mardi, juillet 24, 2007

*La diplomatie familiale des Sarkozy*


*** En confiant à sa femme la tâche de participer au nom de l'Elysée aux négociations sur la libération des infirmières bulgares, Nicolas Sarkozy a inauguré un style diplomatique inédit, mais spectaculaire.

Lors de son premier voyage, Cécilia s'envolait pour la Libye en tant que "femme et mère" ; mieux, comme "émissaire" de l'Elysée et comme "symbole du souci humanitaire européen" (définition trouvée par le Premier ministre, François Fillon). Dix jours ont passé ; dimanche, la première dame de France est retournée à Tripoli en mission secrète (du moins pendant quelques heures), et son rôle officiel nous échappe encore.

Les opposants socialistes sont furieux et accusent le couple Sarkozy de semer la pagaille ; le Quai d'Orsay s'offusque d'avoir appris ce voyage par les journaux ; les négociateurs européens sont agacés parce que le mérite de la libération revient non pas à eux mais à Cécilia. Or la diplomatie parallèle de madame Sakozy ne s'intéresse qu'au résultat : arracher les infirmières et le médecin d'origine palestinienne à la prison où ils étaient enfermés depuis huit ans.

Ce sera son triomphe médiatique et celui de la blonde Aïcha, une des filles du colonel Kadhafi, qu'elle s'est choisie comme interlocutrice. Comme elle, Aïcha, intrigante et impertinente, supporte mal les liens familiaux mais ne dédaigne pas d'apparaître sur le devant de la scène. Cette jeune femme de 25 ans, qui partage sa vie à Paris entre les études et la vie nocturne et préside en Libye une fondation humanitaire, est le partenaire idéal dans l'opération mise au point par le couple élyséen.

Nicolas Sarkozy a pris la situation en main en téléphonant à Kadhafi et en faisant miroiter l'éventualité de sa venue à Tripoli pour le mercredi 25 juillet. Les Libyens voudraient la pleine normalisation des relations avec les vingt-sept pays de l'Union européenne, afin de finir de parcourir le chemin qui a mené Tripoli du statut d'Etat voyou à celui de siège d'une nouvelle ambassade américaine.

Le soir du 6 mai, dans son premier discours en tant que président de la République élu, Nicolas Sarkozy avait cité parmi ses priorités la libération des infirmières. Depuis lors, il s'est placé au centre d'une affaire qui avait vu divers intervenants, en particulier la Grande-Bretagne (Tony Blair avait fait en mai une visite à Tripoli), le ministre des Affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier et la commissaire européenne pour les Affaires extérieures Benita Ferrero-Waldner, qui a d'ailleurs rejoint lundi Cécilia Sarkozy à Tripoli. L'Elysée s'est exposé : il a risqué d'assumer seul la responsabilité de l'échec. Un risque qu'il valait la peine de courir, pour voir Cécilia ramener les infirmières à Sofia dans l'avion présidentiel aux couleurs de la France.

Stefano Montefiori
Corriere della Sera
Courrier International
24 juil. 2007

*Photo : Le couple Sarkozy
AFP