dimanche, février 07, 2010

La commission des libertés du Parlement européen rejette l'accord Swift

***Le gouvernement américain, par la voix de Stuart Levey, sous-secrétaire au Trésor, avait prévenu : un "non" des députés européens à l'accord Swift serait "une erreur regrettable et potentiellement tragique". Cela n'a pas ébranlé les membres de la commission des libertés civiles du Parlement européen : jeudi 4 février, à Bruxelles, ils ont rejeté, par 29 voix contre 23 et une abstention, les dispositions qui permettent aux autorités américaines d'avoir accès, en cas de possible connexion avec le terrorisme, aux données bancaires des Européens.

Swift, société basée en Belgique et dont les données sont stockées aux Pays-Bas et aux Etats-Unis, organise et sécurise les flux financiers entre les banques du monde entier. Après le 11 septembre 2001, l'administration américaine a eu secrètement accès à ces informations dans le cadre du programme dit TFTP, qui vise à repérer et identifier des terroristes et leurs soutiens financiers. L'affaire a été ébruitée en 2006, ce qui a incité les autorités européennes à réclamer des garanties et la conclusion d'un accord intérimaire. Il a été renouvelé et prolongé à la fin 2009, avant que le Parlement européen ne dispose, grâce au traité de Lisbonne, d'un droit de regard sur ces matières. Le texte devait donc, cette fois, être soumis à un vote.

La commission des libertés voulait réclamer plus de garanties pour la protection des données. Elle entendait aussi protester contre l'attitude de la Commission et du Conseil, soupçonnés d'avoir voulu mettre les députés devant le fait accompli. Elle était surtout résolue à affirmer ses nouveaux pouvoirs face à l'opinion.

L'assemblée plénière du Parlement se prononcera jeudi 11 février. L'issue de ce vote n'est pas totalement scellée mais celui de la commission fournit une indication. La diplomatie américaine ne s'y est trompée : elle a multiplié les tentatives pour renverser l'opinion des élus européens. L'ambassadeur auprès de l'Union a rencontré les principaux groupes politiques. La secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, aurait appelé, avant le vote, le président du Parlement, Jerzy Buzek - une information que ne confirme pas la mission américaine à Bruxelles. Jeanine Hennis-Plasschaert, rapporteure libérale néerlandaise du dossier, a dénoncé "les pressions, le chantage et le lobbying".

Garanties élevées

"Washington a un regard très attentif sur le sérieux de son partenaire. Un non serait un très mauvais signal", déclarait au Monde, avant le scrutin, un officiel du gouvernement américain. A l'évidence, une confirmation de la position des eurodéputés à Strasbourg compliquera un peu plus les relations, déjà tendues, entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

Pour avoir accès à l'ensemble des informations de Swift, et donc à celles qui concernent les Européens, stockées à Amsterdam, les Etats-Unis ont besoin d'un accord. A défaut, ils pourraient recourir à des procédures bilatérales, plus complexes et plus lentes.

Espérant encore un changement de cap, Washington met en avant le dernier rapport d'évaluation de Jean-Louis Bruguière, mandaté par Bruxelles pour enquêter sur le TFTP. L'ancien magistrat antiterroriste y affirme que ce programme offre des garanties "d'un niveau exceptionnellement élevé" et qu'il contribue massivement à "la sécurité intérieure des Etats-Unis et, plus largement, à la sécurité globale". Quelque 1 500 rapports établis depuis son entrée en vigueur auraient permis de prévenir des attentats et d'arrêter des personnes, notamment dans plusieurs Etats européens.

Jean-Pierre Stroobants
Le Monde
06.02.10

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