vendredi, août 10, 2007

*La crise des marchés force la BCE à intervenir...*

Toutes les places européennes ont ouvert en forte baisse vendredi matin, dans le sillage de Wall Street et des places financières asiatiques. Hier, la Banque centrale européenne a injecté près de 95 milliards en urgence pour éviter une crise de liquidité. Davantage que le 11 septembre 2001.

La Bourse de Paris a ouvert en baisse de 1,9 % à 5,522 points vendredi matin, après la chute des indices américains, dans un marché traumatisé par la brutale aggravation de la crise jeudi. Les autres places européennes accusent elles aussi toutes de fortes baisses, Londres cédant 1,77% et Francfort 1,9%. Un peu plus tôt, toutes les places asiatiques ont clôturé en forte baisse, Hong Kong écourtant même sa séance.

PRIS DE panique, les marchés financiers ont connu hier une journée noire. À l'origine de la tempête, encore et toujours les « subprime ». Ces fameux prêts immobiliers accordés aux ménages américains les moins solvables étaient inconnus du grand public il y a quelques semaines. Aujourd'hui, on les découvre partout, logés jusque dans les sicav les moins risquées.

Alors que depuis plusieurs semaines les marchés bruissent de rumeurs selon lesquelles une grande banque allemande serait en grave difficulté, c'est de France qu'est venue la mauvaise surprise. Dès l'ouverture des Bourses, la première banque hexagonale BNP Paribas a annoncé qu'elle gelait trois de ses fonds sous gestion, investis en partie en « subprime ». Les investisseurs ont craint que l'ensemble du système bancaire européen ne soit contaminé. Dans la foulée, la banque allemande WestLB était obligée de démentir les rumeurs concernant sa forte exposition (17 milliards de dollars) sur ce segment à risque. Sans convaincre.


La panique a alors gagné le marché monétaire. Dès 10 heures, les banques ont suspendu net leurs opérations de refinancement, refusant plus particulièrement de prêter aux autres établissements financiers par crainte d'une propagation de la crise. Conséquence, le taux interbancaire - le taux auquel les banques se prêtent de l'argent au jour le jour - s'est brutalement envolé passant en quelques minutes de 4,10 % à plus de 4,70 %. Un mouvement d'une ampleur exceptionnelle qui a propulsé le loyer de l'argent à son plus haut niveau depuis six ans en... quelques minutes.

Bush s'en mêle

« C'était de la folie, plus personne ne voulait coter ou offrir des prix, même les grandes banques s'étaient retirées », témoigne un trader. Ce mouvement a conduit la Banque centrale européenne (BCE) à intervenir dans l'urgence vers 10 h 30. « Il y a des tensions sur le marché monétaire européen et nous nous tenons prêts à assurer les conditions de fonctionnement normal du marché », a-t-elle indiqué aux opérateurs financiers.

Une déclaration qui n'a pas suffi à apaiser les esprits. En fin de matinée, la BCE est donc passée à l'action, indiquant qu'elle se tenait prête à assurer 100 % des demandes de prêts que lui adresseraient les établissements bancaires. Quarante-neuf banques ont demandé des fonds, conduisant la BCE à injecter 94,84 milliards dans le circuit. La soudaineté de cette intervention et surtout son montant astronomique - qui dépasse de près de 30 milliards les liquidités injectées au lendemain des attentats du 11 septembre et représente plus de dix fois les montants mis en jeu lors des opérations normales - témoigne de la gravité de la crise. De l'autre côté de l'Atlantique, la Fed est également intervenue, injectant plus du double des fonds habituels tout comme la banque du Canada. « Les banques centrales nous disent que tout va bien, mais ce qu'elles font prouve qu'elles sont vraiment inquiètes », résume un gérant.

Fait inhabituel, la gravité de la situation a même poussé George W. Bush à réagir à chaud. Le président américain a indiqué prêter une « grande attention à l'évolution des marchés qui sont en train de réévaluer leurs niveaux de risques ». Pour autant, il s'est déclaré « pas inquiet : il y avait assez de liquidités sur le marché pour permettre un ajustement en douceur ».

Loin de rassurer les opérateurs, ces tensions sur le marché du crédit ont provoqué un affolement général sur les grandes places boursières. À New York, Wall Street perdait 1,75 % dès le début des échanges, tandis qu'en Europe les principaux indices - CAC 40, Dax et Footsie - reculaient tous de 2 % entraînés dans le rouge par les valeurs financières. Dans la panique, les investisseurs ont vendu massivement les actions des grandes banques, exposées ou non aux « subprime ». Les propos rassurants tenus par de nombreux établissements sonnent plutôt faux. Le marché estime à plus de 300 milliards de dollars l'exposition des banques aux « subprime », alors que 3 milliards de dollars seulement ont pour le moment été identifiés. La crise n'est donc pas prête de s'arrêter. Sur les marchés, chacun cherche désormais à savoir si son voisin est ou non infecté.

ANNE-LAURE JULIEN et CYRILLE LACHÈVRE.
Publié le 10 août 2007
Le Figaro