lundi, janvier 03, 2011

*L'indignation, cadeau de Noël de M. Stéphane Hessel*

 Son petit livre s'est déjà vendu à plus de 500 000 exemplaires. Un phénomène qui traduit un ressentiment général contre les dégâts causés par le libéralisme et l'accentuation des inégalités sociales.

Dans la librairie Jonas, dans le 13e arrondissement de Paris, le petit ouvrage trône bien en évidence à la caisse. François Chabin, libraire indépendant dont la jolie boutique respire l'amour des livres, a tenu dès sa parution en octobre à « augmenter la visibilité » du manifeste de Stéphane Hessel. Motif ? « J'aime bien ce texte, témoignage d'un très vieux monsieur qui dénonce la politique libérale actuelle et la perte des acquis sociaux ». Le vendeur a voulu aussi s'épargner des déplacements inutiles dans son magasin, car « un client sur trois le réclame ». Et en achète souvent plusieurs exemplaires. Surtout en période de fêtes, où le livre est offert à profusion, présent sous le sapin ou substitué à la carte de voeux. Anecdote : le 27 décembre, un monsieur qui lui en avait acheté vingt exemplaires est revenu pour lui en rendre cinq. « A Noël, tout le monde avait eu la même idée de cadeau pour les enfants et les petits-enfants ! ».

A la librairie Fauramps, sise place de la Comédie à Montpellier,
le directeur Jean-Marie Sevestre, qui a vendu 8000 exemplaires en deux mois, n'en revient pas non plus. De mémoire de libraire, il n'a jamais vu un livre s'arracher ainsi. Chaque jour, il en vend 300 à 400 fascicules, et s'inquiète d'une probable rupture de stock. « L'adhésion du public a été immédiate, explique-t-il. Je l'ai mis en vente le jour de la dernière manifestation contre la réforme des retraites. Les gens étaient abattus de n'avoir rien obtenu. J'ai eu l'impression que ce livre, à commencer par son titre, et ce que je leur disais de son contenu, a suscité en eux une espérance, un réconfort ».

Un phénomène de société

C'est un ouvrage de trente pages au ton militant qui produit un engouement inattendu et sans précédent. Un livre au prix modique (3 €) au titre en forme d'injonction. Indignez-vous !, publié par Indigène Editions, s'est déjà vendu à 450 000 exemplaires. Début janvier, quand paraîtra la dixième édition, le tirage se montera à 800 000 exemplaires. Et qui sait où l'on en sera dans un an, puisque des éditeurs du monde entier en réclament ces jours-ci les droits de traduction, du Japon au Brésil en passant par la Turquie et le Liban, sans compter tous les pays d'Europe ? En France, si le best-seller se vend partout, (surtout depuis que la grande distribution s'y colle), on note un pic dans des régions à identité protestataire, en Bretagne et dans le Languedoc-Roussillon, ou dans des villes comme Toulouse et Bordeaux.

Ancien journaliste, Jean-Pierre Barou a créé à Montpellier avec Sylvie Crossman, hier correspondante à l'étranger du quotidien Le Monde, la maison d'édition. Il y a deux ans est sortie la collection « Ceux qui marchent contre le vent », dans laquelle est paru le livre de Stéphane Hessel. « Nous voulons délivrer un message concis, pas un discours préfabriqué » explique l'éditeur. Jean-Pierre Barou se félicite des idées véhiculées par ce livre qui, après Sartre, « renouvelle la notion d'engagement ». Car Stéphane Hessel y dénonce le fossé entre les très riches et les très pauvres. La course à l'argent. Le recul de l'intérêt général au profit de l'intérêt particulier. La chasse à l'étranger.

Un antidote à la morosité

Chacun explique à sa façon le succès phénoménal. Pour beaucoup, il tient à son auteur, personnalité « crédible » dont l'expérience, la force de vie, la jovialité et la modestie imposent le respect. A 93 ans, l'ancien résistant déporté à Buchenvald et à Dora, également co-rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, fait figure de sage. Sa parole signe un antidote à la morosité. « Quand il est venu débattre de son livre à la mi-décembre à Montpellier, la foule, nombreuse dans la grande salle du Corum, buvait ses paroles. On sent une admiration pour celui qui s'enthousiasme et prend le temps d'expliquer, malgré son grand âge » estime encore Jean-Marie Sevestre.

Sylvie Crossman souligne aussi la séduction exercée sur le public par cet amateur de poésie capable, comme lors de sa visite à Montpellier, de réciter avec fougue les vers d'Apollinaire. Sans remplacer un programme politique, les mots de l'ancien ambassadeur, résolument à gauche, sont une invitation à l'action. « C'est comme si les Français attendaient ce message, applaudit encore Jean-Pierre Barou. Stéphane Hessel, libertaire, pousse à la revendication de valeurs fortes, si fortes qu'elles l'emportent sur la légalité de l'Etat. L'auteur en appelle à la responsabilité individuelle. En brandissant les valeurs défendues par le Conseil national de la Résistance, Stéphane Hessel fait le lien entre la Résistance historique et nos résistances d'aujourd'hui. Je retiens cette phrase : "On devient quelqu'un quand on exprime son indignation" ».

Un éditeur militant

Pourfendeur invétéré des injustices, l'humaniste préoccupé d'écologie invite chacun à trouver ses propres motifs de colère. Et à s'organiser en réseaux citoyens, pour plus d'efficacité. Lui-même se révolte contre la politique israélienne dans les territoires occupés, en particulier Gaza, visité après l'opération Plomb durci en décembre 2008. De quoi inciter les Indigènes éditions à « faire un don conséquent » au Tribunal Russell sur la Palestine, qui se réunira à nouveau en novembre 2011 en Afrique du Sud. Car Stéphane Hessel, cohérent, n'a pas reçu d'a-valoir et a renoncé à ses droits d'auteur, quand il a signé un contrat avec ce petit éditeur militant, souvent forcé de tirer le diable par la queue. Un éditeur alerté par un autre de ses auteurs, John Berger (« Le fascisme économique »), sur la force du discours de Stéphane Hessel prononcé sur le plateau de Glières (Isère) à l'été 2009, lors de rencontres sur la Résistance.

Corine Chabaud
LaVie



*M. Stéphane Hessel, ambassadeur de France, résistant et écrivain ...ses vœux pour l'année 2011*


Bien à vous,
Morgane BRAVO

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