lundi, juin 22, 2009

*L'Union européenne se dote d'une supervision financière renforcée*


***Les trois futures autorités européennes chargées du contrôle des banques, des assurances et des marchés seront investies de pouvoirs contraignants, qui leur permettront si nécessaire de passer outre l'avis des régulateurs nationaux. Mais sans pouvoir empiéter sur les compétences budgétaires des Etats membres.

A toute chose malheur est bon. La crise, largement provoquée par l'irresponsabilité de certaines banques, a eu au moins une vertu : elle a considérablement accéléré le renforcement de la supervision financière européenne. Inimaginable il y a encore quelques mois, l'accord auquel sont parvenus vendredi les chefs d'Etat de gouvernement de l'Union au sommet de Bruxelles est historique. Non seulement il confie le contrôle des banques, des assurances, et des marchés à trois nouvelles autorités européennes. Mais, comme le souhaitait la France, il les investit aussi de pouvoirs contraignants, qui leur permettront si nécessaire de passer outre l'avis des régulateurs nationaux. Un saut quantique auquel même les plus fervents partisans de la non-régulation, à commencer par le Premier ministre britannique Gordon Brown, ont finalement consenti.

Conscients de la nécessité de changer les règles du jeu pour éviter une nouvelle crise, les dirigeants européens ont trouvé un compromis acceptable par tous sans remettre en cause l'ambition de la réforme préconisée fin février par le rapport De Larosière. La vaste refonte du système de supervision américain annoncée à la veille du sommet par le président américain Obama a sans doute facilité l'émergence d'un accord entre les Vingt-Sept. Difficile en effet pour le Royaume-Uni de continuer de s'opposer à une évolution que les Etats-Unis eux-mêmes ont décidé de mettre en oeuvre. D'autant que l'Europe a largement montré la voie dans ce domaine, et qu'elle souhaite conserver ce leadership. Quelles nouveautés apportera le nouveau dispositif ? Les futures autorités européennes chargées de superviser les banques, les assurances et les marchés auront autorité pour trancher les différends entre régulateurs nationaux - entre celui du siège et celui d'une filiale, par exemple. Allocation de fonds propres à une filiale plutôt qu'à une autre, validation des modèles internes utilisés par les établissements pour calculer les capitaux à mobiliser face à leur profil de risque... Le champ de compétences de ces autorités, qui contrôleront aussi les agences de notation, n'aura qu'une seule limite : leurs décisions « ne devront empiéter en rien sur les compétences budgétaires des Etats membres », indiquent les conclusions du sommet à la demande du Royaume-Uni et de l'Allemagne.

Création d'un comité européen

Pas question, par exemple, de forcer un gouvernement à renflouer une banque contre son gré : chaque Etat membre reste maître de telles décisions le cas échéant. « Les banques sont globales dans leur vie et nationales dans leur mort », estime-t-on en substance à Londres comme à Berlin. En tout cas pour l'instant. « Ma conviction, c'est que le champ de compétences d'une institution s'élargit toujours dans la pratique », a rappelé vendredi Nicolas Sarkozy. Autre avancée significative, la création d'un comité européen du risque systémique chargé d'évaluer les menaces potentielles pour la stabilité financière et d'adresser des recommandations aux superviseurs nationaux pour les désamorcer. A la demande du Royaume-Uni, sa présidence sera confiée, au cas par cas, à l'un des 27 gouverneurs de banque centrale de l'Union, élu par ses pairs (autrement dit potentiellement à la Banque d'Angleterre), plutôt que systématiquement au président de la BCE. « Le poste devrait le plus souvent échoir à ce dernier », relativise-t-on dans le camp français, où l'on souligne que la majorité des gouverneurs (16 sur 27) appartiennent à la zone euro. Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a estimé hier, sur Europe 1, que l'adoption de ce projet de réforme de supervision de secteur financier est « un pas en avant très important ». L'accord de vendredi ouvre la voie à la présentation par la Commission européenne d'une série de règlements qui préciseront les modalités de la réforme, « au plus tard d'ici au début de l'automne ». L'objectif est d'installer le nouveau dispositif de supervision « courant 2010 ». Après le signal politique que vient de donner le sommet, une très large majorité de dirigeants souhaite respecter ce calendrier tambour battant. Mais un grain de sable peut à tout moment briser cet élan, tant l'enjeu est important pour l'Europe et ses grandes places financières.

BUREAU DE BRUXELLES.
ALEXANDRE COUNIS ET JACQUES DOCQUIERT
Les Echos
22/06/09

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