dimanche, avril 20, 2008

***La cacophonie en Europe sur le niveau de l'euro ne faiblit pas...***


***Le cours de l'euro va-t-il franchir le seuil de 1,60 dollar ? La question a taraudé les marchés de change à la fin de la semaine. Mais après avoir atteint, jeudi 17 avril, un nouveau sommet historique à 1,5984, la monnaie européenne a terminé la semaine autour de 1,5750 dollar. La devise américaine s'est nettement reprise vendredi en fin de journée, bénéficiant de l'annonce par Citigroup de résultats trimestriels moins mauvais qu'attendu.

Le seuil de 1,60 dollar a une valeur plus que symbolique. Il est considéré par beaucoup d'analystes comme le niveau à partir duquel les banques centrales seront contraintes, d'une façon ou d'une autre, d'intervenir pour empêcher que la baisse de la devise américaine ne devienne encore plus pénalisante pour la compétitivité et la croissance de la zone euro, créant ainsi à l'égard du billet vert une spirale de défiance qui mettrait en péril le financement de l'économie américaine.

La difficulté, c'est qu'il n'existe pas vraiment de consensus en Europe sur le niveau à partir duquel les parités de change deviennent intolérables. Un exemple en a encore été donné par Axel Weber, président de la Bundesbank et, à ce titre, membre du Comité de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Dans un entretien accordé au magazine Euro qui doit paraître le 23 avril, il affirme que la flambée des prix à la consommation pourrait nécessiter une hausse des taux en Europe. Il estime aussi que l'euro fort offre le grand avantage de freiner l'inflation des produits importés.

L'inflation dans la zone euro pourrait atteindre en moyenne 3 % cette année, voire plus, selon les prévisions de la Bundesbank, alors que l'objectif de la BCE est inférieur à 2 %. Le président de la Bundesbank a prévenu : "Si des risques supplémentaires sur les prix ou si des effets de second tour (contagion des effets inflationnistes par la hausse des salaires) apparaissaient, nous devrions les contrer de façon déterminée."

RÉCESSION AUX ETATS-UNIS

Des déclarations qui ne peuvent que renforcer la devise européenne quand, dans le même temps, il n'y a plus aucun doute sur le fait que la Réserve fédérale américaine (Fed) continuera à la fin du mois à baisser ses taux. Elle a déjà ramené en huit mois de 5,25 % à 2,25 % le loyer de l'argent au jour le jour, tandis qu'il est resté à 4 % dans la zone euro. Aux Etats-Unis, le recul, annoncé jeudi, de l'indice mesurant l'activité industrielle de la région de Philadelphie (Pennsylvanie), de - 24,9 points en avril, alors que les analystes tablaient sur - 15 points, signifie que la récession est devenue une réalité. Un indice négatif montre une contraction de l'activité.

"Le différentiel de rendement entre les deux monnaies, déjà en faveur de l'euro, risque de se creuser, ce qui pourrait pousser la monnaie européenne à tester le seuil de 1,60 dollar", prévient Boris Schlossberg, stratège chez DailyFx.com.

En Europe, économistes et politiques sont pourtant nombreux à craindre tout autant les effets négatifs d'un euro fort sur la croissance que les menaces inflationnistes. Le président de l'Eurogroupe, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a contribué jeudi à éviter que le dollar atteigne le seuil de 1,60 dollar pour 1 euro en estimant que les marchés financiers n'avaient "pas correctement et entièrement compris" le message du G7 Finances réuni vendredi 11 avril à Washington. Pour lui, la hausse continue de la devise européenne est "indésirable". Les analystes de la Commerzbank avaient alors écrit : "Le marché prend conscience que des responsables politiques et économiques pourraient finalement ne pas exclure une intervention (sur les marchés de change)."

Le milliardaire et financier George Soros a aussi mis en garde jeudi, lors d'une conférence organisée par le Centre for European Policy Studies à Bruxelles, contre les risques de vouloir remplacer comme monnaie de réserve mondiale le dollar par l'euro. "Je ne crois pas du tout que l'euro soit une alternative attrayante. Quant à un système avec deux grandes devises de réserve, il ne serait pas stable", a-t-il déclaré. "Je pense, a-t-il ajouté, que le dollar va finalement redevenir incontestable comme monnaie de réserve, mais les Etats-Unis devront pour cela respecter les règles que le consensus de Washington a imposées à tous, sauf à eux" en matière de déficit extérieur.

Eric Leser

LE MONDE
19.04.08

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