dimanche, décembre 20, 2009

***Quelle place pour l'Europe dans le monde ?***


***La première haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité* s'exprime dans plusieurs journaux européens pour donner la vision qu'elle a de sa mission à ce poste.

Il y a moins d'un mois, les vingt-sept chefs d'État ou de gouvernement de l'Union européenne (UE) m'ont choisie pour être le premier haut représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, un poste créé par le traité de Lisbonne. Le traité nous offre de nouvelles possibilités d'améliorer l'Europe et de la rendre plus pertinente pour ses citoyens. Il peut aussi nous aider à parler d'une voix plus forte et plus cohérente sur la scène internationale.

L'UE jouit dans le monde d'une bonne réputation, fondée sur nos solides valeurs de liberté et de démocratie, l'État de droit et le respect des droits de l'homme. Nous parlons déjà avec conviction et clarté des principaux enjeux auxquels nous devons faire face, qu'il s'agisse du changement climatique, de la pauvreté, de conflits ou du terrorisme. Nous avons foulé le sol de quatre continents en prenant part à des missions civiles et militaires réussies. Nous sommes le principal pourvoyeur de fonds pour l'aide humanitaire et le financement de projets. Nous sommes aussi une superpuissance économique, forte d'un demi-milliard d'habitants. Pourtant, on nous accuse encore de ne pas peser de tout notre poids sur la scène politique.

Dans mon double rôle de présidente du Conseil des ministres des Affaires étrangères et de vice-présidente de la Commission européenne, j'ai pour tâche de faire parler l'Union d'une voix plus forte et plus unie. Je pense que nous pouvons obtenir beaucoup de la «diplomatie tranquille». Nous avons besoin de gens sachant tout aussi bien écouter que parler, capables d'œuvrer en coulisses comme sous les feux des projecteurs. Et pour atteindre nos objectifs, nous avons aussi besoin d'une action concertée.

Ma première priorité sera de mettre en place le nouveau service diplomatique prévu par le traité de Lisbonne. Le Service européen pour l'action extérieure sera situé à Bruxelles, et possédera des représentations partout dans le monde. Ce réseau, qui devrait être l'orgueil de l'Europe et susciter l'envie du reste du monde, devrait réunir les représentants les plus talentueux de tous les États membres de l'UE, au service de notre intérêt commun. Aux citoyens de l'Union, il devrait offrir une valeur ajoutée par rapport à l'action de leur propre pays et, à nos partenaires internationaux, un interlocuteur fiable et de confiance sur les enjeux européens. Ce devrait être un service diplomatique adapté au XXIe siècle.

L'UE doit peser de tout son poids dans la gestion des crises et des conflits. Telle est la responsabilité d'une grande puissance mondiale, mais tel est aussi notre intérêt, pour la sécurité de l'Europe. J'entends accroître la coopération, développer les différents instruments de gestion de crise dont nous disposons, ainsi que nos capacités civiles et militaires. Nous jouons déjà un rôle important dans les Balkans et le Caucase du Sud. Nous pouvons agir de concert avec les États-Unis au Moyen-Orient, tirer parti des activités actuellement menées et promouvoir le dialogue. L'Europe s'est engagée en Afrique, notamment en créant un passage sûr pour les navires menacés par les pirates de la corne de l'Afrique. L'Europe s'est engagée en Afghanistan, par sa présence militaire, mais aussi par son action en matière de formation et d'infrastructures - elle verse par exemple les salaires de plus de la moitié des forces de police afghanes. Avec nos partenaires, nous continuerons d'exercer des pressions sur l'Iran pour que ce pays remplisse ses obligations internationales concernant son programme nucléaire.

Je m'efforcerai également de renforcer notre coopération avec des partenaires stratégiques tels que les États-Unis, la Chine, la Russie, l'Inde et le Brésil. Nous devons résorber les différences qui demeurent entre nous, mais aussi faire l'effort de résoudre les nombreux problèmes communs auxquels nous sommes maintenant confrontés. Cette démarche ne sous-entend pas de délaisser nos autres partenaires : l'Union européenne a tissé un réseau très dense de relations et d'accords bilatéraux avec des pays du monde entier. Nous nous appuierons sur ce réseau et les relations multilatérales pour promouvoir nos valeurs et nos intérêts.

Avant tout, je veux qu'un débat ouvert et réfléchi sur les objectifs de notre politique étrangère se poursuive au sein de l'UE. Je travaillerai avec mes collègues ministres des Affaires étrangères dans les États membres, avec les parlements nationaux et le Parlement européen. Nous devons faire connaître notre politique aux citoyens européens, qui, à leur tour, doivent faire entendre leur voix. Pour reprendre les mots de Jean Monnet, l'un des pères fondateurs de l'Europe, tout le monde a une ambition, la question est de savoir s'il s'agit d'être quelqu'un ou de faire quelque chose. J'ai pour ma part l'ambition d'agir et ce sont, je l'espère, les résultats que j'obtiendrai qui caractériseront mon mandat au poste de haut représentant.

* Catherine Ashton est aussi vice-présidente de la Commission européenne.

Catherine Ashton
Le Figaro
18/12/2009

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