimité des pays européens sur ce point". Le président de l'institution monétaire, Jean-Claude Trichet, s'est félicité, jeudi, de ce changement de position du futur chef de l'Etat. "J'ai noté que les appels au changement de notre mandat ne sont plus une requête du nouveau président français", a-t-il déclaré lors de la conférence de presse qui s'est tenue, à Berlin, à l'issue du conseil des gouverneurs.

FAIRE PLIER LA BCE ?

M. Trichet a par ailleurs confirmé le scénario d'une hausse d'un quart de point du taux directeur de la BCE au mois de juin. Celui-ci passerait de 3,75 % à 4 %, avec pour conséquence de doper l'euro en le rendant plus rémunérateur.

M. Sarkozy tentera-t-il de faire plier M. Trichet pour empêcher un tel resserrement monétaire ? Les économistes n'y croient guère. Des tentatives de pression seraient mal accueillies par les Allemands, très attachés à l'indépendance de la Banque centrale.

Le nouveau président de la République pourrait en revanche tenter de convaincre ses partenaires européens de se déclarer ouvertement en faveur d'un euro plus faible, en laissant planer la menace d'interventions sur le marché des changes. Officiellement, la conduite de la politique de change n'est pas directement du ressort de la BCE, mais de celle des ministres des finances.

La position de M. Sarkozy hostile à l'euro fort ne paraît plus aussi isolée qu'il y a quelques semaines. Après être longtemps restés indifférents à la vigueur de la monnaie unique, des responsables européens commencent à s'inquiéter. "On a peur d'un euro qui serait trop fort" et des "incidences sur les exportations", a déclaré, mercredi, le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. "C'est certain, la devise européenne peut, si elle continue à grimper, affaiblir les exportations", a-t-il ajouté.

C'est déjà le cas en Allemagne, premier exportateur mondial. Selon les données publiées mardi, les exportations y ont reculé de 0,7 % au 1er trimestre 2007 par rapport au 4e trimestre 2006. Sur un an, elles n'ont progressé que de 8,1 %, contre des rythmes supérieurs à 10 % auparavant.

Pierre-Antoine Delhommais
Article paru dans l'édition du 12.05.07.
LE MONDE

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