dimanche, février 01, 2009

*Paris s'inquiète de la fragilité de la zone euro...*


***L'Europe est sans capitaine, alors que la crise financière est loin d'être achevée et menace la cohésion de la zone euro. C'est le diagnostic de Nicolas Sarkozy, qui veut organiser une réunion exceptionnelle des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro courant février, sans attendre le Conseil européen des 19 et 20 mars. Objectif : afficher la solidarité de l'union monétaire et s'engager à un minimum de rigueur budgétaire pour dissuader les marchés financiers d'attaquer les Etats les plus faibles, comme ils l'ont fait à l'automne avec l'Islande et la Hongrie.

Un mois après la fin de sa présidence, le chef de l'Etat juge que l'Union européenne (UE) est devenue invisible. La présidence tchèque est jugée passive, tout comme la Commission européenne, qui pourrait faire preuve de plus d'imagination. Son président, José Manuel Barroso, est accusé de ménager les Etats, pour s'assurer d'un second mandat. M. Sarkozy est ressorti très préoccupé de sa conversation téléphonique avec Barack Obama, lundi 26 janvier. Le lendemain, devant les leaders de la droite, il a expliqué que la crise bancaire américaine en était plus à ses débuts qu'à sa fin. Il a fait part de ses inquiétudes sur la vulnérabilité des pays les plus faibles de la zone euro, citant explicitement la Grèce.

Après les banques, ce sont les Etats qui sont victimes de la défiance des marchés financiers. Les agences de notation ont dégradé la note de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce. Pour s'endetter à dix ans, l'Etat grec doit verser un intérêt de 5,8 %, l'Irlande, 5,5 %, contre 3,8 % pour la France et 3,3 % pour l'Allemagne. Des écarts jamais vus depuis la création de l'euro. Les taux d'intérêt s'étaient alors alignés sur ceux du pays le plus vertueux, l'Allemagne.

La Grèce ne connaît pas de crise de liquidité puisqu'elle vient de lever 5,5 milliards d'euros et est loin de subir le sort de la Hongrie, qui doit verser un intérêt à dix ans de 9,5 %. Les Allemands et les spécialistes financiers s'exaspèrent à l'idée que Nicolas Sarkozy puisse évoquer le sujet à froid et à haute voix, ce qui risque d'alimenter la spéculation. "Il ne faut pas créer des prophéties autoréalisatrices", s'afflige un diplomate.

M. Sarkozy, qui devrait s'exprimer à la télévision jeudi, souhaiterait élaborer une doctrine ou un mode d'emploi en cas de crise, pour ne pas être pris au dépourvu. Il a le souvenir douloureux du sauvetage hongrois, réalisé en catastrophe sous l'égide du FMI, et veut s'assurer que les Européens resteront maître chez eux. "Imaginez l'air goguenard du représentant américain du FMI, ricanant sur l'euro et expliquant que si les Etats-Unis avaient un problème en Californie, ils le régleraient eux-mêmes", explique un haut responsable français. "L'intervention du FMI pourrait être interprétée comme le premier pas vers l'éclatement de la zone euro".

Pour s'affranchir du FMI, deux solutions se présentent. Soit on laisse l'Etat en question se redresser lui-même, en lui imposant un plan de rigueur draconien. C'est la thèse allemande, adepte du "aide-toi, le ciel t'aidera" "C'est le marché qui forcera les Etats à être plus raisonnables. C'est la juste peine", explique un spécialiste.

Soit l'on est contraint d'organiser un sauvetage entre Européens, ce qui pose de graves problèmes juridiques et politiques. L'article 101 du traité de Maastricht interdit explicitement que les banques centrales se renflouent les unes les autres et volent au secours des Etats. Cette exigence avait été formulée par l'Allemagne qui ne voulait pas financer les pays dits du Club Med (Italie, Espagne, Portugal, Grèce), accusés d'être incapables de maîtriser leurs finances publiques, et résumée par l'ancien ministre-président de Bavière Edmund Stoiber : "Une Union européenne faite de transferts financiers est aussi probable qu'une famine en Bavière". Aborder ce sujet en pleine campagne électorale allemande est jugé plus que maladroit. Toutefois, précise un ministre français, "si on s'en tient à la lettre des traités, on va dans le mur".

Le président de la République est en contact avec le président de la banque centrale européenne Jean-Claude Trichet qui a déclaré qu'il ne croyait pas à un éclatement de la zone euro. Interrogée, la BCE indique qu'elle travaille "exclusivement dans le cadre des traités". L'expérience a montré que les Européens savaient faire preuve d'imagination. L'hypothèse d'une agence européenne chargée d'émettre des emprunts d'Etat, ce qui mutualiserait les risques et réduirait le coup du crédit pour les Etats les plus faibles, est une hypothèse parmi d'autres. Elle est rejetée par les Allemands. Or, M. Sarkozy veut parvenir à un accord préalable avec la chancelière allemande Angela Merkel, qu'il rencontrera à Munich samedi 7 février. La réunion de la zone euro pourrait se tenir à Berlin autour du 22 février, quand Mme Merkel réunira les dirigeants européens conviés à la réunion du G20 de Londres du 2 avril, censée refonder le capitalisme mondial. Le britannique Gordon Brown serait dans les parages, ce qui permettrait de le convier discrètement alors qu'il ne fait pas partie de la zone euro. La tenue d'une réunion à Berlin permettrait de ménager Mme Merkel qui craint les ambitions de M. Sarkozy et a affiché ses réticences sur les réunions de l'Eurogroupe, susceptibles d'exclure les autres pays européens.

Arnaud Leparmentier
Le Monde
01.02.09.

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