*** Nicolas SARKOZY - Mesdames et Messieurs, je voudrais vous dire le plaisir que j'ai eu à recevoir Gordon BROWN. Gordon BROWN est reçu, ici, en France, en ami. Il est reçu en ami d'abord parce qu'il est le Premier ministre d'une grande nation amie, ensuite parce que c'est un homme avec qui j'ai beaucoup travaillé lorsque j'étais ministre des Finances. Je veux dire aux Français que Gordon BROWN a été l'un des plus brillants ministres des Finances d'Europe. Il est resté dix ans à ses responsabilités et il a conduit l'économie britannique de succès en succès. C'est donc un homme que j'apprécie beaucoup et que je connais bien, que j'ai reçu ce matin. Je veux d'ailleurs le remercier d'être venu si rapidement. Je dois d'ailleurs dire qu'il voulait venir encore plus rapidement et que cela n'a pas été possible par notre faute, car il y avait la rencontre avec Angela MERKEL à Toulouse. Gordon voulait venir au déjeuner mais nous étions déjà à Toulouse et cela n'a pas été possible. Je veux l'en remercier.
Nous avons évoqué avec nos amis Britanniques de nombreux de dossiers. Je les résumerai en quelques mots avant que Gordon lui-même dise ce qu'il en pense, et de répondre à vos questions.
D'abord, nous voulons prendre des initiatives très fortes pour la défense de l'environnement et le respect des équilibres de notre planète. Comme vous le savez, c'est un combat ancien de la part de Gordon BROWN et nous allons demander aux deux ministres des Finances britannique et français de se rendre à la Commission dans les plus brefs délais pour proposer à nos partenaires européens que tous les produits écologiques propres bénéficient d'une TVA à taux réduit. Je prends un exemple : il est quand même anormal qu'une voiture qui pollue coûte moins cher qu'une voiture qui ne pollue pas. C'est une initiative franco-britannique qui nous permet de montrer l'exemple sur un cas concret. Je voudrais également dire que nous allons agir sur la question du Darfour, sur laquelle Gordon est extrêmement engagé, comme la France. Nous allons défendre un même projet de résolution devant la Nations Unies et nous allons demander à nos deux ministres des Affaires étrangères de porter le même message. Ce message est simple : la situation ne peut plus durer, il y a urgence. Des gens meurent et des gens souffrent, il faut que cela cesse. Gordon expliquera le détail de cette résolution. Je voudrais dire que nous sommes même prêts, si la résolution était votée, à nous rendre au Darfour, au Tchad et au Soudan, ensemble.
Nous allons également créer un comité commun qui se réunira tous les trimestres pour échanger des renseignements en matière de lutte contre le terrorisme. Nous voulons renforcer nos méthodes de travail et notre coopération.
Enfin, nous allons travailler sur les questions de défense, dans la perspective du prochain sommet britannique-français qui se tiendra cet automne au Royaume-Uni, avant la fin de l'année 2007.
Vous le voyez, nous avons bien travaillé ensemble. Nous échangeons au téléphone quasiment chaque semaine et je puis vous dire que sur l'ensemble des dossiers évoqués, nous avons une volonté commune de travailler ensemble, d'affermir les liens entre le Royaume-Uni et la France, de prendre des initiatives pour que l'Europe aille de l'avant.
Gordon BROWN - J'aimerais tout d'abord dire que c'est un immense privilège que de venir à Paris si vite après avoir pris mes fonctions de Premier ministre britannique, pour renouer les liens d'amitié avec le Président SARKOZY, pour le féliciter de tout ce qu'il a fait pour la France, pour l'Europe, pour le reste du monde, et pour dire comme lui que les relations entre nos deux pays continueront de s'améliorer dans les années qui viennent. Cela fait 103 ans que l'Entente cordiale a été signée entre la France et la Grande-Bretagne. Je pense que nous entrons dans un deuxième siècle de coopération sur un grand nombre de questions sur lesquelles nous allons pouvoir faire avancer, non seulement nos pays, mais le monde entier. Nicolas SARKOZY a été un brillant ministre des Finances et j'ai beaucoup aimé travailler avec lui sur une vaste gamme de questions internationales et sur la question du renforcement de la prospérité de nos économies. Il a également été un ministre de l'Intérieur tout à fait brillant et il est maintenant un Président remarquable qui a, je pense, un impact énorme sur tous nos pays par son engagement à relever les grands défis de l'avenir.
Effectivement, nous avons parlé de plusieurs domaines dans lesquels nos pays pourront travailler ensemble plus étroitement pour relever des défis non seulement pour le bien de nos pays mais pour toute notre région et le monde entier.
Tout d'abord, nous avons parlé de questions de terrorisme et de sécurité. Ensemble, nous constituons un groupe de travail pour échanger des informations de façon régulière et pour traiter des causes et des conséquences du terrorisme et des menaces qui pèsent sur la sécurité de nos deux pays. Je pense que c'est là un des grands défis que nous devons relever, pas simplement dans les années mais dans les décennies à venir et je suis convaincu qu'il est effectivement fondamental que nos deux pays mettent en commun leurs expériences et travaillent main dans la main pour combattre ce fléau.
Le deuxième domaine dans lequel notre coopération va être renforcée immédiatement, c'est l'économie et l'environnement. La France a énormément contribué au débat sur le changement climatique. Nous nous réjouissons à l'idée de travailler ensemble pour obtenir un accord mondial sur la réduction des émissions de carbone, qui permette d'atteindre les seuils que nous nous sommes fixés. Aujourd'hui, on a parlé d'une initiative qui envoie un message très fort sur ce que nous pensons de la pollution, sur ce que nous pouvons faire concrètement, tout de suite, pour améliorer la situation environnementale de notre continent. Nous allons chacun envoyé nos ministres des Finances devant la Commission pour expliquer que nous ne pouvons plus attendre. Les consommateurs doivent être encouragés à acheter des produits propres, bons pour l'environnement, qui en tout cas qui ne nuisent pas à l'environnement. Nous avons donc proposé de réduire le taux de TVA sur les produits propres, qu'il s'agisse de réfrigérateurs ou d'autres produits qui pourraient être moins nocifs pour l'environnement. Nous espérons que cette initiative pourra être soutenue par tous les autres pays européens. Nous allons présenter cette initiative à la fois à la Commission et au Conseil des Ministres européen. Je suis convaincu qu'à l'avenir, la contribution de la science, des investissements plus lourds, plus importants, les échanges en matière de carbone et d'émissions et de permis seront autant d'initiatives qui nous permettront de faire avancer le débat sur la protection de l'environnement.
Le troisième domaine dans lequel la France a déjà pris le pas, c'est le drame humanitaire au Darfour. 2 millions de personnes ont été déplacées, 4 millions de personnes souffrent de la menace de la famine et dépendent entièrement de l'aide alimentaire. 200.000 personnes ont péri d'ores et déjà dans ce pays déchiré par le conflit, par la guerre, et où la guerre est endémique en quelque sorte. Les générations futures nous poseront des questions, nous serons redevables. Nous serons responsables devant les générations futures et nous devrons répondre à la question de savoir pourquoi nous n'avons pas agi et si nous avons tout fait pour résoudre les problèmes qui persistent dans cette région. Je soutiens les initiatives prises par le Président SARKOZY et nous pensons qu'en travaillant ensemble, main dans la main, nous pourrons d'abord obtenir une résolution des Nations unies qui permettra à la force hybride de l'Union africaine et des Nations unies d'arriver rapidement dans la région. Nous pensons que cette résolution doit être adoptée rapidement et c'est la raison pour laquelle nous allons envoyer nos deux ministres des Affaires étrangères à New York, dès que possible, pour dire l'importance que nous attachons à cette résolution et à un cessez-le-feu. S'agissant du cessez-le-feu, nous allons nous y attacher dès maintenant. Nous sommes prêts, d'ailleurs, à y mettre des sommes considérables sous forme d'aides économiques, dès qu'un cessez-le-feu nous permettra effectivement de redévelopper et de reconstruire la région. Nous serons fermes. Nous dirons que s'il n'y a pas de progrès réels et tangibles, il sera nécessaire de durcir un certain nombre de sanctions pour amener les autorités du pays à agir. Comme l'a dit le Président SARKOZY, une fois que les Nations Unies auront adopté la résolution, nous serons prêts à nous rendre personnellement au Darfour pour nous assurer que le processus de paix avance, pour dire que nous contribuerons à la reconstruction économique, et pour faire comprendre au gouvernement que la communauté internationale attend une action pour protéger les vies humaines et pour reconstruire le pays. Il s'agit effectivement de l'un des grands drames humanitaires de notre génération. Au moment même où nous parlons ici, dans cette salle, le drame se poursuit. Il est important que nous agissions. Nous pensons travailler avec d'autres pays au sein de l'Union européenne, avec les Etats Unis et la Chine également. Nous devons agir d'urgence.
Le Président SARKOZY et moi-même, comme vous l'aurez compris, avons beaucoup en commun et partageons les mêmes vues sur ce qu'il faut faire pour relever les grands défis de notre temps. Nous allons travailler ensemble pour renforcer nos économies. Nous allons coopérer dans la lutte contre le terrorisme et nous allons travailler ensemble pour voir si nous pouvons enfin créer un monde plus prospère, plus sûr, un monde de paix. Nous comprenons que la France et la Grande-Bretagne ont un vrai devoir envers le reste du reste. C'est un privilège que d'être ici avec le Président SARKOZY aujourd'hui.
QUESTION - Monsieur BROWN vous avez dit à Madame MERKEL que vous envisagiez éventuellement l'adoption par la Grande-Bretagne de la monnaie unique. Est-ce que vous y réfléchissez ? Qu'en est-il exactement ?
Gordon BROWN - Nous avons un débat sur la monnaie unique depuis quelques temps déjà. Il y a quelques années, j'ai du faire une recommandation au Parlement britannique pour savoir s'il y allait de notre intérêt de rejoindre la zone euro. A ce moment-là, nous avons décidé que ce n'était pas bon pour l'économie britannique vus les critères de convergence. C'est clair que nous y réfléchissons de façon continue. Je ne peux pas dire qu'il y ait des propositions précises pour adopter la monnaie unique dans un futur immédiat. Je peux dire que notre coopération sur le plan économique et environnemental permet de renforcer les liens entre la Grande-Bretagne, la France, la Grande-Bretagne et l'Europe. Si nous pouvons effectivement prendre des mesures qui renforcent et qui rendent plus prospères nos économies, si nous pouvons adopter une TVA réduite qui rende plus flexible et plus souple un certain nombre de critères, effectivement nous pourrons y réfléchir. Je pense que la conférence intergouvernementale portera notamment sur la façon de renforcer l'économie européenne pour faire de l'Europe un acteur à part entière sur la scène mondiale. Cela fait partie d'un tout : la réforme du marché intérieur, la façon d'obtenir plus de croissance grâce à une plus grande flexibilité à l'avenir. Sur ce plan là, nous pourrons prospérer et envisager plusieurs possibilités dans les mois à venir.
QUESTION - Ma première question s'adresse au Premier Ministre. Il paraît clair aujourd'hui que personne ne sera condamné dans l'affaire du financement des partis politiques britanniques (cash for honours inquiry). J'aimerais avoir votre réaction sur ce sujet. Pensez-vous qu'il est temps de réformer les modes de financement des partis politiques en Grande-Bretagne ?
Ma seconde question d'adresse au Président SARKOZY. Il apparaît que le Premier ministre Gordon BROWN et vous n'avez pas la même vision de la mondialisation et de la question de la concurrence. Qu'en pensez-vous ?
Gordon BROWN - Je me rappelle très bien du jour où le Président SARKZOY est venu en Grande-Bretagne pour parler de la question de la concurrence et défendre l'intérêt des Français, des entreprises françaises ainsi que des entreprises britanniques. On a parlé, on vous l'a dit, de TVA, d'environnement, de prospérité. Je pense que nous avons énormément de choses en commun. Evidemment, il y a la question des échanges commerciaux et je pense, j'espère surtout, que nous pourrons obtenir un accord au sein de l'OMC qui sera positif pour l'économie mondiale et pour nos économies nationales. Je ne peux pas vraiment répondre à votre question sur les enquêtes en cours, précisément parce qu'elles sont en cours donc il ne m'appartient pas de me prononcer. Je sais que c'est un dossier très sérieux et j'espère qu'après des mois de spéculation, nous pourrons tirer un trait sur cette question. En ce qui concerne le financement des partis, un certain nombre de propositions ont d'ors et déjà été faites et j'espère que nous pourrons avancer rapidement sur cette question dans notre pays.
Nicolas SARKOZY - Je voudrais rassurer nos amis britanniques, je n'ai rien contre la concurrence. Nous sommes d'ailleurs en train de mettre en œuvre des réformes qui permettront à l'économie française d'être plus efficiente et plus moderne. Mais il est vrai que je me suis battu pour que la concurrence reste un moyen et pas une fin. Cela ne remet pas en cause les bienfaits de la concurrence mais je simplement rappeler que le but de l'Europe, c'est le plein emploi, c'est la croissance, c'est la création de richesses. La concurrence est un moyen pour y arriver, de même que les échanges commerciaux. Comme Gordon BROWN, je crois à la mondialisation, je crois au libre-échange. Mais, Madame, je vais vous dire les choses très simplement : je crois aux échanges commerciaux loyaux, pas déloyaux. Je crois à la concurrence équitable, pas injuste. L'Europe ne peut pas être la seule partie du monde qui joue le jeu face à d'autres parties du monde qui adoptent d'autres règles. Je prends des exemples. Nous voulons, avec Gordon, respecter l'équilibre de la planète. Nous demandons donc que toutes les parties du monde respectent les équilibres de la planète. Nous voulons ouvrir nos marchés, donc nous demandons que toutes les parties du monde ouvrent leurs marchés. La concurrence, oui, mais une concurrence loyale. L'ouverture, oui, mais sur la base de la réciprocité. Je suis partisan d'un discours européen fort en la matière.
QUESTION - Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Président, avez-vous évoqué la construction en commun d'un porte-avions ?
Nicolas SARKOZY - Naturellement, nous avons parlé de questions de défense ensemble. Nous en avons parlé dans la perspective du prochain sommet franco-britannique qui aura lieu en Angleterre. Nous avons besoin de travailler tranquillement, dans la discrétion, pour aboutir à un certain nombre de résultats. Je dois moi-même revoir l'ensemble des programmes de la défense française pour rendre un certain nombre d'arbitrage. Notre volonté de travailler avec les Anglais est totale et la crédibilité de la défense européenne repose sur la collaboration entre le Royaume Uni et la France. Donc, nous en avons parlé et nous travaillons très bien ensemble. Il y a des perspectives. Nous avons un calendrier mais je crois que, pour l'instant, moins on en dit et plus on a de chances de progresser dans les semaines qui viennent.
Gordon BROWN - La question des marchés publics en France est entièrement entre les mains des autorités françaises. Si une commande est passée, c'est leur décision souveraine. Nous nous réjouirions d'une décision qui irait dans ce sens, mais c'est une décision qui revient aux autorités françaises. Si, effectivement, nous pouvions avoir un projet commun et conjoint, nous serions ravis.
Nicolas SARKOZY - Nous avons des ambitions communes. Il y a même une idée sur la table qui est excellente, vous l'avez citée, le porte-avions. Je dois simplement conduire une réforme du Ministère de la Défense avec Hervé MORIN, et procéder à des choix budgétaires. Avec Gordon BROWN, nous avons convenu que nous pourrions faire des annonces au moment du Conseil franco britannique.
QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, l'environnement, le Darfour et l'économie : tous ces grands sujets dont vous venez de parler sont liés avec la Chine. Que pensez-vous faire avec la Chine pour résoudre tous ces problèmes ? Que pensez-vous des relations actuelles entre la Chine et la France, et entre la Chine et la Grande Bretagne ? Par ailleurs, pouvez-vous nous dire quelques mots sur la relation avec la Russie ?
Gordon BROWN - Vous savez que nous avons dû prendre des décisions difficiles s'agissant du cas LITVINENKO. Nous n'admettons pas une situation où on assassine un citoyen britannique sur le sol britannique. Notre magistrature a identifié une personne que nous souhaitons traduire en justice et nous ne pouvons pas le faire parce que les autorités russes refusent pour l'instant de l'extrader vers la Grande Bretagne. C'est la raison pour laquelle nous avons pris les décisions que nous avons prises, les mesures que nous avons prises, qui visent principalement à protéger nos citoyens et à faire en sorte de rétablir l'ordre public dans nos rues.
S'agissant de la Chine, nous avons d'excellentes relations avec les autorités chinoises et avec la Chine. Nous avons d'ailleurs eu une conversation avec les dirigeants chinois sur un certain nombre de questions, discussions qui furent fort utiles. Sur le Soudan, lorsque vous avez 2 millions de personnes déplacées, 4 millions de personnes qui vont peut-être mourir de faim si nous ne leur mettons pas une aide alimentaire à disposition, je pense qu'il est urgent que nous agissions tous. J'espère que la Chine, l'Union Européenne, les Etats-Unis et d'autres pays travailleront ensemble pour reconnaître qu'il y a urgence à agir vite. Nous sommes venus ici pour discuter de bon nombre de questions. Vous savez, quand une catastrophe humanitaire se produit sous nos yeux, et quand on peut même calculer le nombre de gens qui risquent de mourir jour après jour, nous avons le devoir d'agir. J'espère que nous allons avoir une résolution des Nations Unies, qui sera soutenue par la Chine, par les Etats-Unis et par tous les autres les mêmes membres du Conseil de Sécurité. Effectivement, nous allons mettre la pression nécessaire sur les autorités soudanaises pour qu'elles agissent. Nous sommes prêts à mettre à disposition une aide économique pour permettre aux gens qui ont tant souffert de reconstruire leur pays. Cette aide sera mise à disposition par plusieurs pays, mais nous ne pouvons pas rester les bras ballants et simplement regarder ce drame sans agir. Je pense que le fait que Monsieur KOUCHNER se soit déjà rendu aux Darfour, comme notre propre Ministre britannique du Développement International, montre à quel point nous prenons cette situation au sérieux. Nous allons envoyer nos Ministres des Affaires Etrangères à New York de façon à ce que cette résolution puisse être adoptée le plus rapidement possible. Comme l'a dit le Président, nous sommes prêts à aller au Darfour nous-mêmes, physiquement, pour faire en sorte que cette souffrance cesse.
Nicolas SARKOZY - Vous savez combien la France a été solidaire de nos amis britanniques. C'est une question de principe, nous avons été solidaires d'eux. Moi, je crois à la solidarité des démocraties lorsqu'il y a un problème de cette nature. On ne pouvait pas faire autrement et je ne regrette pas ce choix de la solidarité.
A propos de la Chine, je veux dire que nous avons besoin de la Chine. Comme l'a dit Gordon, au Darfour, la Chine peut avoir une influence déterminante pour obliger à la paix. Nous voulons travailler avec les chinois. Je veux dire également combien je crois à l'importance des Jeux Olympiques de Pékin. C'est un évènement mondial, et je suis sûr que les chinois auront à cœur d'organiser cet évènement dans les meilleures conditions. Nous avons deux problèmes avec la Chine. Le premier, c'est la valeur du yuan. C'est une question dont je souhaite pouvoir parler avec nos amis chinois, parce que c'est une question importante que la façon dont la parité des monnaies est organisée. Deuxièmement, un empire, un grand pays comme la Chine doit participer au respect des équilibres de la planète. C'est une question essentielle. Il ne s'agit pas de donner des leçons à qui que ce soit, mais qui peut imaginer que la Chine, que l'Inde, que l'Indonésie, que les grands pays émergents soient absents d'une affaire aussi importante que le réchauffement planétaire. Vous savez, si le niveau des eaux monte à cause du réchauffement planétaire, les premiers pays qui auront à faire face à des centaines de milliers de victimes, ce sont ces pays là. Donc nous devons continuer le dialogue avec eux pour faire avancer cette cause. Naturellement, le Royaume Uni et la France ne vont pas résoudre le problème de réchauffement climatique et des équilibres planétaires à eux deux. Peut-être une dernière question ?
QUESTION - Monsieur le Premier ministre, n'avez-vous pas des raisons de penser que les autorités soudanaises recommenceront une fois de plus à tergiverser après être entrées dans le processus ? Un Premier ministre britannique s'est déjà rendu au Soudan, il avait parlé aux autorités soudanaises, pensait avoir un accord, et il ne s'est rien passé au final.
Gordon BROWN - Je pense que nous attachons tellement d'importance à cette question que nous sommes prêts à préparer une vraie stratégie pour l'avenir. Il ne faut se limiter à dire aux autorités soudanaises qu'il faut qu'elles agissent. Nous parlons ici d'une stratégie beaucoup plus complète qui consiste à réussir à faire adopter une résolution des Nations Unies et obtenir un cessez-le-feu sur le terrain. Notre stratégie inclut également une véritable aide économique à la reconstruction du pays pour rétablir l'ordre, la sécurité et la prospérité. Nous sommes tout à fait prêts à envisager des sanctions par le biais des Nations Unies pour nous assurer que les actions que nous demandons aux autorités soudanaises soient effectivement engagées. Il ne s'agit pas simplement d'une demande, d'une requête, c'est un plan d'action qui va être défendu par nos Ministres des Affaires Etrangères aux Nations Unies. Je pense que c'est la première fois qu'on annonce qu'un Premier ministre et un Président se rendront dans la région pour parler concrètement des problèmes qui s'y posent. J'aimerais dire qu'après plusieurs années de conflit, avec un nombre des victimes tout à fait inacceptable et presque 2 millions de personnes déplacées, il est urgent d'agir. Nous ne pouvons plus attendre. Nous ne pouvons attendre plus d'un mois pour que les Nations Unies adoptent cette résolution. Nous n'avons pas ce luxe. Il faut que nous agissions vite pour que la situation s'améliore nettement, et clairement. Voilà le plan d'action dont nous espérons qu'il sera mis en œuvre rapidement et avec la détermination de nos deux pays.
Nicolas SARKOZY - Ce n'est pas parce que ça n'a pas marché qu'on doit renoncer. Ce n'est pas parce que nous y irons que ça marchera forcément, mais j'aimerais que l'on m'explique comment cela marchera si l'on ne s'en occupe pas ? Deuxièmement, les acteurs, même sur place, nous disent de renforcer la pression. J'ai reçu hier le Président tchadien, Monsieur Idriss DEBY, qui m'a dit qu'il fallait renforcer la pression maintenant, pas simplement sur les Etats de la région, mais aussi sur les rebelles qui se trouvent en nombre dans la région. En tout cas, ce que nous disons avec Gordon BROWN, c'est qu'on ne peut pas rester sans rien faire. Il y a des gens qui meurent. Il y a véritablement une catastrophe de grande ampleur humanitaire. Bien sûr que c'est difficile mais, si on ne fait rien, quelle responsabilité prenons-nous ? Et qu'est-ce qu'on attend de nous ? Qu'on reste simplement à regarder les images à la télévision, en disant que c'est dommage ? Non. Nous ne pouvons pas nous résoudre à cette catastrophe. Nous disons qu'il faut que ça bouge, il faut que ça change. Nous voulons le faire en aidant à la reconstruction, en aidant à la constitution d'une force hybride. Comme l'a dit Gordon, s'il y a des gens qui ne veulent pas comprendre qu'on ne peut pas jouer avec des vies humaines, on donnera des sanctions et on prendra des sanctions. Voilà les responsabilités que nous prenons. Nous ne voulons pas gérer les affaires des Africains à leur place. Et nous nous passerions bien d'avoir à nous préoccuper de cette question. Mais en même temps, il faut peut-être qu'il y ait des gens de bonne volonté qui disent que maintenant, ça suffit. C'est ce qu'a fait Bernard KOUCHNER avec mon plein soutien. C'est ce qu'on essaye de faire : mobiliser les énergies jusqu'aux chinois pour obtenir des résultats. On ne peut pas vous garantir le succès, mais on a décidé d'agir.
Palais de l'Élysée, Paris,
le vendredi 20 juillet 2007