jeudi, août 16, 2007

*"Choisir le statu quo serait plus raisonnable"...*


*** Philippe Brossard, directeur de la recherche d'Euler Hermes SFAC :

Vous êtes directeur de la recherche d'Euler Hermes SFA. Compte tenu du contexte actuel, la Banque centrale européenne (BCE) doit-elle remonter ses taux d'intérêt en septembre prochain comme elle l'a laissé entendre ?

Ce n'est pas le moment opportun. Augmenter d'un point les taux directeurs se traduit par une baisse de 0,4 point de croissance du produit intérieur brut (PIB), soit 0,1 point pour une hausse des taux d'un quart de point. Or, nous venons d'apprendre que la croissance dans la zone euro au deuxième trimestre (+0,3 %) était inférieure de moitié aux prévisions. Opter pour le statu quo, c'est-à-dire maintenir les taux directeurs à 4 %, serait donc plus raisonnable.

En outre, remonter les taux en Europe provoquerait une appréciation de la monnaie unique. En France cela aurait des conséquences aggravantes pour le commerce extérieur pénalisé par l'euro très fort. Le déficit commercial a déjà "coûté" 0,3 point à la croissance française au deuxième trimestre.

Si la BCE communique rapidement et habilement, renoncer à la hausse des taux prévue ne devrait pas non plus choquer les marchés financiers. Ils le seraient davantage si elle prenait le risque de les relever.

Depuis le début des turbulences financières, la BCE fait en effet figure de "pompier pyromane". Le 3 août, son communiqué laissant entendre un resserrement de l'accès au crédit a été l'un des catalyseurs de la crise financière.

Et la banque centrale a dû injecter plus de 200 milliards d'euros dans le circuit monétaire pour calmer les tensions qu'elle avait elle-même contribué à créer. Elle a ainsi permis aux agents d'emprunter des liquidités à un taux de 4 %, ce qui était une bonne mesure pragmatique.

Augmenter maintenant le coût du crédit à 4,25 % serait donc très étrange. Cela reviendrait à reprendre de la main droite ce qu'elle a donné aux marchés de la main gauche.

La logique serait donc de ne rien faire, d'autant que la BCE n'a pas de raison valable pour justifier une nouvelle hausse des taux. Son objectif est de lutter contre l'inflation. Et, aujourd'hui, la hausse des prix dans la zone euro est sous le seuil critique des 2 %.

Le taux d'intérêt actuel de 4 % correspond à la neutralité monétaire. Contrairement à ce que déclare le comité de la BCE, nous ne sommes pas dans une "politique monétaire accommodante", mais bien dans la neutralité.

Propos recueillis par Claire Gatinois

LE MONDE.

16.08.07

*Photo :AP/Katsumi Kasahara
Un affichage des cours de la Bourse à Tokyo, le 13 août 2007.