François Fillon s'adresse aux français travaillant pour les institutions communautaires lors de sa visite de travail à Bruxelles le jeudi 14 avril 2011.
Mes chers compatriotes,
Cela fait longtemps que j’avais formulé le vœu de vous réunir, vous les Français qui travaillez dans les institutions européennes. Et la rencontre que je viens d’avoir avec Herman VAN ROMPUY et José Manuel BARROSO m’en donne enfin l’occasion.
Je voudrais vous remercier d’avoir répondu à l’invitation de notre représentant permanent, Philippe Etienne.
On me dit que ce genre de rencontre est rare.
Je l’ai voulue parce que le sort de la France dans l’Europe est très grande partie lié à votre engagement professionnel.
C’est un engagement passionnant, c’est un engagement exigeant, c’est un engagement parfois éreintant parce que la marche de l’Europe est parsemée d’embûches. C’est un engagement où se mêle une part d’idéal, parce que l’Union doit viser sans cesse plus haut pour ne pas régresser et ne pas succomber à ses travers.
Je voudrais vous dire que je ne regarde pas l’Europe comme une mécanique froide, mais comme un inlassable destin qu’il faut tracer jour après jour et vous en êtes, dans vos fonctions les acteurs.
On a souvent suspecté la France de négliger le fonctionnement quotidien de l’Europe, comme si ses rouages allaient de soi, comme si les idées et les projets s’imposaient naturellement.
Eh bien non, le fonctionnement de l’Europe est une affaire politique et cette affaire politique n’est pas dissociable de l’action que vous conduisez.
Je suis venu vous féliciter pour le travail que vous accomplissez ici.
Vous êtes nombreux à occuper des fonctions de responsabilité dans l’administration du Parlement européen, du Conseil, de la Commission et des autres institutions….
Au sein de ces organismes, vous êtes actifs, vous êtes estimés et votre sens de l’intérêt général dément les caricatures injustes que certains dressent à l’égard du fonctionnement de l’Union.
Je veux vous dire que votre engagement personnel au sein de l’Europe, c’est aussi l’engagement de la France.
C'est celui d’une France qui assume la nécessité de l’intégration européenne, qui est la seule réponse efficace aux défis de la mondialisation.
C'est celui d’une France engagée, qui travaille avec ses partenaires en tenant compte de leurs sensibilités.
Il est de bon ton de critiquer l’Europe, de la suspecter de tous les maux.
Il est de bon ton de dire qu’elle n’a plus de projet et de dénoncer les contradictions des Etats membres.
Toutes ces attaques insidieuses, tous ces préjugés, tout ce populisme, tout ce scepticisme qui entourent l’aventure européenne, je veux vous dire que les combats avec vous.
Je les combats au nom de l’avenir de notre continent qui possède en lui de belles promesses, je les combats au nom de la vérité et de la réalité.
Quelle est cette réalité ?
Pendant la Présidence française de 2008, en pleine crise économique, nous avons prouvé notre capacité à réagir, à travailler plus efficacement en faveur de l’intérêt général européen.
Récemment, nous avons montré notre capacité à agir sans relâche avec notre partenaire allemand et avec tous les Etats membres pour limiter les dégâts de la crise financière et de la crise de confiance qui a touché plusieurs pays de la zone euro.
On dit souvent que l’Europe se révèle dans l’épreuve.
Cette crise nous défiait. Eh bien, nous avons relevé le gant ensemble, qu’il s’agisse de la mise en place du Fonds européen de stabilisation financière, du mécanisme permanent de stabilité ou du Pacte pour l’euro.
Et à chaque fois, vous reconnaîtrez que la France a été au centre des impulsions et des décisions.
Vous avez été partie prenante de ces actes politiques. Sans vous, les décisions qui ont sauvé l’économie européenne et l’euro n’auraient pas pu être mises en œuvre.
Mais l’Histoire s’accélère.
Après la crise financière, après la récession économique, voici que de l’autre côté de la Méditerranée, une grande partie du monde arabe se dresse pour conquérir ses libertés.
L’Europe pouvait-elle demeurer indifférente ?
Pouvait-elle, comme autrefois, se satisfaire de son statut de grande puissance économique dépourvue de puissance diplomatique ?
Avec notre partenaire britannique, nous avons été à l’avant-garde européenne pour empêcher une répression sanglante de la révolution libyenne par le régime de Kadhafi.
Nous avons été à l’origine de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU puis des conclusions unanimes du Conseil européen sur la crise libyenne.
Une position européenne unanime sur cette crise, vous le savez, était loin d’être gagnée, et pourtant le sens de la responsabilité, le sens de la cohésion européenne, de l’audace collective l’a finalement emporté.
Eh bien, nous ne devons pas relâcher nos efforts sur le pouvoir libyen.
Dans ce pays, une espérance est née et cette espérance a valeur de symbole pour l’ensemble de la région et je crois que la vocation de l’Europe c’est de parier sur la victoire de la liberté et de la démocratie. Elle est d’imaginer et de bâtir un espace de progrès qui relie tous les rivages de la Méditerranée.
Soyons fiers de l’Europe, et soyez fiers de la servir.
Vous avez un devoir de loyauté à l’égard de l’administration européenne, et sans cette loyauté, l’Union ne pourrait pas fonctionner. Mais votre influence au sein des institutions est importante pour la France et pour les Français.
En apportant, comment dirais-je, une sensibilité française à cette administration qui, par ailleurs, nous doit tant, vous contribuez à la rendre plus légitime aux yeux de nos concitoyens à qui elle paraît souvent lointaine.
N’abdiquez jamais votre foi en l’Europe.
L’Europe c’est une construction complexe, mais c’est une réussite immense, et disons-le, c’est une réussite unique dans l’Histoire.
500 millions d’Européens qui n’ont cessé de se déchirer pendant des siècles et qui travaillent ensemble. Ils y parviennent sans autre contrainte que la volonté politique et la force du droit européen.
Il y a quelques jours, en inaugurant la Foire de Hanovre avec la Chancelière Angela MERKEL, j’ai dit ma conviction que le XXIème siècle sera beaucoup plus européen qu’on ne le dit. Alors que tellement d’observateurs prophétisent notre déclin, pourquoi est-ce que j’affirme cette conviction ?
Parce que je pense que durant les prochaines décennies, les conditions du progrès auront pour noms: l’innovation, l’éducation, le consensus social et démocratique.
Et ces conditions, elles sont puissamment réunies sur le continent européen, bien plus qu’ailleurs. Voilà pourquoi j’estime que la force singulière de l’Europe s’affirmera dans la mondialisation.
Bien sûr, nous sommes confrontés à d’immenses défis: le dynamisme de la Chine, de l’Inde, du Brésil qui bouscule notre ancienne suprématie, mais en même temps on voit que l’Europe s’organise et on voit que l’Europe s’est remise à faire de la Politique.
Face à la crise de la zone euro, nous avons, en quelques mois, fait plus de progrès en termes d’intégration financière, économique et budgétaire qu’en 20 ans !
Et cela a été possible grâce au dynamisme franco-allemand, grâce au Président permanent du Conseil européen, grâce à la Commission, grâce à la réactivité de la Banque centrale européenne.
Désormais, avec le Pacte pour l’euro, même la coordination fiscale est officiellement au programme.
Plus de coordination politique, plus de responsabilité budgétaire, plus d’innovation, plus d’harmonisation fiscale, moins de naïveté face à nos grands concurrents: voilà l’Europe à laquelle nous devons nous consacrer.
A tous nos défis, s’est ajouté celui de la catastrophe de Fukushima.
Les principaux Etats membres ont réagi de façon, comment dirais-je, un peu dispersée.
Mais j’ai confiance dans la capacité européenne à tirer les leçons de Fukushima, sans renier ses engagements en faveur de la lutte contre le changement climatique et en respectant le droit de chaque Etat membre à choisir son bouquet énergétique.
Le 25 mars, le Conseil européen a rendu des conclusions unanimes sur ce sujet.
Des tests de résistance crédibles vont être menés sans délai pour toutes les centrales nucléaires européennes, dans un cadre européen coordonné.
Je veux vous dire que la France continue à croire à l’avenir de l’énergie nucléaire civile. Mais elle y croit à condition que soient assurées les plus hautes normes de sûreté pour les centrales présentes et futures.
Et, comme vous avez pu le constater, malgré certaines divergences bien connues, la France et l’Allemagne ont finalement défendu les mêmes amendements sur ce sujet lors du Conseil européen.
Mesdames et Messieurs,
Les espoirs des citoyens européens sont tournés vers leurs responsables politiques, mais ils sont aussi tournés vers vous.
Derrière les projets de directive ou de règlement, derrière des notifications d’infractions, c’est finalement d’eux qu’il s’agit.
Bien sûr, vous allez me dire que vous n’êtes pas les législateurs.
Mais votre rôle est considérable et vous devez conserver en vous cette capacité d’écoute, cette réactivité qui font parfois défaut à nos institutions européennes.
C’est vous qui pouvez dire si une mesure est vraiment nécessaire; si elle ne crée pas plus de problème qu’elle ne cherche à en résoudre; c’est vous qui devez et qui pouvez mesurer l’image que vos initiatives donnent de l’Europe.
Nous ne sommes qu’au début du développement des études d’impact.
Je pense qu’elles devraient être complétées par des études spécifiques à chaque Etat membre, en coordination avec la Commission.
Je voudrais dire aussi qu’il faut encourager davantage les échanges de fonctionnaires entre la Commission et les Etats membres.
Vu de France, certaines orientations de la Commission apparaissent parfois incompréhensibles.
Je me souviens de la difficulté que j’ai eue à faire comprendre à Bruxelles, lors du débat sur le budget de l’UE pour 2011, que l’on ne peut pas proposer près de 6% d’augmentation des crédits de paiement alors qu’en France les moyens des ministères sont soumis au gel.
Je crois que ces échanges de fonctionnaires permettraient aux agents des administrations nationales de mieux comprendre les contraintes qui pèsent sur les institutions européennes.
Vous oeuvrez pour 27 Etats, pour 500 millions d’Européens. Vous seriez mieux compris dans les capitales si plus de fonctionnaires venaient travailler quelque temps avec vous, au-delà du système des «experts nationaux détachés», qui est utilisé avec beaucoup d’intérêt par l’administration française.
Je suis venu parmi vous, pour vous dire, mes chers compatriotes, que la France est et restera résolument européenne.
Elle le restera parce que l’Europe nous protège.
Sans l'Euro, la dette française serait insoutenable, le pouvoir d'achat des Français en pâtirait et la valeur de nos biens serait brutalement réduite.
La France restera européenne parce qu’elle y gagne des moyens indispensables pour faire entendre sa voix dans le monde.
Sans l'Union européenne, c’est toute notre politique étrangère qui perdrait de sa portée dans les négociations internationales, commerciales, financières et environnementales.
Sans le marché unique et sans les règles du marché unique, pas de croissance possible pour les grandes entreprises françaises.
Sans l'Union, la France se replierait sur son pré carré et alors elle subirait de plein fouet les vents de la mondialisation.
Mais j’ai aussi la conviction que l'Union n’est encore qu’à mi-chemin de son potentiel.
L’Europe a besoin d'une zone Euro plus stable, plus compétitive, plus prospère.
Il nous faut aussi conduire ensemble plus d'aventures industrielles européennes, plus de succès comparables à celui d’Airbus.
Il faut une recherche européenne, un brevet de l’Union européenne, un système européen de capital risque, une excellence européenne en matière d’enseignement supérieur.
Dès maintenant, je crois que nous pouvons préparer, par la culture, par l'éducation, ce qui au fond est le but de notre projet européen, c’est-à-dire, l'émergence d'une identité européenne au sein de laquelle les Français et tous les peuples de l’Union seraient fiers de leurs réalisations communes.
Pour faire advenir cette Europe plus forte, plus fraternelle, je sais que je peux compter sur l’engagement de chacun d’entre vous. Et c’est le message de confiance, d’amitié et de respect que je voulais aujourd’hui partager avec vous.
Bien à vous,
Morgane BRAVO
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