Michel BARNIER
Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services
Système européen de surveillance financière : une avancée majeure à consolider
"Audition publique sur la surveillance financière dans l’UE
Bruxelles, le 24 mai 2013
Monsieur le Gouverneur,
Madame la Présidente,
Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord vous remercier
pour votre participation à cette importante audition publique sur la
surveillance financière en Europe.
Permettez-moi de remercier également la
Direction générale Marché intérieur et services pour l’organisation de
cet événement, en étroite coopération avec la Direction générale
Affaires économiques et financières.
La crise
financière démarrée en 2007, dont nous continuons de subir les
conséquences, a obéit à de multiples causes : le choc extérieur venu du
marché américain des subprimes,
bien sûr, mais aussi un manque de transparence généralisé, les lacunes
de la réglementation, la mauvaise évaluation et la mauvaise gestion du
risque par les établissements financiers, les agences de notation, les
différentes autorités compétentes.
Surtout, la
crise a souligné l’absence d’un système de surveillance du secteur
financier coordonné et efficace au niveau européen, en mettant en
évidence un double constat :
- D’une part, l’incapacité d’un système
morcelé par les frontières nationales à superviser efficacement des
institutions actives dans l’ensemble du marché unique ;
- D’autre part, l’absence d’une autorité
de surveillance macro-prudentielle, capable d’identifier et d’alerter
sur les menaces qui pèsent sur la stabilité du système financier.
Dès ma première audition devant le
Parlement européen en janvier 2010 - Sharon BOWLES et Sven GIEGOLD s’en
souviennent – je me suis engagé à faire de la réforme de la surveillance
financière ma priorité, pour que l’Europe soit la première région du
monde à tirer les leçons de la crise dans ce domaine.
Dans cette tâche difficile, nous avons
été grandement aidés par l’excellent rapport du groupe présidé par
Jacques de LAROSIERE que je veux saluer très chaleureusement ici.
Sur la base de ce rapport, nous avons
donné naissance début 2011 aux trois autorités de surveillance des
banques, marchés de valeurs mobilières et compagnies d’assurances et
fonds de pension, ainsi qu’au Comité européen du risque systémique
(ESRB), chargé de la surveillance macro-prudentielle.
Ce système
européen de surveillance marque la première grande réalisation de notre
programme de régulation financière – Une avancée qui a été depuis suivie
de nombreuses autres, puisque la Commission a proposé 28 lois de
régulation, qui représentent l’ensemble du programme du G20.
Pour chacun de
ces textes, nous avons voulu procéder avec méthode, en excluant toute
improvisation et en basant nos propositions sur les faits et sur
l’expérience. Et en prévoyant des clauses de revue.
Pour ce qui
concerne les trois autorités, l’ESRB ainsi que le système de
surveillance dans son ensemble, le travail de revue a démarré. Outre
l’audition d’aujourd’hui, il se nourrira d’une consultation publique,
que nous avons lancée le 26 avril, ainsi que d’une consultation plus
ciblée et technique de certaines parties prenantes.
Sur la base de ce travail, la Commission
publiera avant la fin de l’année un rapport qui sera transmis au
Parlement européen et au Conseil.
Mesdames et Messieurs,
Il serait bien
sûr prématuré pour moi de donner les grandes orientations d’une
possible réforme de notre système de surveillance. C’est précisément le but de l’audition d’aujourd’hui.
Néanmoins, il me parait utile d’indiquer quelques grandes questions auxquelles ce processus de revue devra répondre. J’en vois au moins trois.
I – Premièrement, quel bilan tirer de ces deux premières années de fonctionnement du système de surveillance ?
1) Dans ce délai très court, le nouveau système a permis quelques réussites indéniables.
Je pense notamment au contrôle exercé
sur les agences de notations par ESMA, qui dispose pour cela de moyens
efficaces, notamment en matière d’enquête et de contrôles sur place.
Je pense également à l’exercice de
surveillance de la recapitalisation des banques mené par EBA, qui a
permis de renforcer le secteur bancaire européen.
Enfin, je
n’oublie pas les conseils donnés par EIOPA à la Commission pour la revue
de la Directive IORP, et son évaluation de la viabilité de la garantie à
long terme des assurances dans le contexte de Solvency II/Omnibus II.
Les trois autorités ont également permis
d’améliorer la cohérence des pratiques des superviseurs nationaux,
notamment grâce à leur participation aux collèges de surveillance.
En outre, les premiers standards techniques qu’elles ont adoptés ont permis de renforcer le « single rulebook » que nous sommes en train de mettre en place pour l’ensemble du marché intérieur.
2) A côté de ces réussites évidentes, certaines tâches se sont révélées plus ardues.
Je pense par exemple aux stress tests, effectués par EBA pour le secteur bancaire et par EIOPA pour les assurances et les pensions. Il
s'agissait d'exercices difficiles menés dans un contexte politique et
financier très sensible. Il s'agissait aussi d'exercices où – on
l'oublie trop souvent- les autorités européennes dépendent très
largement des informations qui leur sont transmises par les superviseurs
nationaux.
Face à de telles contraintes, le bilan me semble plutôt positif. En outre, les progrès réalisés ont été substantiels : chaque nouveau round étant plus efficace que le précédent. Cela montre la capacité des agences à apprendre.
Je suis d’ailleurs persuadé que les mesures prises en ce moment pour assurer le succès des stress tests en 2013 et 2014 porteront leurs fruits
3. Enfin, ce n’est un secret pour personne que certains défis restent à relever. C’est bien le but de cette revue.
Une première question pourrait porter sur les moyens de faciliter l’adoption de décisions contraignantes par les autorités. Quelles
mesures devrions-nous prendre pour que leurs pouvoirs d’enquête sur des
cas de violation ou de non-application du droit de l’Union, mais aussi
leurs pouvoirs d’arbitrage entre les autorités nationales ne restent pas
lettre morte ?
Ensuite, nous devons nous demander si les risques macro-économiques sont bien pris en compte. La
répartition des tâches entre les agences, aux responsabilités
micro-prudentielles, et l’ESRB est-elle optimale ? Comment assurer une
vision européenne forte de l’ESRB ainsi que des trois autorités et
éviter que les intérêts nationaux ne dominent leurs activités ?
Par ailleurs, sommes-nous satisfaits de la gouvernance des autorités de surveillance ? Ont-elles
toujours pleinement agi dans l’intérêt européen, ou des changements
sont-ils nécessaires afin de servir cet objectif ?
Enfin, nous devons aussi nous pencher sur la question du financement
des autorités. La répartition actuelle qui prévoit un financement à 40%
par le budget de l’Union, à 60% par les autorités de contrôle
nationales et, en ce qui concerne ESMA, par les honoraires versés par
l’industrie est-elle satisfaisante ?
II – Au-delà du premier bilan, se pose la question de la possible évolution du rôle des autorités.
Sur ce sujet aussi, je suis à l’écoute de vos avis éclairés et imaginatifs.
Par exemple, faut-il développer les
compétences des autorités en matière de protection des consommateurs, en
utilisant pour cela les législations sectorielles ?
Faut-il donner aux autorités un rôle croissant dans certains domaines, comme la surveillance des indices ?
Faut-il leur conférer des pouvoirs de
contrôle direct de certaines institutions, comme les chambres de
compensation, ou les institutions avec une activité transfrontalière,
par exemple les grandes compagnies d’assurance ?
Plus généralement, nous devons nous
poser la question de la structure du système que nous avons créé en
2011 : est-elle adaptée ou faut-il la modifier ?
Par exemple, un siège unique pour les
trois autorités de surveillance aurait-il des avantages significatifs
comparé à la situation actuelle ?
Sur un autre plan, le système de « twin peaks »,
tel qu’il a émergé récemment au Royaume-Uni et en France et qu’il
existe déjà dans d’autres Etats membres doit-il être considéré comme
supérieur ?
III – Enfin, la revue ne peut faire
l’impasse sur la question de l’articulation entre autorités, union
bancaire et marché unique.
A cet égard, la consultation et l’audition d’aujourd’hui arrivent au bon moment.
L’accord politique intervenu le 19 mars
dernier sur le mécanisme de supervision unique permettra aux Etats
membres de la zone euro élargie de soumettre plus de 6.000 banques à une
supervision de qualité, harmonisée et impartiale, sous l’autorité de la
Banque centrale européenne.
Parallèlement, j’espère que nous
pourrons trouver très rapidement un accord sur notre projet de directive
sur la résolution bancaire, pour pouvoir, dès cet été, commencer le
travail sur un mécanisme unique de résolution.
Face à ces
évolutions majeures, j’entends parfois certains commentateurs dire, un
peu naïvement, que l’union bancaire supprimera la nécessité des
autorités. C’est totalement faux !
Loin de rendre les agences obsolètes, l’union bancaire renforcera leur nécessité, et ce pour au moins deux raisons.
- D’une part,
la mission d’assurer la cohérence réglementaire entre les 28 Etats
membres de l’Union restera toujours aussi importante. Si les 17 Etats membres de la zone euro étaient seuls à abriter des centres financiers importants, cela se saurait !
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nous avons voulu appuyer l’union bancaire sur un « single rulebook » comprenant notamment les règles récemment adoptées en matière de fonds propres et de liquidités, qui sont applicables aux 8.200 banques européennes, et constituent notre meilleure arme contre les risques de fragmentation du marché unique.
Nous avons également confié à EBA la tâche de développer un « single supervisory handbook » pour faciliter la mise en pratique des règles communes.
- D’autre part, la mission de médiation
qui caractérise les agences pourrait devenir plus importante que par le
passé, puisque le Mécanisme unique de supervision s’accompagnera
inévitablement de la nécessité de trouver de nouveaux équilibres, et
d’arbitrer parfois d’éventuels conflits.
J’ajoute que le Mécanisme unique de
supervision sera intégré dans le système de surveillance financière et
coopéra donc étroitement tant avec les agences qu’avec l’ESRB.
Mesdames et Messieurs,
Les trois grandes thèmes que je viens de
mentionner : bilan des autorités et de l’ESRB, possibles évolutions de
leurs missions, articulation avec l’union bancaire recouvrent de
nombreuses questions.
La consultation publique sur ce sujet restera ouverte jusqu’au 19 juillet. Je
vous encourage vivement à y participer, tout comme je vous encourage à
profiter de l’audition d’aujourd’hui pour exprimer toutes vos attentes,
idées et suggestions sur notre système de surveillance financière.
Bon travail à tous et merci."
Bien à vous,
@MorganeBravo
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