lundi, juin 16, 2008
***"Le non irlandais ne peut pas être le dernier mot"***
***Président du Parlement européen depuis janvier 2007, Hans-Gert Pöttering, membre du Parti chrétien-démocrate allemand, présidait auparavant son principal groupe parlementaire, celui du Parti populaire européen, qui rassemble les droites traditionnelles. Le traité de Lisbonne prévoit un renforcement des pouvoirs du Parlement :
Comment analysez-vous le rejet du traité de Lisbonne par les Irlandais ?
Je suis d'autant plus déçu que ce pays a largement bénéficié de son appartenance à l'Union. En réalité, beaucoup de ceux qui ont voté non n'ont retenu qu'un aspect du traité, et ils l'ont fait souvent d'une manière fautive. Les uns, comme Declan Ganley, cet homme d'affaires millionnaire devenu l'un des chefs de file du non, ont expliqué que la liberté des affaires allait être remise en cause. Les syndicats ont affirmé que l'Europe ne serait pas assez sociale. Certains ont déclaré que l'avortement serait facilité par l'application du traité. D'autres ont soutenu que le système fiscal irlandais serait menacé. Bref, les électeurs ont entendu des arguments de toute nature, le plus souvent contradictoires, de telle sorte que le tableau d'ensemble a été oublié.
Après le double non des Français et des Néerlandais au traité constitutionnel en 2005 puis le refus irlandais, n'est-on pas en droit de penser que le fossé se creuse entre les peuples et le projet européen ?
Je ne crois pas. Ce qui est cause, selon moi, c'est surtout la procédure du référendum. Le général de Gaulle disait que les citoyens consultés par référendum ne répondent jamais à la question posée. Il avait raison. Bien sûr, nous devons respecter le système constitutionnel de l'Irlande, mais nous devons aussi respecter le vote des dix-huit pays qui ont déjà ratifié le traité. Le non irlandais ne peut pas être le dernier mot.
N'avez-vous pas le sentiment qu'un certain euroscepticisme se répand en Europe et qu'il nuit au dynamisme de l'Union ?
Il y a sans doute une part de vérité dans cette constatation. Mais moi qui rencontre beaucoup de gens, notamment en Allemagne, mon impression est qu'ils veulent une Europe forte, tout en refusant une Europe bureaucratique.
La mise en oeuvre du traité de Lisbonne est une partie de la solution à ce problème. C'est pourquoi nous devons continuer à travailler ensemble pour qu'il entre en vigueur le plus tôt possible, avant les élections européennes de 2009.
Comment y parvenir ? En demandant aux Irlandais de revoter ?
Ce n'est pas à moi de le dire. Il appartient au gouvernement irlandais d'analyser la situation et de proposer une solution. Nous en discuterons au conseil européen des 19 et 20 juin. Il existe un précédent, vous le savez, celui du traité de Nice, que les Irlandais ont rejeté en 2001 avant de l'approuver l'année suivante. Mais, je le répète, c'est de la responsabilité des autorités irlandaises. Pour ma part, je pense que le processus de ratification doit continuer et je me réjouis que le premier ministre britannique, Gordon Brown, ait annoncé son intention d'aller jusqu'à son terme. Je considère que le traité de Lisbonne est indispensable pour rendre l'Europe plus démocratique et plus transparente.
Ne serait-il pas préférable de renoncer aux réformes institutionnelles pour se concentrer sur les politiques concrètes ?
Il faut faire les deux : apporter des réponses aux questions qui intéressent directement les citoyens et réformer les institutions. Avec le traité de Nice, l'Europe n'est pas assez démocratique. Les droits du Parlement, en particulier, seront largement accrus par le traité de Lisbonne. Ce traité ne contentera pas tout le monde. Mais il est le résultat d'un compromis. Si nous n'acceptons pas la pratique des compromis, ce sera la fin de l'Europe, et d'autres puissances domineront le monde.
Qu'attendez-vous de la présidence française ?
Après le vote irlandais, la présidence française revêt une signification historique pour notre continent. Je souhaite à Nicolas Sarkozy et au gouvernement français du courage et de la détermination afin de surmonter cette situation difficile, de concert avec les Etats membres et les institutions européennes. Au nom du Parlement européen, je leur offre une coopération sans restriction, en attendant d'être pleinement associé à la recherche d'une solution.
BRUXELLES BUREAU EUROPÉEN
Propos recueillis par Thomas Ferenczi
LE MONDE
16.06.08
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