lundi, janvier 07, 2008
***Les monarques d'Europe doivent faire leurs preuves***
***Huit pays européens sont encore régis par une monarchie constitutionnelle ou parlementaire. Le roi ou la reine sont considérés comme des garants de la démocratie et de l'unité nationale. La monarchie est-elle à la hauteur de la mission qui lui est impartie ?
Si la monarchie donne le plus souvent l'impression d'une institution obsolète aux habitants des pays ayant à la fois une tradition et une constitution républicaines, les personnes concernées sont en revanche plutôt satisfaites de ce régime. "La monarchie est démodée, illogique et antidémocratique. Elle ne sied pas au XXIe siècle", concluait lapidairement le présentateur de la BBC Jeremy Paxman lors de la sortie en salle du film de Stephan Frears, "The Queen", en mars 2007. En même temps, J. Paxman décrivait sa mutation vers un royalisme sceptique : "C'est un fait que les sociétés les plus heureuses et les moins corrompues d'Europe sont des monarchies."
En Suède, un roi citoyen
Font partie de ces sociétés le Danemark, la Suède et la Norvège qui concilient sans problème croissance économique, monarchie et démocratie. "Si irréligieux et éclairés qu'ils soient, ces Européens du Nord qui dédaignent les hiérarchies tiennent de toute évidence à leurs monarques", constatait Anne Rentzsch, correspondante scandinave du Standard autrichien le 20 novembre 2007. "Parce qu'au fond rien n'est en jeu, les maisons royales hollandaise et scandinaves se prêtent à merveille à leur rôle de catalyseurs de l'identité et de l'exubérance nationale ", soulignait Tim Schleider dès 1997 dans un article pour l'Allgemeine Sonntagszeitung: "Les gens peuvent les acclamer parce que précisément ils savent que leurs acclamations ne coûtent rien politiquement."
Les monarques scandinaves, selon A. Renztch, s'acquittent de leur tâche de représentation avec un « mélange réussi de glamour et de proximité à l'égard du peuple". Carl Gustaf de Suède est, ajoute-t-elle, le plus impuissant de tous ces rois sans pouvoirs : ses enfants fréquentent les écoles de tout un chacun, la famille royale paie les impôts de tout un chacun, le peu de glamour est tout juste assuré par des mariages pas toujours conformes à l'étiquette ou des voitures racées, et le roi lui-même est un citoyen (presque normal).
Mats Wiklund, du quotidien suédois Dagens Nyheter, commentait le 11 juillet 2007 un sondage selon lequel 64 pour cent de tous les Suédois apprécieraient que le roi cède sa place à l'âge de 65 ans : "Cela ne signifie pas que les Suédois ne font plus confiance au souverain actuel, c'est plutôt une manifestation de la pensée égalitaire suédoise. Carl Gustaf doit faire comme tout le monde et se retirer à 65 ans."
Les joyaux de la couronne britannique
La reine Elisabeth II, qui jouit toujours d'une grande popularité après 54 ans de règne, affiche une moins grande proximité envers le peuple. La Grande-Bretagne, le berceau de la démocratie, est une monarchie solide. Le politologue britannique John Gray exprimait sa conviction dans l'Observer du 29 juillet 2007 : "La monarchie constitutionnelle telle que nous la pratiquons aujourd'hui – ce mélange de reliques dépassées et de soap opera – a beau nous sembler absurde, il faut reconnaître que notre société plurielle s'en tire sans de trop grandes frictions."
De même, le réalisateur britannique Stephan Frears, qui a dressé un monument filmique à la Queen, parvient à la conclusion que, en dépit des contradictions, la monarchie est une institution qui fonctionne bien. Dans une interview à Daniel Khafif, il expliquait en janvier 2007 : "Ce qui assure la survie de la maison royale, ce sont les lois de notre monarchie parlementaire : 'diviser pour régner' ou 'le pouvoir par la faiblesse !'... La Reine ne détient pas l'exécutif, elle n'a pas besoin d'agir, elle laisse les autres agir à sa place. C'est beaucoup plus confortable."
Il y a d'autres raisons à la survie de la monarchie britannique. Certains historiens, comme Laura Smith-Parks en avril 2006 dans une émission de la BBC, sont d'avis que l'aristocratie britannique a cédé très tôt de son pouvoir pour sauver ses privilèges. Quant à Tim Schleider, il attirait l'attention dans son analyse sur une autre particularité britannique : "Si l'on fait abstraction d'une figure d'exception comme Elizabeth I, le trône britannique a été occupé sur de longues périodes par des figures si débiles que la Chambre haute et la Chambre basse n'avaient pas d'autre choix que de s'attribuer toujours plus de responsabilités pour éviter que le pays ne sombre dans le chaos… Outre l'esprit conservateur des Britanniques, c'est là aussi une raison de leur fidélité à la maison royale – en fin de compte, ce n'est pas la constitution mais la personne du monarque qui garantit la démocratie."
Le roi d'Espagne, défenseur de la démocratie
Le roi d'Espagne Juan Carlos est lui aussi garant de la démocratie. Intronisé en 1975 après la mort du dictateur espagnol Franco, il doit sa réputation avant tout à son intervention après le putsch militaire de Madrid en 1981. Peter Gaupp décrivait en ces termes le modèle espagnol dans la Neue Zürcher Zeitung du 12 décembre 2007 : "Le pacte de la 'transición' pacifique stipulait que le Roi devait se limiter aux fonctions de représentation et confier les tâches gouvernementales à des hommes politiques élus." En contrepartie, cependant, tant sa personne que sa fonction ne pouvaient être remises en compte.
Ce pacte a cependant subi quelques revers ces derniers temps : en 2007, on a assisté à une montée des critiques envers le rôle du roi en tant que chef de l'Etat et des armées, comme le constatait Diane Cambon dans Le Figaro du 22 octobre 2007. Les critiques jaillirent d'un peu partout : ce fut la radio privée d'obédience catholique dure Cope qui polémiqua contre le roi, ce furent, surtout, les nationalistes régionaux qui mirent le feu en public au drapeau national et à l'effigie du souverain. Le quotidien conservateur ABC se vit appelé à défendre la monarchie espagnole dans son édition du 27 septembre 2007. "Dans un Etat comme l'Espagne, avec de graves problèmes de séparatisme et d'instabilité dans l'organisation territoriale, ces attaques sont inacceptables, surtout contre une institution qui représente, plus que n'importe quelle autre, la continuité historique de la nation espagnole et de son unité."
Le roi des Belges, acteur gouvernemental ?
On exige aussi du roi Albert II qu'il garantisse l'unité historique de la nation. L'équilibre institutionnel de la Belgique est délicat : on ne compte pas moins de six gouvernements et parlements, et les Flamands et les Wallons, en proie à des querelles croissantes, n'ont pas réussi depuis des mois à s'entendre sur un gouvernement national. Les aspirations antiroyalistes existent tant du côté wallon que du côté flamand, allant de pair avec les élans séparatistes. Certains Wallons sont attirés par la France républicaine, en Flandre, c'est surtout Vlaams Belang, d'extrême droite, qui attaque avec virulence le roi Albert II en tant que représentant de la Belgique.
"La monarchie est devenue l'unique point d'ancrage d'un Etat qui va à vau-l'eau, le roi est la figure belge la plus importante, voire l'ultime vraie figure dans un pays qui n'a ni de langue commune ni même de parti national", relatait Hannelore Croll dans le quotidien allemand Die Welt du 4 décembre 2007. Rien d'étonnant dès lors que l'on attende davantage du roi que de planer au-dessus de tous les intérêts – il lui appartient de les coordonner et d'aider à mettre sur pied un gouvernement. Albert II n'a guère répondu jusqu'à présent à ces exigences : "Il a bel et bien manqué son début comme médiateur dans le drame politique actuel", écrivait H. Croll.
S'interrogeant dans le quotidien belge Le Soir du 12 novembre 2007 sur les conséquences d'une telle situation, le juriste d'Utrecht Marc Uyttendaele reprochait à Albert II de se laisser instrumentaliser politiquement : "La tentation sera grande, pour certains, de dire qu'il est possible de se passer d'un Roi qui n'est pas capable de relever le débat et d'imposer aux acteurs politiques une plus grande hauteur de vue."
Un monarque élu en Bulgarie
Les pays européens de tradition monarchiste ne se sont pas tous prononcés en faveur d'un roi dans le monde d'aujourd'hui, que ce soit comme figure d'identification à la nation ou comme garant de la démocratie. Quelques pays est-européens cependant ont évoqué une réintroduction de la monarchie après l'effondrement du communisme, mais l'idée n'a pas été mise en application. Seuls quelques rois exilés ou leurs descendants sont à nouveau entrés en politique et ont fondé des partis.
Parmi eux, c'est l'ex-roi Simeon II, alias Simeon de Saxe-Cobourg-Gotha, qui est allé le plus loin sur l'échiquier politique : il fut Premier ministre de son pays de 2001 à 2005. Son parti, le "Mouvement national Simeon II (NDSW)", fut partenaire junior de la grande coalition bulgare, mais, ne pouvant faire face aux dissensions internes, il quitta le gouvernement début décembre 2007.
Emil Spachijski commentait les faits sans états d'âme dans le quotidien Sega du 4 décembre 2007 : "En réalité, il s'avère que seul le roi est libre de faire ce qu'il veut. Simeon s'est fait passer pour un libéral, mais il pense et agit comme un roi. Je suis heureux que la Bulgarie ne soit pas une monarchie. Simeon de Saxe-Cobourg-Gotha a gouverné pendant quatre ans. Il fait désormais partie de l'histoire."
de Sabine Seifert
Eurotopics
28.12.2007
*La famille royale belge.
AP: Photo
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