vendredi, juin 01, 2007

* Solidarité centre-européenne *


*** Dans une Europe élargie qui a souvent du mal à concilier les intérêts de tous ses membres, la plupart des Etats ont choisi de développer leur coopération avec leurs voisins immédiats. Face aux risques de dilution dans une Union européenne à vingt-sept, la mode est aux regroupements régionaux. Nicolas Sarkozy vient de lancer l'idée d'une Union méditerranéenne destinée à associer l'Europe du Sud aux pays de l'autre rive. Au Nord, les Etats riverains de la Baltique font valoir leur différence. A l'Est, les anciens pays du bloc soviétique affichent aussi leur solidarité.

L'Initiative centre-européenne (Central European Initiative), une organisation créée en 1989, deux jours après la chute du mur de Berlin, pour aider au rapprochement des Etats libérés du communisme et favoriser leur transition vers la démocratie, rassemble aujourd'hui 18 pays, dont 9 appartiennent à l'Union. Basée à Trieste, l'un des hauts lieux de l'empire austro-hongrois, elle s'est donné pour tâche de faciliter l'entrée des Etats de cette zone dans l'UE et de renforcer, selon son directeur général, le diplomate autrichien Harold Kreid, leur "identité régionale".

Des experts venus de Varsovie, de Budapest, de Prague, de Bratislava ou d'ailleurs se sont rencontrés récemment à Zakopane, en Pologne, pour tenter de définir ce qui unit leurs pays face au reste de l'Europe et justifie qu'ils s'efforcent de peser ensemble sur la scène internationale. Les Etats d'Europe centrale ont en commun leur histoire récente, qui les a conduits à se détourner de l'espace de sécurité "euro-asiatique", naguère incarné par l'URSS, pour s'intégrer au système "euro-atlantique". La Serbie, l'Ukraine, la Roumanie ou la Bulgarie sont encore à mi-chemin. Mais la plupart sont passés d'une alliance à l'autre.

Cette situation a plusieurs conséquences. La première est que ces pays sont encore très sensibles à la menace russe. "Même si nous ne sommes plus menacés par la guerre, nous vivons toujours dans l'ombre de la géopolitique", a souligné un chercheur polonais, Olaf Osica. La pression de la Russie est ressentie plus vivement dans les pays limitrophes, comme l'Ukraine ou la Biélorussie, que dans les autres, mais elle est partout une source d'inquiétude. Une spécialiste hongroise, Réka Szemerkényi, a obtenu un franc succès lorsqu'elle a déploré la faiblesse des Européens dans leurs négociations avec Moscou sur l'énergie, dénoncant en même temps leurs illusions sur l'évolution de la Russie.

La seconde conséquence est l'établissement de liens étroits avec les Etats-Unis. "Nous sommes plus atlantistes qu'européens", constate le Polonais Marek Madej. "C'est à l'OTAN que nous devons notre sécurité, non à l'Europe", précise le Tchèque Michal Kojan. Seul Olaf Osica estime que le rôle de l'OTAN diminue au bénéfice de celui de l'UE. "Nous avons besoin d'un soutien militaire plus important que celui qu'on peut attendre de l'Europe", lui répond le Slovaque Daniel Smihula.

Solidement arrimés à l'Ouest, les Etats d'Europe centrale entendent jouer un rôle dans la politique mondiale. Leurs soldats sont présents en Afghanistan, en Irak, au Congo. Certains se demandent pourquoi. "Parce que nous sommes membres du club occidental, et qu'à ce titre nous devons participer à l'effort commun de sécurité", explique M. Smihula. "Au nom de la réciprocité", affirme M. Osica. "Notre engagement doit être considéré comme un investissement", ajoute M. Madej. Pour devenir des partenaires fiables, ces pays doivent également s'attaquer aux maux qui les menacent de l'intérieur. Plusieurs des intervenants ont mentionné la faiblesse de la démographie, mais aussi les risques d'instabilité politique, de déclin de la vie publique et d'atomisation de la société auxquels tous se trouvent exposés.

Thomas Ferenczi
Article paru dans l'édition du 01.06.07.

Le Monde