Témoignages.
La plupart sont arrivés en costume ou tailleur, une pochette de CV sous le bras. A la recherche d'un emploi, plusieurs centaines de "seniors" se pressaient mardi au forum de recrutement organisé au Centquatre, à Paris. Certains écument les salons depuis des années. D'autres n'avaient plus fait de recherche depuis parfois trente ans. Comme Jean, l'un des quelques 482 000 chômeurs français de plus de 50 ans, qui a dû réapprendre à chercher un emploi. Ancien cadre haut placé dans le secteur maritime, il a commencé "par faire marcher le réseau, essayer de retrouver du travail par contacts". "Et puis, quand on voit que ça ne donne rien, on commence à refaire un CV, explique t-il. On me dit que je coûte trop cher. Quelques entreprises étaient intéressées par mon profil mais aucune ne pouvait financer un tel poste sans déductions de charges. »Un taux d'emploi parmi les plus bas d'Europe Selon une étude publiée mi-novembre par le cabinet Mercuri Urval, 26% des entreprises annoncent s'engager sur des objectifs de recrutement de seniors ou prévoient des quotas d'embauche. Mais de l'intention à l'acte, le fossé est encore large : seuls 6% des entreprises ont recruté des seniors ces six derniers mois. La France a un des taux d'emploi des 55-64 ans les plus faibles d'Europe (39%) contre jusqu'à 70% en Suède ou en Norvège.
Elisabeth n'a même pas cette chance. A 56 ans, cette contrôleur de gestion répond à toutes les offres mais n'obtient jamais de réponses. En février, son entreprise, en difficultés économiques, a dû licencier. Elle a donc repris et actualisé un CV, rédigé seize ans plus tôt. "J'envoie des candidatures spontanées par courrier, pour essayer de sortir du lot", raconte t-elle. Mais les mois passent et la motivation s'étiole. "Je vais peut-être devoir chercher dans d'autres domaines que le mien. Je pourrais trouver dans le monde associatif ou donner des cours mais la rémunération tomberait à 20% à peine de ce que je touchais avant...", explique Elisabeth qui s'est fixée de ne pas accepter un emploi à un salaire inférieur de plus de 50% à ce qu'elle touchait avant. "Ce sont des activités que j'envisageais de faire en retraite mais pas si tôt", conclut t-elle.Repartir à zéro Près des photocopieuses où les visiteurs reproduisent leurs dossiers, Mauricette, 58 ans, et Amélie, 54 ans, font le point sur leurs recherches. "C'est vraiment difficile", commente la première de ces deux ex-collègues, comptables dans une entreprise des télécoms placée en liquidation judiciaire. "On me dit qu'il faut que je reprenne ma carrière à zéro, que je dois être mobile géographiquement et qu'il faut savoir s'adapter. Et ce de la part de conseillers ou de recruteurs qui n'ont même pas trente ans et vous expliquent que vous êtes resté trop longtemps dans la même boîte, qu'il fallait bouger plus tôt, énumère t-elle. ça vous met le moral à zéro." Comme nombre de seniors, elle se voit proposer des emplois payés au smic, après 41 ans de travail dont 28 dans la même entreprise. "On a un vrai savoir-faire et pourtant les postes que l'on nous propose n'en tiennent pas compte, poursuit Amélie. Je pourrais faire de la formation par exemple mais le problème c'est que j'ai appris en partie sur le tas et que les recruteurs ne se basent que sur les diplômes."
Peu de CDI Il n'y a pas que les revendications salariales des seniors qui effrayent les recruteurs. "Je me demande parfois si embaucher des salariés trop expérimentés ne leur fait pas peur, s'interroge Espéré, 54 ans, cadre dans l'informatique. Ils ont peur de recruter en externe des gros calibres qu'ils ne connaissent pas et qu'ils ne sauront peut-être pas bien intégrer, c'est aussi une question de rapports de force au sein des équipes..."
Peu d'entreprises présentes sur le forum proposent d'ailleurs des postes stables et à temps plein, mais plutôt des solutions de portage salarial, des missions ponctuelles ou des emplois d'agents indépendants sous franchise. "Ces postes conviennent plutôt à des retraités qui voudraient compléter leurs revenus", reconnaît Marie Thomas, directrice régionale d'une société de vente à domicile. "On nous propose surtout des petits boulots. Ca peut être utile à des gens qui sont à un an ou deux de la retraite mais ça ne contribue pas à l'emploi des seniors", regrette Ali, informaticien de 47 ans. Au stand d'une société informatique, un chargé de recrutement jette un oeil à la vingtaine de CV que lui ont remis les visiteurs. "Très peu d'entre eux trouveront un CDI", avoue t-il. "On a du mal à défendre ces candidatures, même les bons profils, parce que beaucoup de salariés plutôt jeunes ne tiennent pas à travailler avec des collaborateurs plus âgés qu'eux. La mode dans mon secteur, c'est de recruter à 45 ans maximum", explique t-il. "Il a quelques exceptions : pour un poste de directeur informatique, on se doute bien que les candidats n'auront pas 25 ans. Mais ces postes là sont très rares... »
Par Alexia Eychenne
L’Express
02/12/2010
Bien à vous,
Morgane BRAVO
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