vendredi, août 10, 2007

***Washington impose des visas aux Européens***


*** La Commission de Bruxelles cherche la parade après la décision américaine d'imposer une autorisation de voyage électronique.

LA DERNIÈRE loi antiterroriste, adoptée le 3 août par le Congrès américain, préoccupe la Commission européenne. Cette législation, dont les modalités d'application restent à définir par l'administration, reviendrait à imposer des visas aux voyageurs européens qui, jusqu'ici, en étaient exemptés. Quinze États membres de l'UE sont concernés, dont la France. La nouvelle législation obligerait notamment les hommes d'affaires à fournir aux autorités américaines, via un formulaire électronique, le planning détaillé de leur voyage, quarante-huit heures avant leur départ. Leur demande pourra être acceptée ou refusée, un aléa critiqué par leurs puissants relais à Bruxelles. « Cela va créer une perte de temps pour les hommes d'affaires et perturber la vie des entreprises », regrette le lobby Business Europe.

Saisie du dossier, la Commission européenne espère pouvoir infléchir la position américaine dans les détails d'application de la loi. « Nous devons vérifier si cette loi est compatible avec notre directive sur la protection des données personnelles, et si elle respecte l'égalité de traitement entre les États membres », dit un responsable européen. Une réunion d'experts américains et européens de la sécurité s'est déjà tenue cette semaine, à Bruxelles.

Le parcours des kamikazes

Face à la détermination américaine, la Commission a prévenu Washington qu'elle était en droit d'imposer aux Américains un système de contrôle équivalent. L'application du principe de réciprocité aux visas serait une première dans l'histoire des relations transatlantiques. Les Américains voyagent sans visa dans toute l'Europe de l'Ouest depuis plus d'un demi-siècle.

Prête au bras de fer, la Commission prépare un rapport sur les conséquences de la nouvelle loi américaine et sur les mesures de réciprocité envisageables, pour la réunion des ministres de l'Intérieur programmée le 18 septembre.

Chaque année plus restrictive, la législation antiterroriste américaine va changer les habitudes de voyage de la Vieille Europe. Les citoyens des Quinze seront soumis de facto à un système de visa, comme les nouveaux États membres de l'UE. « Nous exigeons une égalité de traitement entre anciens et nouveaux États membres en matière de visa, mais nous espérions la suppression des visas pour tout le monde, pas l'inverse ! », rappelle-t-on à la Commission.

Face aux exigences sécuritaires américaines, les arguments de Bruxelles n'ont guère de poids. Les États-Unis gardent en mémoire le parcours des kamikazes du 11 septembre 2001, tous passés par l'Europe, et pour nombre d'entre eux, sans visa. La loi votée début août par le Congrès introduit un « système électronique d'autorisation de voyage » (ETA) pour tous les citoyens non Américains. Il s'agit en fait d'un visa électronique, comme il en existe aujourd'hui en Australie. Plus rapide qu'un visa classique, mais tout aussi sécurisé, l'ETA s'adressera aux hommes d'affaires comme aux touristes. Si le voyage est refusé par voie électronique, l'intéressé sera renvoyé vers le consulat des États-Unis, sans être sûr de pouvoir partir.

Hier, le groupe libéral au Parlement européen a critiqué cette mesure qui vise à « réintroduire par la fenêtre » un visa pour Européens. « Outre les inconvénients pour le monde des affaires et les voyageurs de dernières minutes, ce système soulève une fois de plus la question de la sauvegarde des données personnelles », dénonce la députée Sarah Ludford. « Des millions d'Européens seront, une fois de plus, contraints de livrer des informations personnelles sans garanties sur le respect de leur vie privée : nous entrons dans un système de surveillance affolant, auquel les ministres de l'Intérieur semblent totalement indifférents », déplore-t-elle.
De notre correspondante à Bruxelles ALEXANDRINE BOUILHET.
Publié le 10 août 2007
Le Figaro

*Photo :Un passeport biométrique conçu à l'imprimerie nationale.
Huguen/AFP.