jeudi, mai 08, 2008
*Les réformes économiques de Nicolas Sarkozy se heurtent à la conjoncture mondiale*
***Le sarkozysme en économie est un éclectisme. Pragmatique, le chef de l'Etat ne se laisse enfermer dans aucune école de pensée : il peut s'inspirer des post-keynésiens comme des théoriciens de l'offre pourvu que les uns ou les autres servent son dessein affiché, qui est d'accélérer l'adaptation de la France à la mondialisation. En un an, il aura à la fois essayé la relance, engagé la plupart des réformes structurelles que ses prédécesseurs de droite ou de gauche hésitaient ou avaient renoncé à lancer, et laissé ouverte la question d'un plan de rigueur pour 2009.
Son quinquennat débute avec les mesures de relance de la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Adoptée le 21 août 2007, TEPA combine la détaxation des heures supplémentaires, au nom du "travailler plus pour gagner plus" qui a rallié à la cause sarkozyste une partie de l'électorat populaire, et des baisses d'impôts (bouclier fiscal à 50 %, allégement massif des droits de succession, etc.) qui sont autant de gages donnés à l'électorat traditionnel de la droite. De ce paquet fiscal, d'un coût budgétaire de 14 à 15 milliards d'euros en régime de croisière, Nicolas Sarkozy attendait "un choc de confiance et de croissance". L'économie française s'était redressée en 2006. L'idée d'accompagner cette reprise en 2007 n'avait rien d'absurde : "Le pari méritait d'être tenté, mais la droite s'est trouvée prise à contre-pied à partir du moment où la croissance a marqué le pas", analyse l'économiste Daniel Cohen.
Au milieu de l'été, la situation économique se détériore à vive allure : crise des crédits hypothécaires à risque aux Etats-Unis, turbulences financières, ralentissement de l'économie américaine, envolée du prix des matières premières, appréciation de l'euro... Le retournement est spectaculaire. En France, il entraîne le moral des ménages vers le fond. Désormais, il est clair que ce n'est pas du paquet présidentiel, dont, après coup, l'Elysée souligne les vertus contracycliques (soutien à la consommation au moment où la croissance ralentit), que viendra ce fameux point de croissance qui nous manque.
Mais s'il a grillé une bonne partie de ses cartouches budgétaires avec TEPA, le président ne s'est pas enfermé dans le seul soutien à la demande. Il a aussi engagé un impressionnant train de réformes, cinquante-cinq, a-t-il précisé jeudi 24 avril dans son entretien télévisé. Réforme des régimes spéciaux de retraite au nom de l'équité, instauration d'un service minimum dans les transports, fusion ANPE-Unedic, modernisation des relations sociales et du marché du travail, mise en place prochaine, avec la future loi de modernisation de l'économie, d'un arsenal de mesures en faveur des PME, réforme de l'Etat et révision générale des politiques publiques. "Reconnaissons-lui au moins le courage d'avoir ouvert tous les chantiers à la fois, plaide le président du Cercle des économistes, Jean-Hervé Lorenzi. Quitte à lui reprocher de ne pas les hiérarchiser assez."
"Toutes ces réformes se tiennent, se complètent et forment un ensemble cohérent pour réhabiliter le travail", plaide le président, qui ne veut pas renoncer à sa stratégie de réformes tous azimuts.
TOUR DE VIS
Pourtant, la détérioration des finances publiques de la France, attestée par la révision à la hausse de la dette et du déficit publics, va restreindre ses marges de manoeuvre et le contraindre à faire des choix. La moitié des 7,2 milliards de crédits placés en 2008 dans la réserve de précaution va être progressivement annulée. Un tour de vis sans précédent est prévu en 2009 sur les dépenses publiques (5 milliards d'économies nettes sur l'Etat, autant sur la Sécurité sociale). Il pèsera sur la croissance et, bien entendu, sur le pouvoir d'achat des ménages promis, malgré les engagements électoraux de M. Sarkozy, à des lendemains qui déchantent. Reste que si la recherche, l'innovation ou encore l'enseignement supérieur ne sont pas trop touchés par les restrictions annoncées cette année ou prévues en 2009, le président aura tenu sur l'essentiel : préserver les réformes structurelles et les dépenses d'avenir.
En revanche, si la crise économique internationale devait faire sentir ses effets jusqu'à la fin 2009, des coupes claires supplémentaires s'imposeraient sans doute. Dans ce cas, la rigueur affaiblirait encore plus le lien social, tout en compromettant le pari qui est celui de Nicolas Sarkozy : remettre l'économie française sur une trajectoire de compétitivité. Ce serait, en quelque sorte, la double peine.
Claire Guélaud
06.05.08.
Le Monde
*Photo : AFP/PATRICK KOVARIK
Christine Lagarde et Nicolas Sarkozy à Paris.
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