vendredi, juillet 27, 2007
*À Dakar, Sarkozy prône une immigration régulée*
*** Lors de sa première visite présidentielle en Afrique subsaharienne, le chef de l'État a souligné que la France ne peut pas "accueillir tout le monde".
DEBOUT dans la limousine présidentielle, Nicolas Sarkozy envoie des baisers à la foule massée le long du boulevard de la République. Pour son premier déplacement en Afrique subsaharienne en tant que président de la République, il découvre et apprécie l'accueil « à l'africaine » mélangeant folklore et mobilisation militante. Le président sénégalais, Abdoulaye Wade, prend son hôte par la main et salue ses partisans, avant d'entrer avec lui dans le palais présidentiel. La sono crache des chants africains. Les femmes et les enfants agitent des drapeaux français et des portraits du président Sarkozy.
Le « comité d'accueil » a fait son travail, sans plus. En 2005, pour Jacques Chirac, la foule était nettement plus nombreuse. Car le discours sans concession de son successeur sur l'« immigration choisie » passe mal dans la capitale sénégalaise. Nicolas Sarkozy n'a pas voulu se dérober à ce sujet, qui a tendu les relations entre Paris et Dakar, avant que Sarkozy et Wade ne signent un accord inédit sur la maîtrise des flux migratoires en septembre 2006.
Interrogé hier par la presse sénégalaise sur un futur nouveau durcissement des conditions d'entrée en France, le chef de l'État s'en est remis aux chiffres pour couper court à la polémique. La France a accepté 83 % des demandes de visa qui lui ont été soumises. « Je ne suis pas sûr que tous les pays du monde en fassent autant. Je vous invite à méditer ces chiffres », a averti Nicolas Sarkozy, manifestement agacé. Il a souligné que près de 10 000 étudiants sénégalais suivent une formation en France. « Ce n'est pas rien. C'est même la première nationalité. Mais à quoi cela servira-t-il de les garder ? L'Europe et la France ne doivent pas piller les élites africaines », a-t-il insisté, justifiant encore son concept d'immigration choisie.
À Dakar, le chef de l'État n'a pas voulu céder un iota sur le terrain de l'immigration, dont il a fait un des thèmes forts de sa campagne présidentielle. « La France n'a pas à rougir de ce qu'elle fait et qu'elle continuera à faire. Mais il faut le dire ici, nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. » Fidèle à son tempérament, il a lancé, en forme de critique implicite à son prédécesseur : « Je n'ai pas deux langages. Je ne viens pas en Afrique pour tenir un discours différent qu'à Paris. »
En fin de journée devant les étudiants de l'université Cheikh Anta Diop, le président a remis le sujet sur la table, dans une longue adresse lyrique à la « jeunesse africaine », qui a été accueillie fraîchement. « Je sais l'envie de partir qu'éprouve un si grand nombre d'entre vous, confrontés aux difficultés de l'Afrique. Je sais la tentation de l'exil », a poursuivi le fils d'émigré hongrois.
« Crime contre l'humanité »
Tout en reconnaissant les « souffrances » des jeunes Africains que « rien ne retiendra », Nicolas Sarkozy ne croit pas que les « difficultés de l'Afrique soient la seule raison qui pousse la jeunesse à partir ». Il ajoute, dans un discours moins paternaliste que la tradition française mais inhabituellement peu concret, que la jeunesse africaine « veut conquérir le monde, échapper à la pesanteur des habitudes ». Dans son discours, le président de la République n'élude pas le passé colonial : « Je ne suis pas venu effacer le passé. Je ne suis pas venu nier les fautes, ni les crimes », répétant que la traite négrière est un « crime contre l'humanité ». Sans surprise, il souligne qu'il n'est pas venu parler de « repentance ». Cela ne l'empêche pas de souligner « l'erreur » de la colonisation, les « pillages » et le sentiment de supériorité des Européens. Il n'oublie pas de rappeler les apports de la culture africaine aux arts contemporains universels.
À Dakar, Nicolas Sarkozy n'a pas voulu « ressasser le passé mais regarder ensemble vers l'avenir ». Il a conclu avec ce message : « La France ne décidera pas à votre place. » Une des rares passages très applaudis, surtout lorsque le président a renchéri : « Voulez-vous que l'argent soit investi au lieu d'être détourné ? Si vous le voulez, alors la France est prête à le faire avec vous. »
De nos envoyés spéciaux à Dakar TANGUY BERTHEMET et BRUNO JEUDY.
Le Figaro
Publié le 27 juillet 2007
*Photo : Le président français Nicolas Sarkozy et son homologue sénégalais Abdoulaye Wade.