Commission européenne
Michel BARNIER
Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services
Déclaration de la Commission sur le marché unique numérique
"Parlement européen – Séance plénière
Strasbourg, le 4 juillet 2013
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le Marché unique numérique représente un potentiel considérable. Il y a urgence à mieux l'exploiter :
- Si l'Union européenne progressait seulement de 10% dans l'utilisation du haut débit, un point de PIB supplémentaire serait gagné.
- Et si le e-commerce représentait 15% du commerce européen total – au lieu des 5% actuels – cela se traduirait par 1,7% de croissance supplémentaire par an !
- L'économie numérique génère 2,6 emplois pour un emploi détruit, et représente 25% de la création nette d'emplois dans certains Etats membres.
Ce surplus de croissance et d'emplois est à notre portée si nous maintenons notre détermination à établir au plus vite un cadre réglementaire adapté.
Grâce à votre engagement, des progrès importants ont été réalisés sous cette législature et à l'initiative de la Commission.
Notre action commune s'est inscrite dans la continuité :
Ainsi, par exemple, la directive "droit des consommateurs", dont la transposition est due à la fin de l'année, contribue à renforcer la confiance des consommateurs en ligne et donc le Marché intérieur numérique.
Mais durant les trois dernières années :
- l'ambition générale définie par la Stratégie numérique, portée par Neelie Kroes;
- l'élan collectif donné par la démarche inédite des Actes pour marché Unique (I, et II);
- et le caractère ciblé du Plan d'action pour le commerce et les services en ligne, que nous animons au sein de la Commission avec Neelie Kroes et, désormais, avec notre nouveau collègue croate Neven Mimica…
… voilà ce qui nous a rapproché de notre but, à savoir permettre au Marché unique d'accomplir sa révolution numérique.
I. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
1) D'abord, un accord a été trouvé notamment sur 3 textes importants:
- le règlement relatif au règlement en ligne des litiges de consommation, adopté en avril dernier, qui va renforcer la confiance dans les achats en ligne;
- la directive sur les œuvres orphelines, adoptée en octobre 2012, qui facilitera la numérisation et la diffusion des œuvres en ligne;
- ou encore la "Connecting Europe Facility", un instrument de financement sur lequel un accord a été trouvé le 27 juin dernier et qui contribuera au développement du très haut débit en Europe – même si l'enveloppe de crédits pour les réseaux numériques est en deçà de nos ambitions initiales.
2) Ensuite, de nombreuses propositions législatives sont en cours de discussion:
- notre proposition de règlement sur le droit commun européen de la vente, qui devrait faciliter les transactions transfrontalière en ligne;
- notre proposition de règlement sur l'identification électronique et les "services de confiance", pour un environnement en ligne plus sûr et plus fiable;
- notre proposition de règlement sur la protection des données: un autre enjeu essentiel de la confiance dans le numérique;
- notre proposition de directive sur la modernisation de la gestion collective et le développement des licences multi territoriales;
- notre proposition de règlement pour la réduction des coûts de déploiement du haut débit;
- ou enfin, depuis quelques jours, le projet de directive sur la facturation électronique. Selon nos analyses, ce texte pourrait générer plus de 2 milliards d'économies par an dans le domaine des marchés publics.
3) Enfin, des stratégies spécifiques ont été définies, lorsqu'un ensemble de mesures complémentaires est requis. Je citerais par exemple :
- Notre Plan d'action sur les jeux en ligne, pour un encadrement plus cohérent de ce secteur sensible;
- La Stratégie pour l'informatique en nuage ("Cloud computing), dont le potentiel considérable n'est pas exempt de défis réglementaires;
- Ou encore notre Stratégie européenne de cybersécurité, adoptée le 7 février dernier.
Ces deux dernières initiatives fourniront des outils essentiels de l'autonomie stratégique de l'Europe.
II De nombreux textes sont sur la table, mais beaucoup reste encore à accomplir
C'est ce que dit votre Résolution. Et ce que constate régulièrement le groupe de travail sur le commerce électronique présidé avec dynamisme par Pablo ARIAS ECHEVARRIA.
La Commission est consciente de cette réalité, et plus que jamais déterminée à avancer.
À cet égard, je voudrais mettre en exergue trois grands axes.
1) Premier axe: continuer à libérer le potentiel du commerce électronique.
Après l'indispensable période de consultation publique vient le temps de l'action dans deux domaines essentiels identifiés dans notre plan d'action pour commerce électronique.
1-1) D'abord, la Commission proposera dans les semaines à venir une modernisation ambitieuse des marchés et services de paiements électroniques, s'appuyant sur les recommandations du Parlement.
Ce paquet comprendra la révision de la directive "Services de paiement", ainsi qu'une proposition législative spécifique sur les commissions d’interchange.
Il faut créer les conditions d'une plus grande innovation dans ce secteur, en y développant la concurrence et en facilitant l'accès de nouveaux acteurs.
Il faut offrir plus de choix aux consommateurs dans leurs modes de paiement, mais aussi plus de sécurité, pour dissiper certaines craintes légitimes.
1-2) Ensuite, nous proposerons à l’automne un système plus efficace et attractif d'acheminement transnational et de livraison des colis, en ligne avec les objectifs identifiés par le PE.
Pour améliorer la situation des consommateurs et des entreprises, il faut permettre aux PME de développer leurs ventes transfrontalières en ligne, et de bénéficier ainsi de l'"effet de longue traîne" que crée l'Internet.
L'Europe du colis reste à achever. Les livraisons transfrontalières sont 3 à 5 plus chères, à distances souvent égales. Et 68 % des commandes en ligne abandonnées le sont à cause de la livraison.
Nous sommes, pour relever ce défi, en concertation étroite avec tous les acteurs et en particulier avec les opérateurs postaux, dont je connais la volonté de progresser dans ce domaine.
2) Deuxième grand axe: poursuivre la modernisation du cadre européen du droit d'auteur
Les nouvelles pratiques en ligne ne se bornent pas à répliquer la consommation "physique". Des services entièrement nouveaux se développent.
La dématérialisation des contenus facilite la diffusion de la culture. Mais elle peut aussi menacer les équilibres financiers de la création.
Le droit d’auteur, historiquement fondé sur la territorialité, se voit aussi interpellé par un environnement numérique qui ignore les frontières. Les européens veulent accéder en lignes aux contenus de leurs choix, où qu'ils se trouvent.
Pour la Commission le droit d’auteur ne doit pas être un obstacle au développement économique. Plus que jamais il doit être un « facilitateur », un vecteur de croissance et d’innovation.
C'est pourquoi la Commission a défini en décembre 2012 deux lignes d'action parallèles.
2-1) D'un côté, elle a lancé le processus "Des licences pour l'Europe". Ce dialogue entre les parties prenantes doit permettre d'identifier des remèdes aux principales frustrations actuellement rencontrées par les utilisateurs (exemple: l'impossibilité d'accéder à des contenus audiovisuels tels que la télévision de rattrapage ("catch-up TV") sur une base transfrontière).
Plusieurs sessions des groupes de travail se sont tenues depuis six mois. Il y aura d'ailleurs aujourd'hui même une session plénière de mi-parcours. Nous allons poursuivre et faire l'inventaire des résultats obtenus en fin d'année.
2-2) En parallèle, la Commission poursuit activement son travail d'évaluation, juridique et économique, de l’acquis législatif en matière de droit d’auteur.
Nos initiatives éventuelles doivent se fonder sur l’identification précise et incontestable des véritables problèmes et des solutions législatives qui pourraient être apportées.
Les travaux en cours nous permettront de prendre une décision en 2014 sur l'opportunité de soumettre des propositions de réforme législative.
3) Troisième grand axe d'action : progresser vers un Marché unique des télécoms.
La Commission partage le diagnostic du Parlement sur les faiblesses du marché européen des télécommunications.
Constatant le terrain perdu par l'Europe dans les services de communication face à la concurrence internationale, le Conseil européen a appelé de ses vœux en mars la création d’un véritable marché unique des télécoms.
Nous travaillons à des mesures dont le l'objectif est de traduire dans la réalité deux principes clés du Traité :
- La libre prestation de services, afin que tout opérateur puisse offrir les mêmes services à tous ses clients, où que ce soit dans l'Union.
- La liberté pour tous les européens et les entreprises de bénéficier des services numériques de leur choix, d'où qu'ils proviennent dans l'Union.
Notre approche est pragmatique: obtenir des résultats concrets pour les citoyens et les entreprises en Europe.
Notre intention est de présenter, sous l'impulsion de Neelie Kroes, des propositions concrètes début septembre, en vue du Conseil européen d'octobre. Le soutien du Parlement à cet égard sera primordial.
Mesdames et Messieurs les députés,
Une priorité évidente va l’adoption rapide des nombreuses propositions encore en discussion.
Mais il est nécessaire d’inscrire nos efforts dans le long terme et de prendre rapidement toutes les initiatives qui seraient encore indispensable à l'achèvement du Marché unique numérique.
Votre Résolution contribue à notre réflexion.
Les débats publics que nous animeront dans le cadre du Mois du Marché Unique permettront aussi de faire ressortir les priorités des européens.
Notre contribution au Conseil européen d’octobre sera une occasion importante pour la Commission d'identifier les pistes d'actions qui devraient être celles des mois, mais aussi des années à venir.
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