lundi, août 20, 2007

*Les coûts européens de la main-d’œuvre élevés en ligne de mire...*

*** Le paysage économique européen se caractérise notamment par des coûts de la main-d’œuvre élevés. Des salaires, des vacances et des congés de maladie généreux, plus une couverture sociale importante, voilà de quoi faire rêver de l’extérieur. Mais avec la mondialisation, les coûts de la main-d’œuvre en Europe continentale sont dans la ligne de mire, et l’Allemagne, en partie en se montrant coopérative, est devenue chef de file régional en matière de croissance.
Les différences de coûts de la main-d’œuvre sont importantes. D’après Eurostat, bureau de la statistique de l’UE, en 2006, ces coûts étaient plus élevés en France, en Allemagne et en Italie qu’aux É.-U. de 60 %, 50 % et environ 20 %, respectivement. Ce ne serait pas un problème si la croissance de la productivité européenne était toujours supérieure à celle des É.-U., mais ce n’est pas le cas. En outre, à en croire les données du Forum économique mondial, les dirigeants d’entreprise européens donnent des notes assez basses à leurs pays sur le lien entre paie et productivité. Donc, le fossé actuel entre les salaires laisse supposer qu’il y a un problème.

L’Allemagne a senti le vent tourner il y a des années. Obligée, depuis 1989, de livrer plus ouvertement concurrence à la main-d’œuvre meilleur marché à ses frontières orientales et, plus récemment, à l’Asie, les entreprises et les travailleurs allemands se sont entendus pour freiner, avec succès, la croissance salariale, qui a été ramenée, en moyenne, à moins de 2 % par an ces six dernières années. En fait, si l’on tient compte de l’augmentation du coût de la vie, les salaires réels allemands diminuent constamment depuis 2004.

Le gouvernement y a aussi mis du sien en procédant à une réforme du marché du travail en quatre temps proposée par la Commission Hartz. Celle-ci, qui réunissait des politiciens, des chefs d’entreprise, des syndicats, des corporations et des scientifiques, visait à repérer et à changer les politiques de l’emploi trop restrictives. Ajouté aux restrictions salariales, cela a donné des résultats spectaculaires. Le coût unitaire de la main-d’œuvre – ou montant payé par les entreprises en rémunération de chaque unité de production et indicateur clé de la compétitivité – a diminué de 2 % depuis 2000, ce qui classe l’Allemagne au deuxième rang derrière le Japon en ce qui concerne la maîtrise du coût de la main-d’œuvre.

La France et l’Italie sont loin de faire aussi bien. Des déclarations de politique plus cocardières et des menaces d’abandon de la monnaie commune ont pris le pas sur de vraies mesures destinées à atténuer les pressions concurrentielles. Donc, depuis 2000, le coût unitaire de la main-d’œuvre a augmenté de 13 % en France et de 20 % en Italie, ce qui est nettement supérieur à son augmentation aux É.-U. et à la moyenne de la zone euro. Le coût pour l’économie? Depuis 2001, la croissance réelle des exportations françaises et italiennes est en moyenne de 3,5 % par an, soit moins de la moitié de la moyenne allemande de 8,2 %. Et le chômage recule deux fois plus vite en Allemagne depuis trois ans.

Cependant, la maîtrise des coûts s’essouffle peut-être en Allemagne, victime de son propre succès rapide. Des marchés du travail plus serrés donnent plus de poids aux syndicats, qui en jouent – en 2007, les parties se sont entendues sur des hausses de 3 % à 4 %, et les revendications salariales vont jusqu’à 5,5 %. Des offres de 3 % sont rejetées, et les menaces de grèves redeviennent réelles. Une pause dans les progrès pourrait être risquée, car malgré des années de retenue, le coût relatif de la main-d’œuvre allemande reste élevé. Il reste donc encore beaucoup à faire.

Conclusion? L’Allemagne a démontré que, face à une concurrence intense, il est possible de vraiment s’attaquer aux coûts élevés de la main-d’œuvre en Europe et d’en retirer des avantages immédiats importants. Toutefois, malgré son succès, l’Allemagne montre aussi combien il est facile de retomber dans de vieux travers. Et ce sont là deux leçons fort utiles pour toutes les économies développées.

Peter G. Hall
Vice-président et économiste en chef adjoint
Exportation et développement Canada (EDC)
15 août 2007