dimanche, décembre 20, 2009

*2000-2010 : Le lecteur 2.0 devient surinformé...*


***2000-2010,

Le lecteur 2.0 devient surinformé, infidèle et bavard
Participant et échangeant sur tous les supports média, connecté en permanence à des sources multiples, c'est le nouveau profil de l'individu en 2010. Exit le papier, bonjour le haut débit et le téléphone portable.

En 10 ans, les habitudes et consommations des lecteurs avides d'information ont bien changé. Haut débit et le téléphone portable y ont grandement participé. Et, forcément, l'internaute a accès à une masse énorme d'information, à laquelle il est connecté tout le temps. Le lancement en 2007 de l'iPhone, permettant accès à internet en toute circonstances, puis à l'Iphone 3GS en 2009 qui permet, en plus, de ne pas attendre. C'est l'invasion. Plus de 25 millions d'iPhone vendus dans le monde à l'heure actuelle, 600.000 en France, 20 millions de Blackeberry.

Le lecteur se construit "son" journal, présenté en "kit"

L'offre d'information est d'ailleurs pléthorique, avec les sites d'information gratuits sur internet qui apparaissent à la fin des années 1990 et prennent leur envol au début des années 2000 ; c'est aussi l'accès à 14 chaînes de télévision gratuites lancées en 2005 avec la TNT, les chaînes d'information en continu i-Télé ou BFM tv ; puis dans la foulée, journaux gratuits – Métro et 20 minutes lancés en 2002…
Face à cette masse énorme d'information à laquelle il a accès, l'internaute trie, sélectionne ce qu'il veut.
C'est ce qu'explique Jean-Marie Colombani directeur du Monde en 2005 : "Dans le Net, c’est l’internaute qui construit son usage, ce sont les lecteurs du Net qui construisent leur média. (…) Le journal devient une plate-forme de sélection de l’information qui va circuler dans différents supports". Alors qu'avant le lecteur recevait un "package" avec le journal papier, il doit aujourd'hui se construire "son" journal, comme un "kit à monter soi-même".
Car l'internaute est unique maître de sa navigation et décide seul de la succession de pages et de liens qui font son parcours sur la toile. Chacun n'attrape que des bribes de l'information pour se bâtir un récit cohérent. "Il y a en même temps ressassement - la même information saisie sur plusieurs chaînes-, hétérogénéité - des bribes d’information diverses non coordonnées-, ruptures - passage d’un thème à un autre- , télescopages -mise ensemble, parce qu’ils sont consommés successivement, d’événements sans lien entre eux", explique Marc Lits, de l'Observatoire du récit médiatique.

Le lecteur ne lit plus les pages, il les scanne

Trajectoire du mouvement des yeux sur la page d'accueil d'un site d'information (DR) La manière de lire l'information est, elle aussi, nouvelle : sur internet, l'audience vole d'une interface à l'autre, au gré des tentations d'une image, d'un titre ou d'une citation. Le lecteur scanne les pages. L'étude Eyetrack, menée à San Fransico en 2004, montre que l'œil de l'internaute fait des ronds sur la page d'accueil d'un site, en se déplaçant comme s'ils suivaient le dessin d'une spirale. Qu'il s'en tient aux premiers mots dans un titre, et scanne une partie du texte au lieu de déchiffrer réellement chaque mot.
Toujours dans l'urgence, le lecteur multiplie les sources, croise les informations, arbitre son temps. Forcément, la traditionnelle fidélité que pouvait avoir l'individu avec son journal ou à sa radio, disparait sur internet. L'internaute n'hésite pas à consommer plusieurs supports.
Une versatilité bien traduite par les chiffres d'audience : le lecteur en ligne passe ainsi 15 minutes par mois sur Le Monde.fr, 13 minutes pour LeFigaro.fr, 11 minutes sur 20minutes.fr ou Libération.fr, indique l'institut Nielsen Médiamétrie. Un bémol cependant pour l'équipe, avec 38 minutes mensuelles.

Le lecteur devient "citoyen reporter"

Autre révolution de ces dix dernières années, le lecteur, surinformé, devient également une source d'information et peut désormais prendre la parole. Les médias ne font plus en effet l'information seuls, ils doivent en partager la formation avec " la communauté des internautes" . Exemples magistraux du web participatif, dit web 2.0, avec le réputé Wikipedia créé en 2001, dit "encyclopédie gratuite que n'importe qui peut éditer", qui dans sa 4e année compte près de deux millions et demi d'entrées rédigés dans une centaine de langues. Et la bagatelle de 80 millions de visites quotidiennes ; autre exemple encore, avec le site OhMynews, créé en 2001, site sur lequel les "citoyens reporters" fournissent les 4/5 du contenu. "Chaque citoyen est un reporter", slogande son inventeur, partant du principe que "les journalistes ne forment pas une race exotique, chaque personne qui a une information à raconter et souhaite la partager avec d'autres en est un". Le lecteur devient de plus en plus compétent dans la recherche d’information, comme dans son traitement et sa restitution ; compétences autrefois l'apanage du journaliste. La communauté des internautes s'affirme.

Blogs, journalisme citoyen, le lecteur devient bavard

Plusieurs évènements d'envergure planétaire, comme le tsunami de 2004 en Asie du Sud est ou la tornade Katrina en 2005, permettent à chaque citoyen de se sentir pourvoyeur d'information à part entière. En effet, lors de ces évènements climatiques, les journaux n'ont pas eu le temps d'envoyer sur place des correspondants. Par contre sur place, habitants, témoins prennent des photos et filment. Bien souvent, ces images prises par des vidéastes amateurs seront utilisées par les médias pour retranscrire les évènements. Et seront d'autant plus regardées qu'une partie du public a le sentiment qu’elles dépeignent mieux la réalité que les journaux télévisés, trop partiaux ou trop aseptisés.
Le journalisme participatif explose, à son apogée avec la naissance de la blogosphère. Chacun peut publier son information, rendre publique son opinion. Au printemps 2006, le nombre de blogs dépasse les 60 millions.
Autre fait marquant en 2005-2006, la vidéo en ligne qui s'impose grâce à l'accès élargi à la haute vitesse et le partage rendu facile par Youtube. Ce site de partage de vidéos s'installe d'ailleurs, avec MySpace, au premier rang du trafic de sites communautaires. Dans la foulée, émergent les réseaux de socialisation, Facebook et Twitter. Avec respectivement 350 millions d'inscrits en novembre et 40 millions de visite par mois, ces sites d'échanges et de partage confortent l'installation d'une communauté d'internautes, qui réagit et fournit des informations. Ainsi, lorsqu'un avion se pose dans l'Hudson River à 15h28, Twitter dégaine plus vite que CNN : un témoin capture la scène à l'aide de son portable, la met en ligne et une heure après, les récits sont partout.

Exit les journalistes ?

Le Time magazine consacre les internautes "person of the year" en 2006 (DR) Internet permet ainsi à chacun de s'autopublier et de lancer ses informations. Pour le chercheur Yannick Estienne dans Le journalisme après internet, un double mouvement s'instaure : "la professionnalisation du lectorat et la déprofessionnalisation des journalistes". En effet, le lecteur devient de plus en plus compétent dans la recherche d’information, comme dans son traitement et sa restitution, "des compétences qui relèvent traditionnellement du travail des professionnels de l’information : recouper, vérifier, creuser les informations diffusées par la presse ou par d’autres sources d’informations".

En 2006, consécration suprême, le Time Magazine consacre les internautes "personnalité de l'année". Via les blogs, les web 2.0, Youtube, Wikipedia, ils sont présentés comme générant du contenu sur internet.

En effet, ce n’est plus seulement le média qui décide aujourd’hui de ce qui est légitimement regardable mais la communauté des internautes auprès desquels les médias ne sont que des pourvoyeurs d’infos occasionnels.
Le journalisme est-il en danger, à la fin de cette décennie ? Pas si sûr. Ainsi les blogs, qui un moment ont véhiculé le mythe d'une production égalitarisée de l'information, et passé une période de vif engouement, semblent souffrir d'une moindre vitalité. De même, il apparaît que les vidéos amateurs en ligne sont peu regardées et surtout, ne sont pas rentables. Une étude de The Diffusion group montre que les vidéos personnelles représentent en 2008, "42 % des vidéos streamées sur Internet, mais générer seulement 4 % des recettes. Au contraire, 58 % des vidéos streamées seront des vidéos “professionnelles”, et celles-ci devraient générer 96 % des revenu".

La valeur et l'intérêt du contenu généré par les internautes n'est bien entendu pas remis en cause mais trouve, peut-être là ses limites. Les clés du succès demeurent encore entre les mains des grands médias et des professionnels.

Sibylle Laurent

NouvelOBS

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire